Xavier Anthonioz (123 IM) : l’innovation pour obsession

Par : edicom

Par Françoise Icelle

Habituée des podiums des palmarès des meilleures performances, 123 Investment Managers s’était donnée pour mission de démocratiser le capital-risque. En moins de vingt ans, Xavier Anthonioz a relevé ce défi et développé d’autres expertises pour offrir une palette complète aux investisseurs privés et aux entrepreneurs.

A 43 ans, Xavier Anthonioz, président du directoire de 123 Investment Managers et président du conseil de surveillance d’October (ex-Lendix), a traversé toutes les étapes de l’entrepreneuriat, échecs et rebonds compris. Ce qui le qualifie pour parler à ses pairs, les chefs d’entreprise à qui il propose une gamme complète de financements, et aux investisseurs privés intéressés par le monde de l’entreprise. Retour sur le parcours d’un jeune homme impatient qui a démocratisé le Private Equity (capital-investissement ou investissement dans des sociétés non cotées en Bourse) et mis cette classe d’actifs à la portée de celles et ceux qui croient que la création de valeur viendra de l’économie réelle.

Après un bac C, ce natif de Haute-Savoie, passionné de sport – notamment ski alpin et judo – s’envole pour Lyon. A la faculté de Droit, il découvre celui des affaires. Une révélation. Diplôme en poche, il est admis sur titre à l’Ecole de management de Lyon. « Nous étions aux premières heures de l’Internet, ce qui provoquait une certaine effervescence dans les écoles de commerce. Jusqu’alors, les étudiants se partageaient entre le marketing et la finance. Une troisième voie émerge : l’entreprenariat, se souvient-il. Les premières pépinières d’entreprises apparaissent. Tout cela rebat les cartes. Là où nos études nous entraînaient vers l’audit et l’expertise comptable, nous sommes attirés vers le Private Equity et la création d’entreprise. » La suite de l’histoire sera, comme souvent, le fruit de rencontres et d’opportunités.

Du risque d’avoir raison trop tôt

A l’aube de l’an 2000, il a à peine 24 ans lorsqu’il rencontre Olivier Goy, 25 ans, et Richard Allanic, 29 ans(1). Ils partagent un même constat : le capital-investissement, qui finance en fonds propres des sociétés non cotées sur les marchés financiers, ne s’adresse qu’aux institutionnels (banques, fonds de pension, assureurs, caisses de retraite). Ils ambitionnent d’ouvrir cette classe d’actifs aux particuliers qui souhaitent diversifier leurs investissements et n’y ont pas accès du fait de tickets d’entrée trop élevés (1 million d’euros minimum). Ils ont en commun la jeunesse, le culot et la volonté de « changer les codes » : 123 Venture, une société de gestion pour lever des fonds de Private Equity, est née.

« On peut dire que nous étions la première FinTech, car nous avions un site Internet et un extranet pour les clients, ce qui était très innovant pour l’époque », raconte-t-il. La Cob (Commission des opérations de Bourse, ancêtre de l’Autorité des marchés financiers) étudie le sérieux de l’offre et leur accorde un agrément. L’aventure commence.

Nous sommes en pleine vague des FCPI (fonds commun de placement dans l’innovation), commercialisés par les réseaux bancaires et portés par la promesse d’une réduction d’impôt. A contre-courant, les trois associés lancent un premier FCPR (fonds commun de placement à risque), 123 Explorer, à partir de 4 000 €. Sans avantage fiscal à l’entrée. Pourquoi ? « Quand le législateur installe un dispositif défiscalisant, c’est pour orienter l’épargne vers des secteurs déterminés. Il est alors très directif sur les investissements qu’il souhaite que vous réalisiez. Et plus il y a de contrainte, plus il est difficile de réaliser une performance », répond Xavier Anthonioz.

Autre innovation, ils distribuent leurs produits exclusivement via des conseillers en gestion de patrimoine indépendants. Un choix clairvoyant car ces professionnels de la finance, qui les ont accompagnés et soutenus, constituent toujours leur force de frappe aujourd’hui.

