La valeur verte des logements, mythe ou réalité ?

Par : Dominique De Noronha

Le secteur du bâtiment est, en France, le plus gros consommateur d’énergie en représentant à lui seul 43 %. Chaque année, il produit 23 % des émissions de gaz à effet de serre (GES). Il s’agit à la fois d’un sujet environnemental et d’une dépense importante pour les ménages ; leur facture annuelle de chauffage représente 900 euros en moyenne.

Lors du Protocole de Kyoto, la communauté internationale s’est fixée comme but de diviser par deux les émissions de gaz à effets de serre avant 2025 à l’échelle de la planète. Pour les pays industrialisés, dont la France, le but va même au-delà : il s’agira de diviser par quatre leurs émissions en moins de cinquante ans.

L’estimation de la valeur verte des logements, c’est-à-dire l’augmentation de valeur engendrée par une meilleure performance énergétique ,est réalisée par Dinamic, sur les bases notariales Bien et Perval. L’amélioration du taux de renseignement des étiquettes de performance énergétique (DPE) permet de présenter des résultats pour une seule année (2014) et à un niveau géographique plus fin, celui des nouvelles régions administratives en vigueur au 1er janvier 2016.

La méthode décompose le prix de chaque logement en fonction de la valeur de ses composantes. Du fait de la relation entre les deux étiquettes, énergie et climat, une seule d’entre elles, l’étiquette énergie, est incluse dans le modèle, car elle concerne directement le consommateur individuel. L’étude est réalisée en distinguant les maisons des logements.

La France est découpée en zones hivernales

Depuis la RT2012, la France comprend trois zones climatiques H1, H2, et H3, établies en fonction des températures hivernales :

- H1 : la zone la plus froide située au Nord-Est et composée de trois régions a, b, c, la région b centrale étant un peu plus froide que les deux autres ;

- H2 : une zone plutôt tempérée comprenant quatre régions a, b, et c situées à l’Ouest, côté Atlantique, bénéficiant du rôle régulateur de l’océan, avec une région d bénéficiant encore du climat méditerranéen ;

- H3 : une zone plutôt chaude en bordure de la Méditerranée et la Corse, en une seule région.

Pour chaque marché et chaque zone climatique, les valeurs des estimations sont présentées sous forme d’une carte, et les intervalles de confiance à 95 % associés à ces estimations suivent sous la forme d’un tableau.

L’étiquette énergie D n’apparaît ni sur la carte ni dans le tableau, car il s’agit de l’étiquette de « référence » puisque c’est l’étiquette la plus représentée.

Pour une valeur de l’étiquette énergie autre que D, lorsque celle-ci n’apparaît ni sur la carte ni dans le tableau, cela signifie que pour cette valeur de l’étiquette énergie, aucune variation significative du prix par rapport à une étiquette D n’a été déterminée.

Des étiquettes qui évoluent

Par rapport à 2012-2013, l’évolution de la répartition de l’étiquette énergie par zone climatique en 2014 est restée stable en maisons, mais a évolué de manière importante en appartements : à Paris, les valeurs des étiquettes énergie se sont améliorées : la part des étiquettes F-G a perdu six points au profit des étiquettes A-B, C et E ; en revanche, en zone climatique H2d, les valeurs des étiquettes énergie se sont détériorées : la part des étiquettes E a gagné quatre points au détriment des étiquettes C et D.

Qu’il s’agisse des appartements ou des maisons, les régions du Sud se caractérisent par une meilleure performance énergétique que les régions du Nord.

Les maisons, plus d’impact

En Bretagne, une maison dont l’étiquette énergie est C s’est vendu 7 % plus cher qu’une maison dont l’étiquette est D, toutes choses égales par ailleurs (dans la limite de l’information disponible dans les bases notariales). L’absence de données signifie que le modèle n’a pas mis en évidence d’effet significatif ; c’est, par exemple, le cas des étiquettes A-B au Nord et à l’Est. L’impact des étiquettes C et E est à peu près symétrique. En revanche, la décote liée à une mauvaise étiquette (F-G) semble plus importante que la plus-value due à une bonne étiquette (A-B).

