Les prélèvements sociaux sont-ils dus sur les capitaux-décès issus des PER assurance ?

Par : edicom

Par Benoît Berchebru, directeur de l’ingénierie patrimoniale chez Nortia

Le plan d’épargne-retraite assurance est un outil efficace pour préparer sa retraite, réduire son assiette fiscale, protéger le conjoint survivant et assurer la transmission de son patrimoine. S’il reprend certains éléments des anciens contrats retraites (Perp, Perco…), désormais fermés à la commercialisation depuis le 1er octobre 2020, et la fiscalité décès de l’assurance-vie, il s’en distingue à plusieurs titres.  Explications.

Une fiscalité assurantielle en cas de décès… presque identique

Si le PER assurance reprend certains éléments de la fiscalité décès de l’assurance-vie (article 990 I et 757 B du CGI), il s’en éloigne suffisamment pour se voir appliquer son propre régime fiscal. 

En assurance-vie classique, la fiscalité décès appliquée aux capitaux transmis aux bénéficiaires désignés dépend de trois critères cumulatifs : 

1/ contrat souscrit avant ou après le 20 novembre 1991 ;

2/ prime(s) versée(s) avant/après les 70 ans de l’assuré ;

3/ prime(s) versée(s) avant/après le 13 octobre 1998.

Pour les contrats souscrits après 1991 et pour les primes versées après octobre 1998 et avant les 70 ans de l’assuré, les capitaux décès (primes + intérêts) transmis aux bénéficiaires désignés seront soumis à une taxe de 20% jusqu’à 852 500 €, puis 31,25% au-delà, après un abattement individuel de 152 500 € par bénéficiaire, peu importe la date du décès de l’assuré (avant ou après 70 ans) et du lien de parenté avec l’assuré, tous contrats confondus.  

Pour les primes versées après les 70 ans de l’assuré, les capitaux décès constitués par ces primes seront soumis aux droits de mutation à titre gratuit (= droit des successions). Mais uniquement sur la fraction des primes versées après un abattement global de 30 500 € à partager entre tous les bénéficiaires acceptant des capitaux décès pour un même souscripteur assuré. Les intérêts sont quant à eux totalement exonérés de fiscalité décès. D’où l’utilité de continuer de souscrire des contrats d’assurance vie après 70 ans, car même si l’abattement applicable n’est pas de 152 500 € par bénéficiaire mais de 30 500 € à partager, l’exonération des intérêts vient compenser peu ou prou, cette baisse d’abattement. 

Pour le PER assurance, deux nuances sont à noter concernant la fiscalité décès : 

a) la date prise en compte pour déterminer la fiscalité applicable aux capitaux décès transmis aux bénéficiaires n’est pas la date de versement des primes comme en assurance vie, mais la date du décès de l’assuré. 

Conséquence

En cas de décès après 70 ans, les capitaux décès (versements + intérêts) seront soumis en globalité à l’article 757 B du CGI, peu importe que les primes aient été versées avant 70 ans, seule la date du décès compte ici. Il n’y a donc pas de compartiments fiscaux dans le PER assurance entre les primes versées avant / après 70 ans concernant la fiscalité décès, contrairement à l’assurance-vie. 

Si le décès de l’assuré intervient avant ses 70 ans, les capitaux décès issus du PER assurance seront bien soumis au même régime fiscal que celui de l’assurance-vie, à savoir l’article 990 I du CGI. Il n’y a pas de particularités fiscales ici, entre un PER assurance et un contrat d’assurance vie classique. Par contre, le montant de l’abattement de 152 500 € utilisé dans le cadre des capitaux décès du PER assurance viendra en déduction de l’abattement disponible en assurance vie (et inversement) pour un même bénéficiaire et assuré. Il n’y a donc pas doublement de l’abattement de 152 500 € en cas de souscription d’un PER assurance et d’un contrat d’assurance vie. Raison pour laquelle il faut mixer les bénéficiaire entre les bénéficiaires du Per et de l’assurance-vie. Par exemple, le conjoint pour les capitaux décès issus du PER Assurance (puisqu’il sera totalement exonéré), et les enfants pour l’assurance vie pour jouer la stratégie de compartimentation des primes.   

b) En cas de décès après 70 ans, ce sont les primes, ainsi que les intérêts, qui constituent le montant des capitaux décès taxables soumis aux droits de succession prévu à l’article 757 B du CGI, là où en assurance vie, seules les primes entrent dans l’assiette de taxation de l’article 757 B, les intérêts étant exonérés. 

Raison pour laquelle il convient de parler de l’application d’un 757 B dégradé pour les décès après 70 ans dans le cadre du PER assurance, puisque les intérêts seront malheureusement taxés sauf pour le conjoint bénéficiaire.

Le PER Assurance conserve cependant tout son avantage de contrat retraite avec une absence de reprise des primes défiscalisées à l’entrée, ce qui n’est pas le cas lors d’un rachat anticipé avant le départ retraite. 

