Bordier & Cie France : un savoir-faire transmis de génération en génération

Par : Benoît Descamps

Bordier & Cie France s’appuie sur son savoir-faire historique de stock-picking et la relation de confiance qui l’unit à ses clients fortunés. Son objectif : atteindre rapidement le milliard d’euros sous gestion.

Créé en 1844 à Genève, Bordier & Cie est un groupe détenu par la cinquième génération de la famille Bordier. La structure n’exerce qu’un seul métier, quel que soit son lieu d’implantation, la gestion de fortune. « Notre indépendance capitalistique a des incidences fortes pour le groupe d’autant plus qu’en Suisse, Bordier a le statut de Banquier Privé avec des associés qui sont responsables indéfiniment sur leurs biens propres des engagements pris par la banque, expose Christophe Burtin, directeur général de Bordier & Cie (France). Celui-ci induit que nos dirigeants ont une vision à moyen/long terme, avec comme objectif de transmettre un groupe solide à la sixième génération dans une quinzaine d’années. »

Confidentialité et indépendance

Aujourd’hui, le groupe dans son ensemble compte deux cent quatre-vingt-dix collaborateurs et gère 14 milliards de francs suisses. La structure est présente dans le monde via différents bureaux en Suisse, mais aussi à Londres (via une croissance externe réalisée en 2001), en France depuis 2006, Singapour depuis 2011, et Montevideo.

Bordier & Cie s’établit donc dans l’Hexagone il y a quinze ans. « Nous sommes la dernière banque suisse à s’être installée en France, relève Christophe Burtin. Si le marché français est très concurrentiel, nous avons considéré qu’il restait de la place pour un acteur mettant au cœur de sa stratégie le service, une gestion sur mesure, la confidentialité et son indépendance aussi bien capitalistique que de gestion. »

En 2008, lors de l’arrivée de Christophe Burtin, la banque suisse compte alors 100 millions d’encours, « et tout reste encore à construire », note-t-il. L’équipe s’étoffe pas à pas avec le recrutement d’ingénieurs patrimoniaux, de banquiers privés et de gérants de portefeuille. « L’objectif est de constituer une entité harmonieuse, brique par brique, comme une PME familiale où la culture d’entreprise est très forte. »

A partir d’un million d’euros

Désormais, Bordier & Cie gère 700 millions d’euros d’encours en France et conseille trois cent cinquante familles. Pour un tiers, il s’agit de familles fortunées, pour un autre tiers des dirigeants en activité et pour le dernier tiers d’anciens dirigeants ayant cédé leur outil de travail. « Dans la plupart des cas, ces familles nous confient au moins un million d’euros d’actifs financiers à gérer, indique Christophe Burtin. Nous leur proposons notre gestion sous mandat en compte-titres ou en assurance-vie auprès d’une quinzaine de compagnies situées en France ou au Luxembourg. »

En France, la société Bordier & Cie a le statut de société de gestion de portefeuille, mais exerce, dans les faits, une activité de gestion privée. La structure se distingue, notamment, par une forte culture de sélection de titres vifs, en particulier sur les valeurs européennes et américaines, tout en ayant également une équipe de multigestion. « En 2000, le groupe a fait le choix de ne pas développer de gamme de fonds, expose Christophe Burtin. Seuls quelques OPC ont été créés, mais pour les besoins de gestion de nos “petits” portefeuilles. »

Pour sa gestion de portefeuille, l’équipe s’appuie sur une équipe étoffée d’analystes buy-side qui réalisent leur stock-picking sur les marchés européen et américain, ainsi qu’une équipe de macroéconomistes. Le recours à des fonds externes est exercé dans les cas où les expertises ne sont pas présentes en interne, notamment sur les fonds actions thématiques, les marchés des pays émergents, les petites et moyennes capitalisations, certaines stratégies obligataires, le Private Equity et les Hedge Funds. « L’équipe d’analystes est basée en Suisse, à Genève. En revanche, des sélectionneurs de fonds sont présents dans chacun de nos bureaux car nous collaborons  avec des acteurs locaux en complément de grands asset managers internationaux. » 

Aujourd’hui, le bureau français se compose de vingt-deux personnes, avec un ingénieur patrimonial (Audrey Ferry, notaire de formation), sept banquiers gérants qui sont les interlocuteurs principaux des clients et gèrent leurs portefeuilles, et des banquiers privés qui, eux, ne gèrent pas et réalisent une mission de conseil global. Ces derniers sont basés à Rennes et Brest. « Une belle opportunité de développement local », note Christophe Burtin. Depuis début 2020, la structure s’appuie également sur deux seniors advisors : Olivier Roy (ancien dirigeant de KBL Richelieu notamment) et Bernard Le Bourgeois (ancien dirigeant de grandes entreprises), qui soutiennent la réflexion stratégique et le développement du réseau.