Les appartements, moins sensibles

En petite couronne de Paris, un bien dont l’étiquette énergie est F ou G s’est vendu 4 % moins cher qu’un bien dont l’étiquette est D, toutes choses égales par ailleurs (dans la limite de l’information disponible dans les bases notariales).

Dans l’ancienne région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, aujourd’hui Hauts-de-France, aucun écart significatif n’apparaît. Pour les moins bonnes étiquettes (F-G), la décote s’étage entre 2 et 14 % au lieu de 5 à 18 % pour les maisons ; l’avantage procuré par une étiquette A ou B semble au contraire supérieur, mais la comparaison par région n’est possible que dans le Sud-Ouest.

Un impact sur le prix de vente

En zone climatique H2a, une maison dont l’étiquette énergie est C a 95 % de chances de se vendre entre 5 et 8 % plus cher qu’une maison dont l’étiquette est D, toutes choses égales par ailleurs, 7 % étant la meilleure estimation. A Paris, un appartement dont l’étiquette énergie est F-G a 9 5 % de chances de se vendre entre 2 et 4 % moins cher qu’un appartement dont l’étiquette est D, toutes choses égales par ailleurs (dans la limite de l’information disponible dans les bases notariales), 3 % étant la meilleure estimation (cf. carte et tableau ci-contre). Il est aujourd’hui clairement établi un lien entre performance énergétique et/ou environnementale et valeur financière des logements. Comme pour les immeubles de bureaux, la valeur verte se traduit par une valeur vénale ou une valeur locative plus élevée. Les résultats sont disparates, ils varient selon les pays, selon la catégorie de logement (collectif ou maison) et selon s’il s’agit d’un logement neuf ou d’un logement existant.

La valeur vénale pour les logements collectifs certifiés est, en moyenne, 2,8 à 9,6 % plus élevée que pour des logements collectifs non certifiés.  La valeur locative est en moyenne de + 6 %. Pour les maisons individuelles, la valeur vénale est comprise entre + 7 et + 18 % pour le neuf, et + 30 % en moyenne pour les maisons existantes.

Des perspectives de gains très différents

Selon l’Ademe, la valeur additionnelle des logements respectant la RT2012 par rapport aux mêmes logements respectant la RT2005 est importante. Les estimations de valeurs vertes probables se situent autour de 100 €/m2 SHON (surface hors œuvre nette) en maison individuelle et de 60 €/m2 SHON en logement collectif. Mais les perspectives de gains réalisés par rapport à la valeur des travaux varient fortement d’un bien à un autre.

Deux exemples
Un appartement chauffé au fuel

Prenons l’exemple d’un appartement dans un immeuble de 1970 chauffé au fuel, situé dans le Bas-Rhin, en zone urbaine. Sa surface totale est de 2 460 m2, sur quatre niveaux. Le calcul est réalisé pour un appartement d’environ 106 m2. Les murs, la toiture et les planchers bas ne sont pas isolés. Le chauffage et l’eau chaude sont assurés par une chaudière collective d’origine au fioul. L’aération est assurée par l’ouverture des fenêtres. Les travaux prévus sont l’isolation des murs par l’extérieur, l’isolation du toit terrasse et des plafonds des caves, la pose d’une VMC collective hygroréglable, le remplacement de la chaudière par un appareil à condensation avec dispositif de programmation, et des robinets thermostatiques. Ces travaux permettent une baisse de la consommation d’énergie primaire de 285 kWhep/m2/an à 75 kWhep/m2/an, soit une diminution de 75 % pour un coût de travaux estimé à 21 000 €.

Résultat : Valeur verte : ces travaux permettent de dégager une valeur verte correspondant à 7 % de la valeur vénale estimée et à 83 % du montant des travaux. Ces travaux permettent en outre d’éviter une décote par rapport à la moyenne du marché, soit un gain vert de 13 % de la valeur du bien. Ce gain représente 1,5 fois le montant des travaux.

