Le gardien de l’« affectio societatis »

Par : Benoît Descamps

A une époque où l’on se construit une carrière, Meyer Azogui n’a connu qu’une seule entreprise, Cyrus Conseil. Une réussite majeure dans l’univers des CGP, et dont il est à la fois le gardien des valeurs et le dynamiseur.

 

A52 ans, Meyer Azogui n’a connu – ne connaîtra ? – qu’une seule entreprise dans sa vie professionnelle : Cyrus Conseil. Mais il aime à dire qu’il y a exercé tous les métiers : de commercial à président. Une carrière entamée par hasard après avoir répondu à une petite annonce, quinze jours après la fin de ses études – il est titulaire d’une maîtrise de gestion et d’un DEA d’analyse industrielle obtenu à la Sorbonne – et après un stage au Matif (le marché à terme des instruments financiers), et alors que la profession de CGP n’existait pas, pas plus que l’entreprise dans laquelle il allait s’épanouir. Car il s’agit réellement d’un accomplissement personnel que lui offre son parcours au sein de Cyrus, créé par Gérard Poirelle.

 

Une différenciation par l’expertise et l’innovation

Dès ces débuts, en 1989, il se passionne pour le métier. Avec Sophie Gonsard, aujourd’hui notaire au Vésinet, qui entre chez Cyrus à la même époque que lui, ils passent « des soirées entières à échanger sur la matière, avec le sentiment d’apprendre sans cesse, de découvrir l’étendue du champ des stratégies offertes par le Code civil et le droit des assurances. Nous travaillions sans relâche. C’était difficile, mais on ne se posait pas beaucoup de questions. Sûrement moins que les jeunes d’aujourd’hui. » Et leurs conseils et préconisations font l’objet, dès l’origine, de comptes rendus écrits aux clients.
La période est faste : la société se développe au travers d’une prospection « dans le dur » via la participation à des salons grand public – le Forum de l’investissement et le salon de l’Epargne – et des prises de rendez-vous par téléphone avec, comme objectif, de capter « des prospects qu’il fallait traiter le plus rapidement possible ». Certaines opportunités fiscales ont permis à la société de collecter en masse, comme lors des réformes de l’assurance-vie du 26 septembre et du 13 octobre 1997 (taxation à 7,5 % et 152 000 euros d’abattement) : « de formidables périodes de collecte car nous disposions de quelques semaines de délai avant l’application des textes ». Aujourd’hui, le groupe Cyrus se développe par prescription et recommandation essentiellement, « une preuve de la reconnaissance que nous avons acquise ».
Outre ses compétences juridiques et fiscales, et ses capacités commerciales, Cyrus Conseil construit son succès sur une sélection rigoureuse des produits préconisés aux clients. « Seuls les produits nous ayant convaincus étaient proposés et nous y investissions également à titre personnel. Nous avons évité les phénomènes de mode, comme le BIC hôtelier ou la loi Pons. » Mais la société a également compté sur la capacité d’innovation de son équipe : « Nous avions créé les premiers produits structurés sans le savoir ; les “tri-warrants”. Nous faisions investir nos clients à 70 % de fonds euros rémunérés à 7-8 %, puis dans trois warrants pour 10 % chacun : un sur le Japon, un sur les Etats-Unis et le dernier sur l’Europe. »    


Des rencontres et un événement fondateur

Il grandit rapidement, au même rythme que la société. Au bout de neuf mois de présence, il devient manager d’équipe. « Un poste où on est obligé de montrer et de démontrer sans cesse, et dans lequel on doit réaliser des choses qu’on ne ferait pas pour soi-même. Le management fait grandir : il oblige à aider les autres à réussir et à transférer son savoir. » Mais l’aspect commercial a également façonné sa vision du métier : « Satisfaire, convaincre, emporter l’adhésion de personnes plus expérimentées est gratifiant. Surtout lorsque la technique patrimoniale en est l’essence. Chez Cyrus, c’est la stratégie patrimoniale qui est vendue, ensuite, c’est le client qui achète le produit. Nous sommes au service des choix de vie de nos clients. Pour cela il faut les comprendre, faire preuve de l’empathie nécessaire pour répondre le plus précisément possible à leurs demandes. »
Son parcours est donc jalonné de rencontres, notamment d’associés constants, mais les deux premières sont fondatrices : Gérard Poirelle, car « précurseur dans sa vision du marché, pour son énergie et son degré d’exigence qui pousse à se surpasser », et Sophie Gonsard pour « sa capacité de travail et sa technicité ».
En dehors de Cyrus, il cite également Patrick Petitjean « pour son volontarisme et son audace » et « José Zaraya, dont je me félicite qu’il nous ait rejoints, pour sa connaissance parfaite de notre écosystème, sa vision du marché et son pragmatisme ».
Par ailleurs, il intègre également les cultures des différents institutionnels ayant eu une participation au sein de Cyrus, dans l’ordre Invesco, CPR et la banque Martin Maurel, en particulier leur exigence qui a été structurante.
Outre ces rencontres, un événement majeur a ancré ses convictions et, par là même, la culture d’entreprise de Cyrus : la tentative, en mai 2008, de rachat hostile d’Axa – un fournisseur – à hauteur de 100 % de Cyrus et incluant sa démission. Pour la contrer, Meyer Azogui ne dispose que de trois mois. Un court laps de temps durant lequel il a énormément appris, avec l’appui d’un groupe d’associés très uni : Didier Mahieu, Marie-Astrid Prebay, Gilles Etienne, ses compagnons de route – avec d’autres –  depuis de très nombreuses années. Pour mener à bien son projet d’entreprise, il décide alors de s’adosser à un fonds d’investissement tout en procédant à une nouvelle incorporation de salariés dans le capital.

