Pourquoi l’investissement hôtelier séduit de plus en plus de particuliers

Par : edicom

Par Eugénie Deloire

En vogue depuis cinq ans, l’investissement hôtelier séduit de plus en plus de particuliers. Actif de diversification proposé par les CGP, il fait l’objet d’une importante défiscalisation et affiche des rendements alléchants. Toutefois, si la rentabilité est souvent au rendez-vous, le marché n’est pas sans risque et s’adresse à un public averti.

Il n’a rien perdu de son sex-appeal. Le marché de l’hôtellerie continue de faire rêver les investisseurs, malgré la vague d’attentats qui a ébranlé Paris et Nice en 2015 et 2016.  L’année 2016 s’est achevée sur des volumes d’investissements élevés (à 3,2 milliards d’euros (1)), maintenant la France au troisième rang des investisseurs européens, et 2017 a été marquée par un net regain de fréquentation (+ 3,7 % en septembre).

A tel point que le Revpar (revenu par chambre disponible) devrait s’accroître de 4,5 % sous l’impulsion du taux d’occupation (2). « Conjoncturellement, le marché se porte bien et structurellement, l’Europe représente 50 % des parts de marché du tourisme mondial », rappelle Grégory Soppelsa, directeur général d’Atream. Avec 22 milliards d’euros de transactions annuelles (soit 10 % de l’investissement immobilier global en Europe), l’hôtellerie apparaît comme un sous-jacent porteur et liquide, bénéficiant d’un marché profond. « Plus de 65 % des établissements français hôteliers indépendants sont sujets à consolidation. En raison de la pyramide des âges, beaucoup d’actifs intéressants sont aujourd’hui à reprendre », explique Xavier Anthonioz, président d’123 IM qui assure n’avoir jamais autant collecté que cette année sur ce type d’actif. Et pour cause : alors les rendements des SCPI tendent à baisser et que la volatilité des marchés financiers refroidit toujours les particuliers, leur appétit pour l’hôtellerie s’aiguise. Cela tombe bien, il y a de la place, sur le marché, pour les nouveaux entrants.

Besoin de financement

Parc hôtelier vétuste, offre qui peine à répondre à une demande touristique internationale croissante : les besoins de financement du secteur, détenu à 80 % par des propriétaires indépendants, sont importants. « Pour un certain nombre d’exploitants qui ne se sont pas remis en question, le produit ne correspond plus aux attentes et le taux de remplissage, comme le prix des nuitées, diminuent », observe Xavier Anthonioz. Outre le soutien de 100 M€ accordé par la BPI pour accompagner la transformation des groupes hôteliers français, des investissements sont nécessaires pour structurer un marché dont les liquidités injectées ne suffisent pas à assurer l’ensemble des rénovations. Ce chantier a été repris en main par des sociétés de gestion qui ont ouvert leur capital au grand public. « Confidentiel il y a dix ans, le marché est aujourd’hui devenu plus mature et normé quant aux possibilités de se financer et se structurer », indique le président d’123 IM. Il est surtout désormais possible, pour un particulier, de n’investir que partiellement dans un hôtel, et surtout, de ne pas en assumer la gestion.

Plusieurs modalités d’exploitation sont possibles : le modèle du bailleur-preneur classique, via un contrat de gestion reliant l’exploitation de l’établissement à un groupe hôtelier (dans ce cas, l’entité détient les murs et le fonds de commerce) ou dans le cadre d’un contrat de franchise. Faute d’offre (l’achat des murs reste le pré carré des institutionnels) et de moyens, le schéma d’investissement se fait rarement en direct mais le plus souvent via une société de gestion – fonds d’investissement, banque privée – qui propose une activité de capital-risque (ou Private Equity).

Capital-risque, mode d’emploi

Dans le cadre du Private Equity, l’actif hôtelier n’est qu’une composante de l’investissement. Les sociétés de gestion qui investissent dans l’hôtellerie ont pour objectif de restructurer, rénover et valoriser les établissements. Il s’agit d’opérations à effet de levier visant à générer de la plus-value et accroître la valeur du fonds de commerce pour atteindre des taux de rendements nets après débouclage de 7 à 8 % en moyenne, supérieurs à ceux de l’immobilier classique. « Nous avons accompagné plus d’une vingtaine de groupes hôteliers dans leur stratégie de développement et consacré 200 millions d’euros en fonds propres dans la réhabilitation de ces immeubles. Ces investissements nous ont permis d’améliorer la rentabilité des établissements acquis », démontre Xavier Anthonioz.

