Nadine Tremollières (Stamina AM) : « On change de paradigme »

Par : Benoît Descamps

Nadine Tremollières, depuis 2014 directeur général et directeur de la gestion du spécialiste de la multigestion Stamina Asset Management (groupe Primonial), fait le point sur l’environnement de marché actuel et annonce que sa gamme de fonds devrait être enrichie d’une nouvelle solution de type défensive, d’ici la fin de l’année.

Profession CGP : Quel regard portez-vous sur les marchés financiers actuellement ?

Nadine Tremollières : L’élection de Donald Trump à la tête de la Maison Blanche a provoqué une onde de choc sur les marchés.

S’agissant des taux américains, nous pensons que leur potentiel d’augmentation reste important, avec pour catalyseur l’élection non anticipée de Trump et son programme économique expansionniste dans un contexte montrant une amélioration globale de l’économie. Ainsi, un niveau de taux à 10 ans US situé entre 2,5 et 3 % constituerait selon nous une zone d’équilibre. Nous restons plus nuancés sur les taux longs de la zone euro qui devraient, à la fois, subir une pression haussière, avec une remontée des anticipations d’inflation, et une Banque centrale européenne qui fera tout ce qui est possible pour maintenir les gains de croissance en assurant des taux aussi bas que possible. La pression va donc s’accentuer sur cette dernière, mais nous pensons qu’elle devrait surprendre encore par une utilisation plus durable que prévu de son Quantitative Easing. Dans ces conditions, le dollar devrait continuer de se renchérir face à l’euro et pourrait passer sous le seuil des 1,05 à moyen terme.

De manière globale, un changement de paradigme semble néanmoins se mettre en place : la volonté des banques centrales de réintroduire le crédit dans l’économie réelle se réduit. Ainsi, alors que le passage de relais des politiques monétaires aux politiques budgétaires semble se mettre en place, le programme de Trump arrive probablement au moment opportun.

Mais attention toutefois à ce que la hausse des taux ne soit pas trop violente, car cela pénaliserait inévitablement les marchés actions déjà bien valorisés. En effet, sur les dernières semaines, les indices actions ont largement progressé, tirés par les valeurs cycliques, et plus récemment par le secteur financier et le secteur de l’énergie. La forte rotation cyclique a d’ailleurs débuté après le Brexit et a été renforcée par l’élection de Trump, avec une surperformance des valeurs « décotées » et des valeurs domestiques vis-à-vis des valeurs de « croissance ». Ces deux faits politiques envoient manifestement un signe négatif aux investisseurs sur le thème de la globalisation que nous percevons par ailleurs dans la réponse économique des entreprises vis-à-vis de la défiance des peuples avec des relocalisations d’emplois et dans la pression mise par les Etats pour la relocalisation du paiement de l’impôt.

Au niveau des marchés européens, nous observons une augmentation de la prime de risque politique car, contrairement aux Etats-Unis qui ont l’avantage de l’unification, nous enchaînerons les échéances électorales dans plusieurs pays de la zone euro dans les semaines et les mois à venir avec d’éventuelles crises associées…

 

« Un basculement vers les actions de la zone euro pourrait se réaliser au regard de leur valorisation relativement attractive et de l’amélioration de la situation macroéconomique. »

 

Comment cela se traduit-il dans votre gestion ?

N. T. : L’absence d’exposition sur les dettes souveraines des pays développés nous a, jusqu’alors, obligés à repenser la poche défensive de nos portefeuilles avec l’intégration – nécessairement très diversifiée - des produits High Yield, des obligations des pays émergents et des solutions de performance absolue de différentes natures, telles que des stratégies long-short actions ou crédit, ou encore quelques fonds directionnels obligataires à faible volatilité.  

Sur les taux gouvernementaux, nous ne prendrons pas de position acheteuse aussi longtemps que le taux à 10 ans US se situera en dessous de la zone des 2,50-3 %.

Côté actions, nous restons positionnés sur la zone US qui bénéficie encore d’une dynamique extrêmement favorable, tout en ayant délivré les meilleures performances boursières cette année en dehors de certains marchés plus « exotiques ». Malgré leur stabilité et leur attractivité actuelles, il conviendra toutefois d’être vigilant car ces derniers restent chers en considérant la hausse du dollar. Ainsi, un basculement vers les actions de la zone euro pourrait se réaliser au regard de leur valorisation relativement attractive et de l’amélioration de la situation macroéconomique.

Néanmoins, 2017 pourrait constituer une année paradoxale avec, d’une part, une amélioration de l’environnement économique et d’autre part, l’augmentation du risque politique lié aux élections européennes, le tout dans le cadre d’une année post-électorale américaine historiquement défavorable aux marchés boursiers (notamment après l’élection d’un candidat républicain).

Dans ce contexte d’incertitudes croissantes, il est très important d’expliquer à nos clients que la performance doit rester associée à un risque, tout en considérant un horizon d’investissement assez long. A ce titre, la gestion des risques de perte constitue une partie considérable de notre travail aujourd’hui.

Un mot sur votre gamme de fonds ?

N. T. : Notre fonds flagship, Stamina Patrimoine (classe de risque 4, + 10,01 % sur trois ans), vise un rendement annualisé de 5 % sur une période de cinq ans, avec une volatilité aux alentours de 7 %. Ensuite, nous trouvons Stamina Dynamique (classe de risque 5, + 15,84 % sur trois ans au 28 novembre dernier), davantage investi en actions internationales. Ce fonds est décliné de manière géographique sur la zone US – Stamina Amérique – et sur l’Europe – Stamina Europe – (tous deux de classe de risque 5, respectivement + 39,23 % et + 10,64 % sur trois ans), ainsi que sur l’or – Stamina Or (classe de risque 6, + 23,12 % sur trois ans). Au total, nous gérons environ 750 millions d’euros, dont 400 millions sur Stamina Patrimoine.

Enfin, nous réfléchissons actuellement à lancer une solution plus défensive. Il pourrait s’agir d’un fonds de performance absolue multi-stratégies géré en direct et non en fonds de fonds, ayant pour objectif d’être déconnecté de l’évolution des marchés traditionnels.

 

Propos recueillis le 1er décembre 2016

  • Mise à jour le : 13/12/2021

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