Malgré leur fougue, ils ne parviennent à lever qu’un million d’euros en deux ans. Résultat : plan social. Ils ne redémarrent pas à zéro car ils tirent les enseignements de ce trou d’air : « Nous avions sous-estimé le poids de la marque ». La notoriété apporte confiance, crédibilité… et track-record (historique de performance). « C’est une leçon de vie. Créer de la valeur ne se fait pas en six mois, mais sur des cycles d’investissement de cinq, sept ou dix ans. C’est le temps qu’il faut pour construire les bases d’une entreprise saine. Nous en avons fait l’expérience et cela nous crédibilise vis-à-vis de nos clients : nous sommes des entrepreneurs au service d’autres entrepreneurs », affirme Xavier Anthonioz.

Contourner pour mieux rebondir

Comment se relancer ? En innovant. Le trio rentre dans le rang de la défiscalisation et lance un FCPI, Multinova, à partir de 1 000 €. Son plus ? C’est un fond de fonds diversifié multi-gérants, piloté par de grandes équipes reconnues pour la qualité de leurs performances. C’est un carton. La mécanique est lancée.

A partir de là, tous les ans, leurs équipes lancent un nouveau produit et… une innovation. D’abord parce que ça fait partie de leur ADN. Ensuite, parce que c’est l’un des moyens d’émerger de la concurrence : distribution indépendante, diversification, performance et novation. En 2005, 123 Venture s’est fait un nom ; il est temps de passer à la vitesse supérieure. Tour de chauffe avec les FIP (fonds d’investissement de proximité) mis en place pour soutenir le développement des PME.

Nouveau coup d’accélérateur car la société effectue une double collecte, accueillant la clientèle désireuse de soutenir les innovations technologiques comme celle entendant conforter le tissu régional. C’est aussi l’année où ils reviennent à leurs premières amours en reprenant le flambeau des FCPR, avec une offre haut de gamme destinée à des investisseurs privés et une mise minimale de 100 000 €. « Nous disposons alors d’une gamme complète, épanouie, qui répond à la fois aux clients qui cherchent un avantage fiscal, à partir de 1 000 €, et à ceux, plus avertis qui veulent une diversification en Private Equity », détaille Xavier Anthonioz.

La clé : anticiper et s’adapter

En 2006, nouvelle rencontre, nouveau palier. Le trio fondateur rencontre Paul de Fréminville et Eric Philippon, deux gérants seniors, très expérimentés en non-coté, à la recherche d’un nouveau défi professionnel. Ils entrent au capital de 123 Venture qui change son modèle : les nouveaux associés constituent une équipe de gérants qui, progressivement, reprend la main sur la gestion des fonds, jusqu’alors externalisée.

En 2008, 123 Venture dispose d’une équipe intégrée complète, a élargi sa clientèle, conforté ses résultats et consolidé les performances de ses fonds, leurs produits figurant en bonne place dans les palmarès de performance, tout en conservant son credo d’origine : anticiper et s’adapter à la demande des clients. « Nous avons été précurseurs en matière de fonds sectoriels : énergie renouvelable, hôtellerie, immobilier. Les premiers à lancer des fonds d’obligations non cotées, des mandats de gestion en Private Equity hors ISF, à rassembler des clients en Club Deal », énumère Xavier Anthonioz.

Illustration par l’exemple avec la crise financière de 2008 et le retour de l’aversion au risque. Cap difficile à passer pour qui s’est fait un nom dans le non-coté, la classe d’actif la plus risquée. Pour rassurer les investisseurs, 123 Venture change d’approche, de stratégie d’investissement. Elle « vend » des sociétés exerçant dans un secteur avec une bonne profondeur de marché avec, en plus, un sous-jacent immobilier. Ce seront des hôtels à rénover pour répondre au changement de paradigme provoqué par l’irruption d’Airbnb, des Ehpad pour accueillir une population vieillissante toujours plus nombreuse, des promoteurs immobiliers en recherche de fonds propres pour faire face aux besoins de logements soutenus par les lois fiscales, etc.

