Panorama des pratiques commerciales alertant l'AMF et l'ACPR

Par : Anne Simonet

Connaissance clients, devoir de conseil, gestion des conflits d'intérêts, rémunérations sont autant de thèmes sur lesquels l'ACPR et l'AMF appellent à nouveau l'attention des intermédiaires.

Le rapport d'activité de l'ACPR et celui du pôle commun formé avec l'AMF dressent un panorama des pratiques commerciales susceptibles de contrevenir aux intérêts des investisseurs .

Devoir de conseil et connaissance clients

Dans un contexte de baisse des taux de rendement, l’ACPR a identifié des produits n’offrant plus qu’une garantie partielle du capital investi net de frais d’entrée sur le fonds en euros, du fait de l’application de frais de gestion très importants. L’ACPR rappelle la nécessité d’apporter au client une information claire, exacte et non trompeuse, afin qu’il comprenne sans ambiguïté le caractère partiel de la garantie et la contrepartie des frais qui lui sont facturés. Par ailleurs, le développement d’offres incitant à investir sur des unités de compte conduit l’Autorité à souligner la nécessité d’un conseil adapté au produit et à la complexité des unités de compte proposées. Alors que la qualité de la collecte d’informations auprès des clients progresse, les contrôles conduits auprès d’intermédiaires montrent cependant qu’il existe encore des marges de progrès quant à la prise en compte de la recommandation 2013-R-01 de l’ACPR. Par ailleurs, l’utilisation des informations collectées pour déterminer les profils de risque des clients et aboutir à des préconisations présente souvent une cohérence et une formalisation insuffisantes.

De son coté, l'AMF révèle dans le rapport d'activité du pôle commun AMF-ACPR qu'elle a conduit des contrôles ciblés sur des conseillers en investissements financiers (CIF) ayant commercialisé des instruments financiers risqués ou atypiques (EMTN structurés, titres de sociétés servant à l’acquisition de sociétés d’exploitation hôtelière, etc.). Il a été relevé un manque de diligence des CIF quant à la nature et aux caractéristiques des produits proposés, des insuffisances en matière de recueil de connaissance clients et de remise des documents réglementaires, des informations inexistantes ou lacunaires s’agissant des rémunérations perçues par le CIF en provenance des émetteurs des produits en question ainsi que des informations déséquilibrées sur les risques et avantages de ces produits.

Quant aux intermédiaires qui utilisent des sites internet, pratique qui se stygmatique, ils ne répondent pas aux prescriptions en matière de recueil des exigences et des besoins, sur lequel est basé le conseil. Les sites laissent souvent les clients choisir seuls entre contrat d’assurance (vie, capitalisation) et compte-titres, sans leur fournir de conseil à ce stade de la relation client. Ils adoptent une lecture restrictive des réglementations sectorielles, ce qui n’est pas nécessairement dans l’intérêt du client. Chez les acteurs qui vendent en face à face, le pôle commun souligne que si la phase de questionnement et de collecte d’information de la clientèle est souvent complète et structurée, en revanche, les intermédiaires peinent à formaliser comment cette collecte d’information leur permet d’aboutir à la recommandation personnalisée du produit, faute d’avoir hiérarchisé le questionnement et d’avoir une évaluation objectivée de l’appétence aux risques. Le conseil spécifique à l’assurance vie reste limité, notamment pour ce qui est de la rédaction de clauses bénéficiaires ou des explications délivrées sur le risque en capital.

Distribution de parts de SCPI

Les contrôles menés par le pôle commun sur des entités impliquées dans les chaînes de distribution de produits ont montré que les risques de mauvaise commercialisation pouvaient être accentués quand le nombre d’acteurs est multiplié. C'est tout particulièrement le cas des plates-formes distribuant des SCPI, visées dans le rapport du pôle commun. Ce dernier relate que des défaillances dans la gestion des conflits d’intérêts et dans l’information communiquée aux investisseurs, en sus des insuffisances observées en matière de recueil de connaissance et d’expérience du client. A ce titre, la politique de rémunération de la plate-forme, basée sur des commissions versées par les sociétés de gestion de SCPI et rétrocédées en grande partie aux CIF et agents liés partenaires via des taux de rémunération progressifs, n’était pas suffisamment encadrée. Plus encore, les investisseurs n’étaient pas clairement informés du mode de calcul de cette rémunération préalablement à la fourniture du service d’investissement et des inadéquations ont pu être relevées en matière de concentration du portefeuille ou de respect du profil du client, ce qui doit être mis en regard du conflit d’intérêts inhérent au mode de rémunération des partenaires de la plateforme.

Identification, capacité professionnelle et garantie financière des intermédiaires

Par ailleurs, l’ACPR constate souvent un manque de rigueur dans la présentation des mentions légales d’identification, tout comme l’absence d’informations sur le traitement des réclamations et la médiation. Les intermédiaires sont soumis à des exigences de capacité professionnelle (formation, expérience) pour être à même de répondre aux besoins des clients. Cette capacité doit être acquise avant la prise de poste et les formations être adaptées aux produits effectivement commercialisés. Établir une cartographie pour déterminer le niveau de capacité attaché aux différents postes paraît une pratique judicieuse. La garantie financière des intermédiaires d’assurance protège les fonds des clients en cas de défaillance des intermédiaires. L’ACPR constate que les montants souscrits sont fréquemment insuffisants. Elle rappelle que dès lors qu’un intermédiaire encaisse des fonds destinés aux clients ou à l’assureur, et en l’absence de mandat écrit de l’assureur l’en chargeant expressément, le montant de la garantie financière est fonction du montant moyen des sommes encaissées.

Assurance-santé

Des pratiques agressives et inadaptées aux besoins des clients sont souvent constatées dans ce domaine, notamment via du démarchage téléphonique. L’ACPR a poursuivi ses contrôles et constate que le recueil des exigences et des besoins s’appuie trop souvent sur des concepts flous. Le niveau de remboursement auquel donne droit le contrat ou les délais de carence sont peu ou mal présentés. Les raisons qui conduisent à proposer tel contrat plutôt qu’un autre sont souvent mal formalisées ou inexactes.

Et les contrôles en 2018…

L’ACPR vérifiera en 2018 la mise en œuvre par le marché d’éléments clés des nouveaux dispositifs européens, en particulier la notion de « gouvernance des produits », qui incite les professionnels à intégrer dans leur organisation la prise en compte a priori de l’intérêt des clients. Une autre priorité portera sur l’appréciation, à travers des contrôles et des actions de communication, de la prise en compte par les professionnels des clientèles vulnérables.

Source : Rapport ACPR 2017 ; Rapport ABE 2017

  • Mise à jour le : 31/05/2018

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