L’apport-cession, un dispositif fiscal pour la transmission d’entreprise

Par : edicom

Par Mélanie Collu, directrice de l’ingénierie patrimoniale de Laplace

Le dispositif de l’apport-cession est accessible aux chefs d’entreprise souhaitant céder leur entreprise, tout en optimisant la fiscalité liée à la cession.

L’apport-cession est un dispositif fiscal, codifié à l’article 150-0 B ter du CGI, qui permet de bénéficier d’un report d’imposition sur la plus-value constatée sur les titres d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés (IS).

 

L’apport-cession : comment ça marche ?

Prenons le cas d’un chef d’entreprise qui a déjà trouvé un repreneur à qui vendre sa société opérationnelle. Dans le cas d’une cession de ses titres, le chef d’entreprise encaisse directement le produit de cession et doit payer l’impôt sur la plus-value réalisée sans régime fiscal de faveur (sauf application d’un abattement renforcé ou d’un abattement spécial pour départ en retraite sous réserve du respect de certaines conditions). Le cash reçu lors de la cession est, dans tous les cas, nécessairement minoré de l’impôt sur la plus-value.

Afin d’optimiser au mieux l’opération d’un point de vue budgétaire, il sera recommandé au chef d’entreprise de réaliser certaines opérations avant-cession, parmi lesquelles figure le dispositif d’apport-cession. Ainsi, et préalablement à la cession, le chef d’entreprise apportera tout ou partie de ses titres à une société holding, déjà existante ou créée à cette occasion. Au moment de l’apport, la plus-value constatée sur les titres de la société opérationnelle est de plein droit mise en report d’imposition en application de l’article 150 0 B ter du CGI.

 

Report d’imposition : quelles contraintes ?

Le report d’imposition perdure aussi longtemps que le chef d’entreprise continue de détenir les titres de la société holding. En outre, s’agissant d’une stratégie long terme, la holding a vocation à devenir un véritable outil patrimonial pour le chef d’entreprise et les générations suivantes, le cas échéant. En conséquence, dans le cadre d’une stratégie maîtrisée, le report d’imposition n’a pas vocation à tomber. D’un point de vue pratique, le gain réalisé est constaté et déclaré sur le formulaire 2074-I (en mai N+1) lors de la déclaration d’impôt réalisée en N+1, sans paiement de l’impôt correspondant.

Dans un contexte de cession à court terme, la holding, en procédant directement à la cession des titres reçus, récupère l’intégralité du produit de cession. A ce stade, le produit de cession reste ainsi encapsulé au sein de la holding et ne pourra pas être distribué, faute de résultat comptable constaté l’année de cession. En effet, aucun impôt n’est dû par la holding dès lors qu’aucune prise de valeur des titres n’est constatée au moment de cette opération. Finalement, grâce à cette stratégie, la holding peut réinvestir 100 % des capitaux issus de la cession.

Afin de limiter l’effet d’aubaine que peut procurer ce dispositif pour le contribuable, le législateur a strictement encadré ce réinvestissement : ainsi, dans le cas d’une cession dans un délai de trois ans suivant l’apport, le maintien du report d’imposition est subordonné au réinvestissement d’au moins 60 % des capitaux issus de la cession dans une activité économique européenne. Il peut s’agir d’une activité économique directement exploitée par le chef d’entreprise (développement d’une nouvelle activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole), ou bien d’un investissement dit « passif » dans des sociétés ou fonds dédiés éligibles et proposés par des sociétés de gestion.

Ce réinvestissement peut notamment être réalisé par la souscription de parts ou actions de certaines structures d’investissement (FCPR, FPCI, SLP, SCR), qui doivent elles-mêmes respecter un quota d’investissement minimum dans des sociétés opérationnelles.

Cette modalité spécifique de réinvestissement est également soumise à des règles particulières. Ainsi, concernant les sociétés d’investissements constituées à compter du 29 décembre 2023(1) (loi 2023-1322 du 29 décembre 2023, article 24), la composition de l’actif de ces fonds d’investissement doit satisfaire à un certain nombre Il doit ainsi être composé, à hauteur de 75 % au moins, d’actifs éligibles au quota d’investissement des fonds fiscaux(2) et prendre la forme :

- de souscriptions en numéraire au capital initial ou à l’augmentation de capital de la société ;

- d’acquisitions de parts ou actions émises par la société si l’acquisition en confère le contrôle ou si le fonds, la société ou l’organisme est partie d’un pacte d’associés ou d’actionnaires et détient plus d’un quart du capital et des droits de vote de la société concernée par ce pacte à l’issue de cette acquisition. A défaut, ces acquisitions seraient admises dans la limite de 10 % du montant total de l’investissement dans la société pris en compte dans le quota ;

- de titres donnant accès au capital de la société, d’avances en compte-courant ou de titres de créance émis par la société, dans la limite de 10 % du montant total de l’investissement dans la société pris en compte dans le quota.