Focus sur les prélèvements sociaux

Assurance-vie

En assurance vie classique, les intérêts du contrat non rachetés qui n’ont jamais subi les prélèvements sociaux du vivant du souscripteur assuré (1) y sont assujettis dans le cadre du décès  (2).

Et ce, même si le bénéficiaire des capitaux décès est le conjoint survivant.

Car rappelons-le, celui-ci est exonéré d’un point de vue fiscal depuis la loi Tepa d’Août 2007 (non application des articles 990 I / 757 B du CGI). En revanche, d’un point de vue social, il reste soumis aux prélèvements sociaux (17.2% à ce jour) sur la quote part des intérêts compris dans les capitaux décès reçus issus d’un contrat d’assurance vie, tout du moins pour ceux qui ne les ont pas subi du vivant de l’assuré.  

PER assurance 

Se pose la question de savoir si dans le cadre du PER assurance, la fiscalité décès de l’assurance-vie classique s’applique aux capitaux décès transmis de manière identique ou non, y compris d’un point de vue des prélèvements sociaux ? 

En cas de décès de l’assuré d’un PER assurance, le législateur fiscal n’a pas entendu soumettre aux prélèvements sociaux, les intérêts latents compris dans les capitaux décès transmis au(x) bénéficiaire(s) désigné(s).

Selon une lecture stricte de l’article L. 136-7 II 7° bis du code de la sécurité sociale (3) :« Sont également assujettis à la contribution (sous-entendu les prélèvements sociaux sur les produits de placement), (…) lorsque les intéressés demandent la délivrance des sommes exonérées (4) […] provenant d’un plan d’épargne retraite (5) […], … ». 

Que vise cette notion de « sommes » rachetées « exonérées » ?

Celles-ci correspondent aux sommes rachetées du PER pour l’un des 5 cas de sorties anticipées pour cause d’accident de la vie rappelés précédemment (6).

D'un point de vue fiscal (7), ce rachat anticipé du PER, pour l’un de ces 5 cas, ne donne pas lieu à une reprise de la défiscalisation des primes à l’entrée (avantage du PER).       

En revanche, d’un point de vue social, il y aura bien application des prélèvements sociaux sur le montant des intérêts rachetés, comme le précise expressément l’article L.136-7 II précité, retenant  que les « sommes exonérées » ayant fait l’objet d’un rachat pour cause d’accident de la vie, sont soumis à la « contribution », sous-entendu aux prélèvements sociaux. 

Cela signifie-t-il que ces mêmes prélèvements sociaux doivent s’appliquer dans le cadre de la transmission des capitaux par décès via le PER Assurance ? 

Il convient de répondre par la négative car l’article L.136-7 II 7 bis vise uniquement la situation de rachat, et non la situation de décès.  Si le législateur avait souhaité soumettre aux prélèvements sociaux, les intérêts latents compris dans les capitaux décès transmis via le PER assurance, il l’aurait prévu expressément dans le cadre de la dernière actualisation du 9 mars 2023 de l’article L.136-7 du code de la sécurité sociale et notamment le II 3° c qui soumet les capitaux décès aux prélèvements sociaux des contrats de capitalisation et d’assurance vie… mais pas du PER assurance car non mentionné.

N’ayant pas mis à jour cet article pour prévoir expressément l’application des prélèvements sociaux aux capitaux décès transmis via le PER, il convient d’en conclure en bon droit que ceux-ci ne s’appliquant pas aux intérêts compris dans les capitaux décès transmis via le PER assurance. Et encore heureux car c’est la règle qui s’applique de manière générale aux contrats retraite, et au PERP (8) en particulier, dont le PER a pris la suite. 

Ceci constitue donc une grande différence de traitement entre les contrats d’assurance vie classiques et le PER assurance. Mais ce n’est pas si étonnant que ça car c’était déjà la solution qui était appliquée avec le PERP où les prélèvements sociaux n’étaient appliqués lors de la liquidation du PERP (9).

Nous rappellerons par ailleurs 2 maximes bien connues des praticiens du droit, à savoir que « Les dispositions spéciales dérogent aux dispositions générales » et que« « Les exceptions doivent être interprétées strictement ». De sorte que l’article L.136-7 II 7 bis précité ne visant que les cas de rachat, il convient d’exclure de son champ d’application des prélèvements sociaux, la situation de décès. Et  le 3° c de cet article, qui ne visent que les contrats d’assurance vie et de capitalisation, exclu de fait, le PER Assurance, dont les capitaux décès ne seront pas soumis aux prélèvements sociaux lors de la liquidation du contrat pour cause de décès car non mentionné dans ledit 3° c. 

