Gare à la tontine qui dissimule une donation entre époux

L'acquisition en tontine, par des époux séparés de biens, d'un immeuble financé exclusivement par le mari, moins de deux mois avant son décès, alors que ce dernier, ancien médecin, était notoirement malade encourt la requalification en donation déguisée, faute d'aléa. Tel est l'avis rendu récemment par le Comité de l'abus de droit fiscal dans l'une des affaires qui lui étaient soumises (Avis CADF/AC n° 4/2021, affaire n° 2021-08). L'administration avait adressé à la veuve une proposition de rectification, considérant que la clause d'accroissement était dépourvue de tout aléa donc constitutive d'une opération artificielle visant à dissimuler une donation entre époux. Elle soumettait l'opération aux droits de mutation à titre gratuit et appliquait la majoration de 80?% prévu à l'article L 64 du Livre des procédures fiscales. Elle avait notamment relevé que l'acquisition de l'immeuble avait été financée uniquement par le mari, ce qui privait l'opération d'aléa économique dans la mesure où celui-ci ne pouvait tirer un bénéfice de la clause d'accroissement. De plus, il était notoire que le mari, médecin avant d'exercer une autre carrière, était atteint d'une longue maladie dont il décédera moins de 2 mois après l'acte d'acquisition du bien, ce qui remettait en cause la réalité de l'aléa vital. Sur la même longueur d'onde que l'administration, le Comité considère que l'opération est entachée de simulation et caractérise une donation déguisée de biens présents à terme soumise aux droits de mutation à titre gratuit. Il précise que l'administration est fondée à mettre en œuvre la procédure d'abus de droit, alors même qu'un résultat fiscal identique à celui du pacte tontinier aurait pu être obtenu si le défunt avait désigné son épouse en qualité de légataire universelle.
  • Mise à jour le : 21/09/2021