 

Salariés-entrepreneurs

Car quatre années plus tôt, lors d’un premier LBO, Meyer Azogui avait déjà décidé d’impliquer les collaborateurs les plus fidèles dans le capital de Cyrus. « Dès que j’en ai eu la possibilité, j’ai souhaité ouvrir le capital. Je suis un adepte inconditionnel du partage de la création de valeur avec ceux qui la créent : c’est une des clés de notre réussite. Je parle d’“intrapreneuriat”, ce qui permet aux salariés-actionnaires d’agir comme s’ils étaient des entrepreneurs, alors que, seuls, ils n’auraient pas forcément créé leur activité. Cela génère une motivation supérieure et une formidable capacité d’innovation. Nous réalisons régulièrement des augmentations de capital réservées aux salariés et l’ensemble de nos filiales est bâti sur ce modèle. » Aujourd’hui, les dirigeants et la moitié des salariés de Cyrus sont actionnaires (à hauteur de 63 %, le reste du capital étant détenu par le fonds d’investissement BlackFin Capital Partners).

 

Libre ! 

Passée cette tentative de rachat, Meyer Azogui jouit d’une liberté qui a permis à Cyrus d’accélérer son développement. « Elle nous permet d’avoir notre destin en main, c’est un atout formidable : nous avons cette chance de mettre en application nos idées. » Entre 2008 et 2012, la société a multiplié par deux son chiffre d’affaires et ses effectifs. Des filiales ont été créées en immobilier (Cyrus Immobilier, puis Eternam), en asset management (Invest AM) et pour la prescription avec les experts-comptables (Cyrus Partenaires). Par ailleurs, la société couvre l’ensemble du segment de marché : la gestion privée, la gestion de fortune et le family office. « Grâce à cette diversification, le groupe est désormais plus fort. Nous sommes un acteur global tant sur le conseil et la typologie de client que sur notre présence sur l’ensemble du territoire et bientôt à l’étranger, signale Meyer Azogui. La valorisation de la société est la conséquence d’un travail bien fait, dans l’intérêt du client : nous nous sommes construits de cette façon. Je suis le gardien de ces valeurs et de l’intérêt commun : entreprise, clients, salariés et actionnaires. L’affectio societatis a pour moi beaucoup de sens. Je ne gère pas ma carrière, mais une entreprise : la nuance est fondamentale car les buts recherchés sont bien différents. »

Prendre du plaisir

Le développement de Cyrus est toujours en cours. La verticalisation des expertises visant à intégrer davantage de valeur ajoutée se poursuit, tout comme l’accueil de nouveaux partenaires toujours d’actualité. « Nous comptons atteindre la stature d’un institutionnel indépendant, c’est-à-dire doubler de taille par croissance organique et externe. Dans tous les cas, nous recherchons des partenaires partageant nos valeurs d’éthiques, de service client, mais aussi leurs expériences et compétences… Si cette vision du métier est partagée, les questions d’ego et de valorisation sont secondaires. Nous avons clairement un rôle à jouer dans la période actuelle de consolidation du marché, sans pour autant nous positionner comme des prédateurs. » Meyer Azogui estime que l’indépendance redevient un avantage comparatif indéniable à l’heure où les banques se recentrent sur les produits maison.
Bref, le train de Cyrus est plus que jamais en marche. Avec Meyer Azogui à sa tête. « Oui, avec la volonté du travail bien fait, tout en prenant du plaisir. Je citerai Confucius : “Choisissez un travail que vous aimez et vous n'aurez pas à travailler un seul jour de votre vie.”»   

 

  • Mise à jour le : 26/08/2014

Vos réactions