Un process strict de stock-picking

L’offre de Bordier & Cie repose donc notamment sur le stock-picking des gérants. Une méthodologie de sélection dite Core Holdings a été mise en place en 2015. Elle s’appuie sur un process de sélection stricte des valeurs selon différents critères, tels que la génération de cash-flows réguliers, la rentabilité sur capitaux investis ou encore la solidité du bilan. « Par exemple, sur le Stoxx 600, ce premier filtre réduit notre univers d’investissement à quatre-vingts valeurs. En effet, nous recherchons des entreprises en capacité de délivrer un free cash-flow positif, quelle que soit la phase de leur cycle d’investissement, et dégageant des ratios de rentabilité d’exploitation et des capitaux investis supérieurs à un certain niveau. Au final, ces entreprises – au profil de “rouleaux compresseurs” – sont, quel que soit le cycle, toujours en capacité d’investir dans l’innovation, de réaliser des opérations de croissance externe et de distribuer un dividende. Cette qualité se traduit dans l’évolution de leur cours de Bourse : sur les cinq dernières années, assez chahutées, la liste Core Holdings Europe délivre près de quarante points de surperformance par rapport l’EuroStoxx 600 NR, avec une volatilité moindre. »

La liste des titres sélectionnés reste assez stable et les clients peuvent suivre leur portefeuille avec confort. « Investir en lignes directes offre aux clients une meilleure compréhension de leur portefeuille, observe Christophe Burtin. Pour nos gérants, l’enjeu principal est de connaître leur horizon d’investissement et de faire prendre conscience à leurs clients que celui-ci est souvent plus long qu’ils ne le pensent. Par exemple, il peut être de vingt-cinq ans pour un client de 55 ans. Allonger l’horizon de placement d’un client à son réel horizon patrimonial permet d’augmenter de manière progressive la poche actions dans son patrimoine et de diluer le poids du fonds en euro, qui, s’il conserve son utilité, ne permet plus de répondre aux besoins des clients à moyen terme. Allonger le temps d’investissement permet également de s’écarter d’une vision au jour le jour, ou par année civile. »

Une pédagogie qui semble porter ses fruits auprès des clients. En effet, en cette année 2020, Christophe Burtin relève que « pour la première fois, un krach de marché ne s’est pas accompagné d’une phase de panique des clients. Au contraire, ils ont su faire preuve d’opportunisme et nous avons pu constater leur attrait pour les titres vifs et les gestions thématiques autour des enjeux climatiques et du développement durable. Nous constatons aussi la nécessité et la volonté des clients d’internationaliser leurs portefeuilles, notamment vers les Etats-Unis, la Suisse et la Chine, car l’Europe est malheureusement le continent qui a le plus perdu de terrain durant la crise… »

Ouverture sur le Private Equity

Depuis 2016, outre la gestion de portefeuille, la structure a élargi son offre au conseil sur le Private Equity pour des clients professionnels et avertis. Pour cela, Bordier & Cie a noué des partenariats avec des structures, telles que Siparex ou White Star Capital. « Chaque année, nous sélectionnons deux à trois véhicules de qualité institutionnelle pour nos clients, des fonds de LBO, de dette privée ou de venture, expose le directeur général. Il s’agit d’accompagner ces clients avertis à constituer sur quelques années un portefeuille non coté diversifié sur les plans géographique et sectoriel. Le capital-investissement devrait continuer à gagner du terrain dans les patrimoines. »

Par leur syndication, les clients de Bordier & Cie (France) peuvent entrer directement dans les fonds qui leur seraient difficilement accessibles individuellement, pour des tickets minimums de 250 000 à 500 000 euros.

En 2020, Bordier & Cie (France) a collecté environ 100 millions d’euros nets. « Pour les prochaines années, nous poursuivrons notre croissance de manière organique, mais aussi via notre présence auprès de quelques partenaires family offices et cabinets de conseil en gestion de patrimoine (cf. encadré). Notre développement passera également par le recrutement de gérants et banquiers privés et une présence plus active en amont des dossiers de cession d’entreprise. »

D’ici fin 2023 au plus tard, Bordier & Cie (France) compte atteindre le milliard d’euros d’encours.

 

Une ouverture sur le marché des CGP et family offices

Bordier & Cie (France) s’est récemment ouvert au marché des conseils en gestion de patrimoine dans le cadre d’une offre de délégation de gestion. Via des assureurs luxembourgeois (au sein de fonds internes dédiés) ou même français (La Mondiale Partenaire via Nortia, Neuflize Vie, et bientôt Generali), la société de gestion propose aux CGP et family officers de déléguer la gestion des portefeuilles de leurs clients. Le montant minimum pour accéder à cette offre est fixé à 500 000 euros par client. « Aujourd’hui, nous collaborons avec une dizaine de cabinets de manière active, note Christophe Burtin. Si actuellement cette offre se diffuse essentiellement par le relationnel et le bouche-à-oreille, nous accentuerons cette année nos efforts envers ces partenaires. »

  • Mise à jour le : 22/01/2021

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