Ces fonds optimisent les exploitations existantes ou partent d’un projet ex-nihilo, comme c’est le cas pour Novaxia qui transforme les friches industrielles en hôtels. Le groupe finance, par exemple, via le fonds FPCI Novaxia Immo Evolution, la réhabilitation de bureaux industriels et d’un hôtel particulier en un hôtel quatre-étoiles de cent-soixante-neuf chambres, situé en plein cœur du Quartier latin à Paris, livré en 2020. « Cette catégorie d’actifs solides nous permet de prendre le relais sur la création de valeur au sein de nos fonds, en cas de difficultés sur d’autres actifs », souligne Stéphane Borio, directeur de l’Asset Management chez Novaxia.

Afin de minimiser les risques, la majorité de ces fonds sont diversifiés. Le fonds 123Corporate 2023, proposé par 123 IM, souscrit, ainsi, à des émissions obligataires de sociétés d’exploitation d’hôtels à hauteur de 20 %, mais également à des Ehpad, pharmacies, écoles ou campings.

Conditions d’entrée

Moyennant des frais de gestion (de 2 à 6 %), les sociétés de Private Equity garantissent aux investisseurs des conditions d’entrée négociée au capital des groupes hôteliers, assurent le suivi et le contrôle de leur participation durant toute la durée de l’opération et surtout, elles défendent leurs intérêts à la sortie. Leur point fort : donner l’accès aux particuliers à des opérations mixtes avec des exploitants qui connaissent le marché, tout en diversifiant les risques.

En contrepartie, les investisseurs s’engagent à placer leurs économies durant une durée légale de cinq ans. Les conditions d’entrée au capital-investissement varient selon la surface financière disponible des investisseurs. A partir de 1 000 euros, ils peuvent investir dans un fonds (mais dans les faits, le ticket d’entrée moyen est plutôt de 10 000 euros) ou, au-delà de 100 000 euros, souscrire à un club deal.

Investir dans un fonds

La stratégie d’investissement repose sur l’accompagnement des exploitants dans leur repositionnement de leurs actifs ou de montée en gamme en leur apportant un financement souple (durée, remboursement du capital in fine) et non dilutif. Les clients investissent dans un portefeuille diversifié de participations à travers ce fonds.

Souscrire à un club deal

Les investisseurs sont actionnaires en direct de la société d’exploitation. La diversification est moindre puisque le client n’est exposé qu’à une seule société. 123 IM a récemment organisé un club deal d’une vingtaine d’investisseurs pour l’augmentation de capital de la société exploitant l’hôtel Mont-Blanc, établissement cinq-étoiles à Chamonix.

Fonds fiscaux ou non fiscaux ?

Le capital-investissement concerne les sociétés non cotées. Pour y investir, trois types de fonds existent : les FIP (fiscaux), FPCI et FPCR (non fiscaux). Au particulier de choisir la direction de son investissement : défiscalisation ou capitalisation. Encore une fois, tout dépend de l’objectif visé.

Les contribuables désireux de profiter des avantages fiscaux dès leur entrée dans le fonds choisiront le FIP, les clients au profil patrimonial privilégieront les FPCI ou FCPR.

Fonds d’investissement de proximité

Les FIP sont investis dans des PME régionales à hauteur de 60 %. Ils donnent droit au souscripteur à une réduction de 50 % de l’ISF de la somme investie et 18 % de réduction de l’impôt sur le revenu. A la sortie des cinq années de détention obligatoires, l’investisseur est exonéré des plus-values et de l’impôt sur le revenu, hors prélèvements sociaux de 17,5 %.

Ces fonds présentent quelques contraintes : ils doivent être investis dans des PME qui emploient au moins 250 personnes, réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros, sont soumise à l’impôt sur les sociétés et qui exercent leur activité dans quatre régions limitrophes. La durée moyenne de l’investissement va de cinq à sept années. Le rendement affiché par ces produits fiscaux peut s’établir entre 5 et 6 %.