Dans tous les cas, les conditions d’éligibilité, strictement encadrées par le législateur, sont régulièrement contrôlées par l’administration fiscale qui suit de très près ces opérations. Un accompagnement par un CGP est donc fortement recommandé afin de s’appuyer sur une sélection des produits financiers éligibles.

Compte tenu de la variété de l’offre dont dispose aujourd’hui le contribuable, la contrainte de réinvestissement économique peut très facilement être anticipée.

Concernant les quarante autres pourcents du prix de cession, la holding dispose d’une liberté de gestion et donc d’une offre de plus en plus étendue permettant de diversifier les investissements (SCPI, en pleine propriété ou en démembrement, contrats de capitalisation, FPCI, fonds structurés dédiés aux personnes morales, Private Equity, etc.) et ceci, en fonction du profil investisseur et de la rentabilité recherchée.

 

L’apport-cession : une stratégie budgétaire sur mesure

Dans le cadre des stratégies avant-cession, rien n’oblige le dirigeant à apporter 100 % des titres de sa société opérationnelle à une holding afin d’optimiser la totalité du produit de cession de son entreprise.

Dans le cadre d’une stratégie sur mesure, la mission du conseiller en gestion de patrimoine consistera à analyser et quantifier au plus juste les besoins budgétaires post-cession afin d’isoler une réserve d’argent immédiatement disponible après cession et pouvant, a minima, être utilisée à court/moyen terme. En effet, comme rappelé ci-avant, les fonds perçus par la société holding ne sont pas distribuables immédiatement faute de résultat comptable. Seuls les résultats procurés par le placement du produit de cession seront perçus par l’associé à horizon moyen terme (trois à cinq ans minimum).

En partant du principe que la moyenne d’âge des cédants est aujourd’hui de l’ordre de cinquante-cinq ans, il est nécessaire de construire cette stratégie budgétaire en anticipant l’absence de liquidation des droits à la retraite jusqu’à l’âge légal. Un cahier des charges précis et orienté par les besoins budgétaires des clients est donc la clé pour orienter le client vers une stratégie efficiente.

Ainsi, il n’est pas rare de prévoir une répartition des titres de la manière suivante :

- une quote-part de titres conservée en direct afin d’absorber les besoins à court terme et le budget « loisir » du chef d’entreprise ;

- une quote-part de titres donnée en pleine propriété ou avec réserve d’usufruit aux enfants et ce, en fonction des objectifs de transmission du dirigeant ;

- une quote-part des titres apportée dans la holding afin d’y capitaliser une partie du patrimoine en s’en servant par la suite comme d’une « réserve d’argent ». La holding devient ainsi un véritable outil patrimonial et un véhicule de création de revenu complémentaire sur la période post-arrêt d’activité du chef d’entreprise.

 

Purge définitive du report d’imposition ?

En cas de décès du chef d’entreprise ou en cas donation des titres de la holding et de conservation des titres du donataire pendant un certain délai (dix-huit mois, cinq ou dix ans selon le cas), la plus-value est définitivement purgée.

 

En synthèse : quels sont les avantages à bénéficier du dispositif ?

Le régime de l’apport-cession présente principalement les avantages suivants pour le dirigeant cédant :

- il permet une maîtrise totale de la fiscalité de cession : absence de décaissement de l’impôt au moment de la cession et solution afin de conserver le report, voire de le purger définitivement ;

- il favorise la transmission d’entreprise en dehors du cadre familial ;

- il présente un fort potentiel de création de revenus post-cession via un outil patrimonial intéressant : la société à l’IS ;

- il permet, via le panel de solutions présentes sur le marché, de maîtriser les solutions de réinvestissement patrimonial et économique ;

- combiné à d’autres stratégies avant cession, telles que la donation (en pleine propriété, en nue-propriété), il permet d’offrir au dirigeant une solution sur mesure.

1. Avec une application possible, sur option, aux souscriptions portant sur des parts ou actions de FCPR, FPCI, SLP, SCR constitués antérieurement, sous réserve du respect de certaines conditions.

2. Le portefeuille des fonds « fiscaux » doit en principe être constitué pour 50 % au moins, directement ou par l’intermédiaire d’un holding ou d’une entité d’investissement, de titres de sociétés non cotées ayant leur siège dans un Etat de l’Union européenne, en Islande, en Norvège ou au Liechtenstein, exerçant une activité mentionnée à l’article 34 du CGI et soumises à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou qui y seraient soumises dans les mêmes conditions si l’activité était exercée en France. Sont toutefois éligibles au quota de 50 %, dans la limite de 20 %, les titres de sociétés cotées dont la capitalisation boursière est inférieure à 150 millions d’euros.

  • Mise à jour le : 19/04/2024

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