Stéphanie Lacroix (Primonial REIM) : « Cette situation confirme la pertinence de notre modèle d’investissement core »

Par : Elisa Nolet

Basées sur des fondamentaux solides, les SCPI orientées sur des stratégies d’investissement prudentes semblent bien résister à la crise sanitaire. Les explications de Stéphanie Lacroix, directrice générale, et Daniel While, directeur Recherche & Stratégie de Primonial REIM.

 

Comment vous êtes-vous adaptés à la crise du Covid 19 ?

Stéphanie Lacroix : Depuis le 17 mars, chez Primonial REIM, l’intégralité des équipes est en télétravail. Nous expérimentons le nomadisme depuis 2017, ce qui a facilité cette mise en œuvre. Nous sommes donc à 100 % opérationnels.

 

Avez-vous eu le temps d’investir la collecte de la fin d’année 2019 ?

Stéphanie Lacroix : Oui, et nous sommes même en situation de surinvestissement. Nous avons également identifié des investissements importants en actifs de bureaux et de santé pour les mois à venir. Au début du confinement, les acquisitions sont restées techniquement à l’arrêt pendant une semaine. Mais à partir du 23 mars, les notaires se sont organisés pour permettre la poursuite des process d’acquisition et la signature des actes. Nous continuons donc sur les sujets déjà engagés. Il y aura seulement un décalage dans le temps pour la signature des actes définitifs.

 

Quelle est votre analyse de la situation immobilière ?

Daniel While : Avant la crise, les conditions du marché immobilier étaient saines, en termes de loyer et de prix, avec des taux de vacances inférieurs à 3 % à Paris intra muros. Ces conditions expliquent la capacité de résistance que nous constatons aujourd’hui. Comparée à son niveau lors de la crise de 2008, la prime de risque pour l’immobilier est cette fois beaucoup plus forte et agit comme un bon amortisseur. La situation est donc totalement différente de celle que nous avons vécue à l’époque. Après cette crise de 2008, les investisseurs avaient délaissé les actifs situés dans les zones secondaires et privilégié les emplacements plus centraux. Nous verrons comment ils vont réagir cette fois-ci. Mais il est certain que les fonds qui ont investi dans des localisations de qualité résisteront mieux à la crise actuelle.

Pour les SCPI, l’impact de cette crise varie évidemment selon le format immobilier. Les commerces et l’hôtellerie sont touchés de plein fouet. Les bureaux et le résidentiel sont moins bousculés. 

 

Quelle est la conséquence pour le paiement des loyers ?

Stéphanie Lacroix : Comme tous les acteurs du marché, nous nous devons d’accompagner nos locataires frappés par la crise. Nous avons donc pris des mesures pour les aider à traverser cette épreuve. Concernant nos actifs orientés sur la santé, les cliniques MCO (Médecine – Chirurgie – Obstétrique) constituent une petite part de notre portefeuille. Ces établissements sont engagés dans la lutte contre la pandémie de Covid 19 et ne peuvent plus, aujourd’hui, assurer leurs actes classiques, car ils sont mobilisés sur les actes médicaux d’urgence, ce qui est bien sûr légitime. Afin de les soulager dans ce moment difficile, nous avons organisé le report des loyers en fin de trimestre. Les directeurs de ces cliniques nous ont fait part de leur satisfaction à ce sujet. De même, pour les commerces concernés par la fermeture obligatoire de leur établissement, les loyers du deuxième trimestre seront appelés mensuellement et non trimestriellement d’avance. Enfin, pour les TPE et PME en difficulté, nous étudions la situation au cas par cas. Mais cela ne concerne finalement qu’une faible proportion de nos locataires, constitués principalement de grandes entreprises. Nos actifs de bureaux sont localisés à Paris ou en première couronne, avec des locataires d’envergure internationale. 90 % de notre patrimoine est très bien protégé. Le commerce ne représente que 10 % de notre portefeuille. Cette situation confirme la pertinence de notre modèle d’investissement « core », qui offre un couple rendement/risque résilient et permet de distribuer des revenus aux associés comme de protéger leur épargne.

 

Que constatez-vous en termes de collecte ?

Stéphanie Lacroix : La collecte a été excellente au mois de mars mais le confinement n’a démarré que le 16 mars. Il faudra attendre les chiffres d’avril pour mesurer l’impact de la situation. Au niveau de l’assurance vie, nous observons beaucoup d’arbitrages en faveur de l’immobilier, considéré comme une valeur refuge en complément des fonds euros. Nous notons un afflux de collecte assez significatif depuis mi-mars. Quant aux retraits, ils sont comparables en mars 2020 à ceux de mars 2019 et restent dans la moyenne observée sur l’année 2019. Il n’y a donc pas de mouvement de décollecte à ce stade.

 

Comment envisagez-vous l’après-crise ?

Daniel While : Il est encore impossible de se prononcer sur la sortie de crise. La situation dépendra de plusieurs variables, à commencer par la durée du confinement. La sortie sera-t-elle progressive ? Quel sera le niveau de confiance des épargnants à ce moment-là ? Y aura-t-il un plan de relance ou pas ? Nous raisonnons forcément sur différents scenarios possibles. 

Mais la vraie question consiste plutôt à savoir si les stratégies immobilières vont changer après cette crise sans précédent. La société prendra certainement conscience de la nécessité stratégique de disposer d’une infrastructure sanitaire beaucoup plus étendue qu’elle ne l’est aujourd’hui, en termes de capacités. Cela impliquera d’investir fortement dans l’immobilier de santé, public et privé, en mobilisant l’épargne (qui sera importante car moins sollicitée en période de confinement) pour la relance du pays et de son offre sanitaire, y compris les EHPAD. Cela s’assimile, pour les prochaines années, à une règle prudentielle.  Et l’on prendra conscience que le coût nécessaire pour une offre sanitaire suffisante s’avère nettement moins élevé que celui induit par la gestion d’une pandémie dans l’urgence. 

Concernant l’immobilier de bureaux, la qualité du locataire s’avèrera sûrement primordiale, pour contrer les problématiques actuelles, telles que la difficulté à payer le loyer. 

 

Pensez-vous maintenir le versement des revenus à vos clients associés ?

Stéphanie Lacroix : La feuille de route donnée par le directoire de Primonial REIM est claire : nous voulons faire en sorte que nos 70 000 clients associés continuent à percevoir leur complément de revenu chaque trimestre. Au premier trimestre, nous avons fait le choix de distribuer l’intégralité des loyers perçus, et nous prévoyons de maintenir ce niveau tout au long de l’année. 

 

 

  • Mise à jour le : 16/04/2020

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