De surcroît, le PER assurance a une nature juridique différente d’un contrat d’assurance vie classique, puisqu’il :

- constitue un contrat retraite différent d’un contrat d’assurance vie classique ;

- est non rachetable sauf exception ;

- avec primes défiscalisées sur option ;

- est construit habituellement via un contrat collectif de groupe à adhésion individuelle facultative ;

-  dont la sortie à terme est liée à la cessation d’une activité professionnelle, salariée ou non ;

- avec six cas de sorties anticipées (cinq cas d’accidents de la vie + un cas pour cause d’acquisition de la résidence principale).

Alors qu’un contrat d’assurance vie n’est pas un contrat retraite, les sommes sont disponibles à tout instant, elles ne sont pas déductibles de l’IR (sauf contrat Epargne Handicap dans une certaine limite), le contrat est habituellement souscrit à titre individuel, et surtout, la sortie n’est pas liée à la cessation d’une activité professionnelle. 

Autant d’éléments qui le distinguent du PER assurance et qui exclut ce dernier de l’application des prélèvements sociaux sur les capitaux décès appliqués aux contrats d’assurance vie (10) visés à l’article 125 O A du CGI, dont ne fait pas partie le PER Assurance. 

Comparativement, le dénouement du contrat PERP par décès en phase de constitution ne donne déjà pas lieu à l'application des prélèvements sociaux sur les intérêts latents lors de la liquidation du contrat. Or, le PER ayant pris la suite de l'ancien contrat PERP, il semble légitime de faire le parallèle entre les deux régimes (11).

Aux mêmes causes, les mêmes effets, il y a une absence d’application des prélèvements sociaux sur les intérêts latents compris dans les capitaux décès transmis aux bénéficiaires désignés dans le cadre d’un PER assurance comme c’est le cas pour le PERP.  

Enfin, nous préciserons également que les prélèvements sociaux pris au fil de l’eau lors de l’inscription en compte des intérêts du fonds euro dans le cadre des contrats d’assurance vie ne s’appliquent pas au PER assurance, puisque les contrats retraites sont hors champs d’application de ce dispositif applicable depuis 2011 (12).

Ainsi, en application des textes actuels en vigueur, les prélèvements sociaux sont donc applicables aux capitaux décès des contrats d’assurance vie pour la quote part des intérêts non rachetés (intérêts UC et les intérêts du fonds euro n’ayant jamais subis ceux-ci du vivant de l’assuré), le PER assurance étant hors champ d’application des prélèvements sociaux sur les capitaux décès et fonds euro au fil de l’eau. Ce qui lui confère un avantage supplémentaire, comparativement à l’assurance vie. 

Nous espérons que l’administration mettra à jour très rapidement le BOSS (Bulletin officiel de la sécurité sociale) pour confirmer ces règles d’application, comme elle a pu le faire pour la fiscalité décès 757 B / 990 I du CGI dans le BOFIP en date du 30 mars 2023 (13) concernant le PER Assurance, même si cette actualisation est intervenue à notre sens un peu tard puisque réalisée plus de trois ans après le début de commercialisation du PER ! Vaut mieux tard que jamais…

 

1) Intérêts UC + intérêts fonds Euro avant 2011 + intérêts fonds Euro entre la dernière inscription en comptes et le décès depuis 2011

(2) Art. L.136-7 II 3° c du code de la sécurité sociale

(3) Avec renvoi à l’article 81 du CGI + L.132-23 du code des assurances + L.224-4 du code monétaire et financier

(4) vise uniquement les cas de déblocages anticipés visés à l’article 81-4 bis a et b du CGI et L.132-23 du code des assurances, à savoir les 5 cas de sorties anticipées en capital pour cause d’accident de la vie (invalidité 2ème/3èmecatégories, surendettement, décès du conjoint ou partenaire de pacs, fin aux allocations chômages, cessation d’activité non salariée pour cause de liquidation judiciaire)

(5) prévu à l’article L. 224-1 du code monétaire et financier

(6) L.224-4 du code monétaire et financier 

(7) En application de l’article 81-4 bis a et b du CGI

(8) Instruction fiscale 5 I-3-11 reprise au BOFIP 

(9) Instruction fiscale précédente 

(10) En vertu de l’article L.136-7 II 3° c du code de la sécurité sociale qui soumet aux prélèvements sociaux les intérêts compris dans les capitaux décès issus des« produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation, ainsi qu’aux placements de même nature (Assurance vie) mentionnés à l’article 125-0 A du code général des impôt » ,  déduction faite des produits ayant déjà supportés la contribution du vivant du souscripteur assuré.

(11) Instruction fiscale 5 B-11-05 § 85

(12) Instruction fiscale 5 I-3-11 § 10

(13) Référence bofip 30/03/2023 : ENR - TCAS - Régime fiscal applicable aux plans d'épargne retraite (PER) en cas de décès de l'assuré-souscripteur (ordonnance n° 2019-766 du 24 juillet 2019 portant réforme de l'épargne retraite, art. 3)

  • Mise à jour le : 13/04/2023

Vos réactions