Fonds communs de placement dans l’innovation et fonds communs de placement à risques

Pour les investisseurs patrimoniaux, les fonds communs de placement dans l’innovation (FPCI) et fonds communs de placement à risques (FPCR) ne proposent pas d’abattement fiscal à l’entrée du fonds mais garantissent une exonération totale des plus-values de cession au moment de sa liquidation. Si le particulier ne touche ni liquidité, ni dividendes durant toute l’opération, il récupère la totalité des sommes capitalisées au débouclage. Ces produits non fiscaux sont moins contraignants et plus performants car ils permettent d’investir plus vite sur des actifs diversifiés. Ils peuvent afficher jusqu’à 8 % de rendements nets.

Couple rendement-risque

Idéal pour diversifier son portefeuille patrimonial, l’actif hôtelier n’est cependant pas exempt de risque. A la fois, de par son mode de gestion – « le non-coté ne doit pas représenter plus de 5 à 10 % du patrimoine global d’un épargnant » selon Xavier Anthonioz –, mais également parce qu’il appartient à une classe d’actifs volatile, liée aux aléas de la demande des consommateurs. La question du risque est d’autant plus d’actualité qu’elle est au cœur du sujet Maranatha dont le redressement judiciaire ébranle aujourd’hui le secteur. « Il ne faut pas oublier que si l’hôtel ne fonctionne pas, il n’y a pas de retour en arrière et les lourds investissements réalisés ne pourront être remis à zéro », prévient Anthony Calci, dirigeant de Calci Patrimoine.

De fait, selon le règlement établi par l’AMF, il est en pratique impossible d’obtenir le rachat de ses parts de FCPR/FCPI/FIP pendant la durée de vie du fonds, pouvant aller jusqu’à dix ans. Par ailleurs, le risque de moins-value est corrélé à la bonne gestion de l’exploitation. « En achetant un fonds de commerce, l’investisseur prend des risques sur une activité commerciale. Il ne s’agit pas que de murs mais d’une véritable entreprise, avec des salariés », précise Benjamin Altaras, directeur hôtellerie de Turenne Capital. En contrepartie, les rendements sont à la hauteur de ces risques. Ce qui explique pourquoi des acteurs historiquement positionnés sur l’investissement immobilier (Foncière des Murs, Novaxia) se mettent à acheter des fonds de commerce, générateurs de plus-value. « C’est le risque qui créé la rémunération complémentaire », assure Jean-Marc Palhon, président d’Extendam. A la prochaine liquidation de son fonds hôtelier FPCI Lyon Grand Centre, la société espère réaliser 50 % de performance, ce qui équivaudrait à un rendement à 7,5 % net de frais de gestion.

Stratégie défensive

Face au risque, les acteurs du Private Equity usent de plusieurs garde-fous. Trois critères incontournables sont à étudier pour sécuriser l’investissement : le prix du foncier d’exploitation, son emplacement (idéalement les zones de flux, gares et aéroports, les centres-villes) et l’expertise de l’exploitant sur le marché. En s’associant avec des marques reconnues (Radisson, Hilton, Accor, etc.) et en diversifiant le nombre d’opérateurs, on minimise d’autant le niveau de risque. « Chaque région ou pays possède une société d’exploitation qui a une bonne connaissance du marché local et avec qui il est pertinent de travailler », affirme Jean-Marc Palhon. Le groupe Extendam va d’ailleurs plus loin en imposant à ses exploitants partenaires d’investir avec lui lors de rachat d’actifs hôteliers dans le but « d’allier les intérêts ».

Une autre stratégie consiste à pallier le risque industriel par de l’actif immobilier défensif. C’est le cas du fonds Turenne Hôtellerie 2 qui a investi dans l’acquisition de fonds de commerce hôteliers avec de l’immobilier associé… Quitte à grever la performance du produit. « Le rendement est plus faible, mais le risque est contenu », concède Jean-Marc Palhon. Et les investisseurs sont rassurés.

Pour Emmanuel Béraud-Sudreau, directeur adjoint de Novaxia Asset Management, « être propriétaire des murs et du fonds permet de rester maître de son destin et de se donner la possibilité de développer un hôtel dans une autre destination si la situation financière se complique ». Autre avantage, cela oblige l’actionnaire à s’impliquer pleinement dans le suivi de l’exploitation et à mener un travail d’expertise plus poussé sur les actifs investis. Pour son hôtel flottant Paris Off Seine, Novaxia a ainsi glissé vers un contrat d’exploitation et mis en place, en interne, une structure dédiée à l’asset management, en phase avec les réalités du terrain.