Au début des années 2010, l’innovation a pour nom « désintermédiation bancaire » : le monopole bancaire a sauté aux Etats-Unis et en Angleterre ; la vague des plates-formes de prêts aux particuliers et aux entreprises va déferler en Europe. « Ça nous intéresse car nous avons les réseaux pour lever des fonds et que nous connaissons les besoins de financement des PME, explique Xavier Anthonioz. Notre ambition : devenir ainsi un guichet unique pour entrepreneurs à qui nous apporterions une palette complète des financements en capital et en dette privée. » En octobre 2014, lors de la parution du décret dit « financement participatif », les deux compères sont prêts et annoncent le lancement de leur plate-forme spécialisée dans les prêts aux PME : Lendix, rebaptisé depuis October, nom moins commun que le précédent et facile à retenir dans les différents pays où la société s’implante (Allemagne, Espagne, Italie, Pays-Bas).

En 2017, 123 Venture devient 123 Investment Managers. Une mue évidente pour une société centrée à l’origine sur le capital-risque (Venture Capital en Anglais) et qui a élargi son champ d’expertise à toutes solutions d’investissement (dette privée, immobilier, infrastructures, etc.) répondant aux attentes des entrepreneurs et des investisseurs.

La fin de la réduction d’impôt ISF-PME a-t-elle perturbé le développement d’123 IM ? Il balaye la question : « En 2018, nous avons levé 150 millions d’euros, comme les années précédentes mais sans soutien fiscal. Nous étions organisés pour disposer, quand les niches fiscales s’arrêteraient, d’une batterie de produits, de stratégies et de gammes nous permettant de compenser la collecte fiscale. Nous nous concevons comme une porte d’entrée des investis-seurs privés dans le Private Equity. La performance que nous apportons n’est pas portée par l’avantage fiscal, mais par les performances des sociétés que nous accompagnons ».

Le sport comme tremplin

Ce qui intéresse Xavier Anthonioz, c’est d’accompagner les nouveaux entrepreneurs, ceux qui s’inscrivent dans la dynamique d’une économie en mouvement. Son nouveau défi, c’est le sport. Une évidence pour celui qui, enfant, dévalait les pistes haut-savoyardes des Gets.

« Nous avons réalisé un audit sur les aspects macroéconomiques de ce secteur en mutation et en forte croissance. Tout le monde est incité à se préoccuper de sa santé, les événements autour du sport se multiplient, de nouvelles pratiques apparaissent, comme les salles d’escalade. C’est en outre un marché où la distribution est très éclatée, notamment chez les équipementiers. De nouveaux acteurs apparaissent, qui ont besoin de financement », détaille-t-il.

Pour animer LinkSport Capital, le fonds d’investissement de 30 millions d’euros orienté sport, santé, bien-être de 123 IM, il s’est entouré d’entrepreneurs du sport, réunis dans un comité stratégique dirigé par l’ex-ministre des sports David Douillet, double médaillé d’or olympique de judo.

Ce boulimique de l’innovation finalise d’autres projets de développement et propose également des Club Deals (cercles d’initiés) pour répondre à la demande de clients à l’importante surface financière qui souhaitent des investissements en direct sur des opérations ciblées ou pour remployer des plus-values de cession. « Nous gérons leur demande comme un mandat de gestion en titres vifs de valeurs non cotées », explique-t-il.

L’un d’eux, amorcé en 2014, vient de se dénouer en affichant un rendement annuel net investisseur de 7,5 %. La trentaine de partenaires de ce Club Deal a investi aux côtés du groupe hôtelier H8 Collection pour acquérir le fonds de commerce de l’Hôtel Mont-Blanc, un cinq-étoiles au cœur de Chamonix. Une performance de plus pour ce skieur émérite. « Nous sommes une société indépendante dont l’historique de performance parle pour nous. Si les sociétés que nous avons accompagnées ont pris de la valeur, c’est qu’elles se sont développées. Pour leur plus grand profit et celui de nos clients », conclut Xavier Anthonioz.

(1) Richard Allanic est décédé en 2011.

  • Mise à jour le : 29/01/2019

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