Un logement chauffé à l’électricité

Un logement collectif chauffé à l’électricité dans une résidence neuve qui comporte vingt-quatre logements répartis en deux immeubles, et a une superficie de 1 990 m2 SHON pour une surface habitable de 1 730 m2. Elle est située en Haute-Savoie, à une altitude de 806 mètres. La résidence utilise une pompe à chaleur sur nappe phréatique, une ventilation Hygro B et des panneaux solaires thermiques. Sa consommation conventionnelle est de 68,7 kWhep/m2 SHON.an pour une consommation conventionnelle de référence de 171,8 kWhep/m2 SHON.an : La valeur verte au mètre carré SHON oscille entre 35 et 124 €, avec une valeur probable autour de 60 €/m2 SHON.

Un nécessaire soutien financier

Il s’agit de mettre en œuvre à grande échelle la rénovation énergétique et thermique des bâtiments français existants. En parallèle, la réglementation thermique impose que les nouveaux bâtiments construits depuis 2012 soient obligatoirement économes en énergie conformément à la norme BBC (bâtiment basse consommation) ; d’ici 2020, ils devront être à énergie positive (Bepos).

Le parc bâti est composé de 34 millions de logements, dont 19 millions de maisons individuelles et 15 millions de logements collectifs (source Insee). A ce parc s’ajoutent 850 millions de mètres carrés de bâtiments tertiaires, pour beaucoup encore lourdement énergivores et qu’il convient de rénover. Et il y a onze millions de logements en France qui sont classés en catégorie F ou G du DPE ! Mais cela a un coût lourd, voire prohibitif pour de nombreux propriétaires. Des aides et des financements spécifiques sont proposés.

Il y a bien sur le crédit d’impôt transition énergétique (CITE), de 30 % du montant des travaux effectués, retenus dans la limite de 16 000 € pour un couple ou 8 000 € pour une personne seule (pour plus de détails, voir le hors-série Le Guide de l’immobilier 2016). Mais il y a d’autres aides.

La TVA à taux réduit

Les propriétaires, les locataires ou les occupants à titre gratuit qui réalisent des travaux d’économie d’énergie dans leur logement peuvent bénéficier d’un taux de TVA réduit. Les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien réalisés dans des logements achevés depuis plus de deux ans bénéficient d’un taux de TVA de 10 %. Les travaux visant l’installation des matériaux et équipements éligibles au CITE profitent d’un taux égal à 5,5 %. Ce taux est directement appliqué par l’entreprise sur la facture des travaux. Lorsque ces travaux portent sur les parties communes d’un immeuble, c’est le syndicat de copropriété qui bénéficie de la TVA à 5,5 %.

La possible exonération de taxe foncière

Par ailleurs, pour les logements achevés avant 1989, les propriétaires, les occupants ou les bailleurs de logements ayant réalisé des travaux d’économie d’énergie peuvent bénéficier d’une exonération de la taxe foncière. Ce sont les collectivités locales qui, sur délibération, proposent une exonération partielle ou totale. Les équipements éligibles sont également ceux concernés par le CITE. Pour les logements achevés à compter du 1er janvier 2009, l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties est conditionnée par l’obtention du label BBC2005.

Habiter mieux de l’Anah

Elle s’adresse aux propriétaires et bailleurs à revenus modestes ou très modestes pour les aider à rénover les logements bâtis de plus de quinze ans. Cette aide peut prendre la forme d’une aide financière ou d’un accompagnement. Les travaux doivent garantir une amélioration de la performance énergétique d’au moins 15 % et être réalisés par des professionnels du bâtiment.

L’aide de l’Anah peut représenter de 35 à 50 % du montant HT des travaux. A cela peut s’ajouter une prime au titre des investissements d’avenir et une aide complémentaire. Seuls les logements de plus de quinze ans n’ayant pas bénéficié d’autres financements de l’Etat sont éligibles à ce dispositif proposé par l’Anah.

Aide complémentaire, le fonds d’aide à la rénovation thermique (FART) permet de bénéficier, sous certaines conditions, d’une aide financière appelée aide de solidarité écologique (ASE), et d’un accompagnement social, financier et technique pour l’élaboration et le suivi de leur projet (uniquement pour les propriétaires occupants et propriétaires-bailleurs).

  • Mise à jour le : 25/04/2016

Vos réactions