Quelles tendances pour l’immobilier de commerce ?

Par : edicom

Selon Knight Frank, si les indicateurs négatifs ne manquent pas, les derniers mois ont aussi rassuré sur le désir des Français de retourner en magasin et sur la capacité des enseignes à adapter leur offre à la demande et aux besoins des consommateurs.

Knight Frank dresse un nouveau point d’étape sur l’état du marché immobilier des commerces depuis le  déclenchement de la crise sanitaire. Quatre mois après la fin du confinement, la situation est loin de s’être normalisée. Mais si les indicateurs négatifs ne manquent pas, les derniers mois ont aussi rassuré sur le désir des Français de retourner en magasin et sur la capacité des enseignes à adapter leur offre à la demande et aux besoins des consommateurs.

Des enseignes sauvées, mais un nombre important de fermetures de magasins

A la fin du confinement, la réouverture progressive des magasins a été rapidement suivie d’un rebond de la consommation. Celle-ci a même retrouvé en juin un niveau quasi normal, même si la reprise a été très inégale, certaines catégories de produits bénéficiant d’un rebond important (équipement du foyer) quand d’autres ont connu un redémarrage bien plus poussif (habillement).

La rentrée, période habituellement clé pour la consommation, s’annonce donc décisive, dans un climat toujours défavorable du fait du manque de visibilité et de la menace persistante d’un choc économique de grande ampleur.

Si la hausse des défaillances d’entreprises et les destructions d’emplois ont pour l’instant été contenues, les prochains mois s’annoncent difficiles pour les enseignes. Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, plusieurs acteurs historiques du commerce français, pour la plupart déjà en difficulté avant la crise, ont d’ailleurs fait l’objet de procédures de sauvegarde ou de redressement.

Pour Antoine Grignon, directeur du département commerces chez Knight Frank France, « Sur les quelque 2 500 points de vente d’enseignes pour lesquels une offre de reprise a été acceptée par les tribunaux, 70 % environ doivent être sauvés. Les cessions concerneraient donc près de 800 magasins, fournissant nombre d’opportunités d’implantation à des enseignes désireuses de se développer à moindre coût ». 

Le commerce physique, toujours vivace, mais sous des formes bien plus variées

Les fermetures ne concernent pas uniquement les enseignes ayant fait l’objet d’une procédure. Nombre d’acteurs souhaitent ainsi réduire leurs coûts en se délestant de leurs magasins les moins rentables. Cette stratégie de rationalisation s’accompagne le plus souvent d’un accroissement des investissements réalisés sur le web, dans tous les secteurs d’activité et quels que soient les niveaux de gamme. Si le confinement a donné un coup d’accélérateur aux ventes en ligne, le offline n’est pas pour autant délaissé.

Les conditions de marché créées par la crise sanitaire ont accéléré une transformation à l’œuvre depuis quelques années : l’hybridation croissante du commerce et la multiplication des canaux de distribution. Le commerce physique est donc toujours vivace, mais sous des formes bien plus variées qu’auparavant.

Les Digitally Native Vertical Brands poursuivent leur expansion

Si nombre d’enseignes sont en difficulté, d’autres tirent par ailleurs leur épingle du jeu parce qu’elles répondent aux préoccupations actuelles des Français (discount, bien-être, etc.) ou aux changements structurels des modes de vie et d’achat. L’expansion de ces enseignes permet ainsi d’animer le marché des commerces malgré la crise sanitaire, comme illustré par la multiplication de nouveaux concepts dans des domaines comme le sport, les loisirs, l’écomobilité ou l’alimentation. Enfin, plusieurs DNVB (Digitally Native Vertical Brands) accroissent également leur présence physique, à la faveur de premières ouvertures de boutiques (Horace, rue Vieille du Temple à Paris) et de la poursuite du développement de marques déjà bien implantées, comme Lunettes pour Tous, Balibaris ou Oh My Cream.

Paris : baisse des ouvertures de boutiques de luxe et des nouvelles enseignes étrangères

À Paris, le marché des commerces continue de pâtir des réticences liées à la situation sanitaire (utilisation des transports en commun, etc.) et surtout de la chute de fréquentation de deux clientèles stratégiques : d’une part celle des touristes étrangers, et notamment les plus dépensiers d’entre eux (Chinois, Américains, etc.), et d’autre part les employés de bureau, dont un certain nombre sont encore en télétravail.

Alors que la fin de l’été approche, l’activité des commerces reste bien inférieure à la normale dans la capitale.