SCPI, la voie sereine

Pour ceux que le risque commercial effraie, il existe un autre moyen d’investir dans l’hôtellerie : les SCPI. Encore sous-représentées sur le marché, elles offrent une alternative aux investisseurs en quête de rendements sécurisés. Plus orientées grand public que le capital-investissement (à partir de 1 000 euros de souscription), elles ont l’avantage de proposer des baux à très long terme qui laissent le temps d’analyser le fonds de commerce des exploitants et d’identifier les opportunités du marché.

La SCPI Atream Hôtel, composée à 70 % d’hôtels et 30 % de résidences tourisme et d’affaires, annonce un rendement net de 4,80 %, pour une durée conseillée de dix ans. « Nous avons axé notre développement sur les principales villes européennes de façon à répondre à la valorisation du patrimoine dans le temps ainsi qu’à la pérennité des revenus locatifs », explique Grégory Soppelsa. N’étant que propriétaires des murs, et non du fonds de commerce, ces véhicules s’inscrivent dans une logique purement immobilière. « Il est important pour le souscripteur de faire la distinction entre une stratégie destinée à générer des revenus fonciers, où l’on ne fait courir à l’investisseur que le risque immobilier, à l’exception de la solvabilité du locataire, et le Private Equity qui est adossé au risque d’entreprise », ajoute ce dernier.

Vigilance, là encore, dans le choix de l’exploitant. Pour ses SCPI Foncia Pierre Rendement et Cap’Hébergimmo, créées en 2013, le groupe s’est associé à des marques leader telles que Châteauform’, pour l’hôtellerie de luxe dédiée aux séminaires, et Roi Soleil, dans l’Est de la France. « Comme pour les Ehpad, la qualité de l’exploitant et sa connaissance du métier sont primordiales à la solidité de l’investissement. On ne s’institue pas hôtelier du jour au lendemain », note Danielle François-Brazier, directrice générale de Foncia Pierre Gestion. Répondant à une logique de diversification (deux à quatre-étoiles), ces produits devraient atteindre près de 8 % de rendement à la fin 2017.

Un secteur en mutation

Si le potentiel du marché de l’hôtellerie est réel et la rentabilité au rendez-vous – le résultat brut d’exploitation moyen d’un hôtel en France s’établit à 32 %, le cash-flow important et les risques d’impayés faibles –, la marge de progression reste grande. « Le bureau continue de représenter 95 % de l’immobilier en France », souligne Anthony Calci. Le parc français a même perdu quatre-cent-cinquante hôtels en 2016, selon le cabinet In Extenso TCH. Mais cela n’empêche pas les professionnels de croire au développement futur du secteur. « Les faibles réserves foncières du territoire ne vont faire qu’accroître le besoin en hébergement, assurant, ainsi des fondamentaux sains pour les cinq à dix prochaines années », prévoit Jean-Marc Palhon. Sans compter l’objectif de la France de faire grimper le flux de touristes de 90 millions par an aujourd’hui à 120 millions d’ici à six ans.

De quoi attirer les investisseurs, mais également de stimuler l’imagination des acteurs d’un secteur en pleine mutation, y compris digital. « Airbnb a eu l’effet positif d’obliger les hôteliers à être plus exigeants et à revoir leur stratégie », indique Benjamin Altaras. Les concepts hôteliers évoluent. Salles de sports, restaurants, espaces de coworking et de coliving : les résidences mixant hôtellerie, espaces de loisirs, voire commerce, et logement privé ouvrent des perspectives. « L’hôtellerie à thème dépoussière l’image de l’hôtel traditionnel et assure de meilleurs taux de remplissage », assure Anthony Calci. Le succès fulgurant de Mama Shelter (50 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2016 et le groupe Accor comme actionnaire) et de son modèle économique (hôtel-bar-restaurant) où les nuitées ne comptent que pour 50 % du chiffre d’affaires global, ont soufflé un vent de révolution sur le marché.

Les investisseurs peuvent y acheter sous régime fiscal LMNP, avec réduction d’impôt de 25 % et une garantie sur vingt ans de 4,4 %, une sélection d’appartements du studio au T2, meublés et dessinés par Philippe Starck.

Concurrencée par ces offres d’hébergement alternatif, l’hôtellerie traditionnelle pourrait bien sortir de sa niche pour aller conquérir de nouveaux marchés.

1. Xerfi-Precepta, dossier spécial immobilier, décembre 2017

2. Étude MKG Consulting, juin 2017

  • Mise à jour le : 25/01/2018

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