Pour Antoine Salmon, directeur du département commerces locatif chez Knight Frank France, « La baisse des ouvertures de boutiques de luxe permet de mesurer le choc lié à l’épidémie de Covid-19. Avec 34 inaugurations en 2019 à Paris contre 46 en 2018, celles-ci avaient déjà nettement diminué l’an passé dans un contexte dominé par les troubles liés au mouvement des Gilets jaunes. En 2020, seules 12 ont pour l’instant été recensées. Néanmoins, plusieurs ouvertures emblématiques ont été recensées depuis le déconfinement dont le nouveau flagship Dior au 261 rue Saint-Honoré ».

Le nombre de nouvelles enseignes étrangères, qui ciblent en général les quartiers centraux de Paris pour leur première ouverture en France, est également orienté à la baisse. 

La renaissance de la rue de Rivoli se confirme 

Le marché n’est donc pas totalement bloqué et, au-delà des enseignes « à petits prix », certaines activités, comme l’alimentation de proximité, la restauration rapide, le sport, les loisirs et tout ce qui a trait à la mobilité urbaine continuent de se développer. C’est également le cas du secteur de la maison, comme illustré par l’annonce par Ikea de l’ouverture en 2021, au 144 rue de Rivoli, de son nouveau concept dédié à la décoration sur près de 3 000 m² de vente. 

Dans le contexte actuel, les enseignes n’en font pas moins preuve d’une grande prudence, même si celles-ci étaient déjà très sélectives avant le déclenchement de la crise sanitaire, rationalisant, comme dans le secteur de la mode, leur réseau de boutiques au détriment des emplacements les moins rentables. Cette tendance est en train de s’accélérer, si bien qu’une hausse de la vacance est à prévoir sur certains grands axes de la capitale. Cette remontée de l’offre et les difficultés économiques liées à l’épidémie de Covid-19 ont déjà modifié les conditions de négociation, avec un recours plus important aux mesures d’accompagnement.

Forte baisse des ouvertures d’ensembles commerciaux

La fréquentation des centres commerciaux reste sensiblement inférieure à son niveau de l’an passé, même si les grandes foncières font état d’une augmentation graduelle du nombre de visiteurs. Néanmoins, le rattrapage est là encore très inégal selon l’activité. Les performances varient également selon les types de centres, le télétravail et la baisse de fréquentation des transports en commun pénalisant les sites de centres urbains denses. La hausse de la vacance semble pour l’instant contenue, même si les fermetures pourraient s’accélérer en cas de dégradation des conditions sanitaires et d’accélération des difficultés des enseignes. Ces difficultés se sont d’ores et déjà traduites par une diminution de la perception des loyers et des charges, ce qui incite les foncières à négocier au cas par cas avec les enseignes (allègements de loyers en contrepartie de l’allongement des durées fermes des baux, etc.). Les zones commerciales de périphérie semblent jusqu’à présent mieux résister à l’épidémie de Covid-19 grâce à une offre bien adaptée aux besoins du moment (positionnement prix répondant aux contraintes budgétaires des ménages, coûts d’occupation moins élevés pour les enseignes, etc.) ou à un accès faisant la part belle à la voiture individuelle. Par ailleurs, certains des secteurs les plus dynamiques sont très présents en périphérie, comme l’alimentation, le bricolage, l’ameublement ou les jardineries.

Qu’attendre des prochains mois ?

Qu’il s’agisse des centres commerciaux ou des retail parks, les tendances de la demande sont celles observées à l’échelle de tout le marché des commerces. Si la prudence prévaut, plusieurs enseignes poursuivront leur essor car leur offre répond aux besoins actuels des consommateurs et parce qu’ils profitent, pour développer leur réseau, de conditions de bail plus favorables. C’est notamment le cas des enseignes discount, dont plusieurs poursuivent leur percée en France (Normal, mais aussi Zeeman, Action, B&M, Colruyt, etc.). D’autres activités restent dynamiques et prennent une place croissante dans le tenant mix des ensembles commerciaux, comme la restauration, le bio, le sport ou les loisirs (fitness, murs d’escalade, réalité virtuelle, etc.). 

« Sur l’ensemble de 2020, seuls 150 000 m² de centres commerciaux, dont 44 % de créations pures, sont attendus en France, soit une chute de 15 % sur un an et de 58 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Le volume des ouvertures de parcs d’activités commerciales est plus important, avec 235 000 m² attendus en 2020 dont 79 % de créations pures. Mais la tendance est là aussi fortement baissière, avec une chute de 54 % sur un an et de 46 % sur cinq ans, dans un contexte politique de plus en plus favorable à la limitation des créations de nouvelles surfaces commerciales », conclut Antoine Grignon.

  • Mise à jour le : 11/09/2020

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