Ne pas conseiller un pacte Dutreil à son client : l’oubli qui peut coûter cher !

Par : edicom

Par FAC Jacques Duhem

Au cours de l’année 2017, plusieurs décisions jurisprudentielles confirment la responsabilité des professionnels de la non-information de conclure un pacte Dutreil ou de faire toutes les vérifications nécessaires lors de la conclusion. Explications par FAC Jacques Duhem.

Au cours de l’année 2017, plusieurs décisions jurisprudentielles confirment la responsabilité de professionnels notaires et avocats soit parce que ces derniers n’ont pas informé les clients de la possibilité de conclure un pacte Dutreil (2 premières espèces), soit parce qu’ayant conseillé la conclusion d’un pacte Dutreil, toutes les vérifications indispensables n’avaient pas été effectuées (dernière espèce).

CA Chambéry, 24 oct. 2017, n° 16/00475

Les faits

Madame G. est décédée le 12 décembre 2008, laissant pour lui succéder sa fille D qui a hérité notamment de titres de sociétés. Une déclaration de succession a été établie le 19 août 2009 par le La tante de Madame D était associée majoritaire de ces sociétés.

Madame Pascale D. a fait assigner son Notaire en responsabilité.

Le TGI de Thonon-les-Bains a estimé que le notaire avait engagé sa responsabilité pour violation de son devoir de conseil, et l’a condamné à payer à Madame Pascale D. la somme de 19 256 € à titre de dommages et intérêts.

Le tribunal a considéré que l’étude notariale, débitrice d’une obligation de conseil, avait l’obligation d’informer sa cliente de la possibilité d’obtenir une exonération d’impôts en cas d’engagement à conserver les parts sociales, qu’elle ne démontrait pas avoir expliqué à Madame D. quelles étaient les autres possibilités que la déclaration de succession ordinaire.

La décision

La Cour d’appel de Chambéry affirme que le notaire, tenu envers ses clients d’un devoir de conseil, impératif et absolu, se doit d’éclairer ces derniers sur le contenu et les effets des engagements qu’ils ont souscrits en les avertissant sur la meilleure façon d’exercer leurs droits et sur les conséquences de cet exercice. Il n’est pas contesté par les parties, qu’en l’espèce, Madame Pascale D., à la suite du décès de sa mère, aurait pu bénéficier, en vertu de l’article 787 B du code général des impôts, d’une exonération fiscale de 75% sur les droits de succession à condition, d’une part de s’engager personnellement à conserver pendant au moins 4 ans les titres transmis, d’autre part d’obtenir d’autres actionnaires un engagement collectif de conservation des titres pour deux ans portant sur au moins 34% des droits financiers et des droits de vote, l’un au moins des actionnaires signataires de l’engagement devant exercer effectivement la direction de la société.

Il appartenait donc au notaire d’aviser sa cliente de cette possibilité, de ses conséquences et des démarches à entreprendre. Or, le notaire ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la délivrance de cette information à sa cliente.

Quant au préjudice subi, il est établi que la conclusion d’un pacte Dutreil aurait permis une économie de 75% des droits de mutation portant sur les parts sociales.

Le tribunal a retenu un manque à gagner de 192 563 euros qui constitue ainsi le préjudice de Madame Pascale D. En l’espèce, les conséquences du manquement par le notaire à son devoir d’information et de conseil ne peuvent s’analyser qu’en une perte de chance, dès lors qu’il n’est pas certain que, mieux informée, Madame Pascale D. se serait trouvée dans une situation différente et plus avantageuse.

La Cour relève qu’il n’est en revanche pas établi que Madame D aurait pu obtenir la signature de sa tante pour la conclusion d’un engagement collectif qui en l’espèce était sous un statut de tutelle. Les juges soulignent qu’il aurait été nécessaire d’obtenir l’accord du juge des tutelles, pour la signature du pacte Dutreil.

Les juges évaluent à 10% la probabilité qu’un engagement conforme aux dispositions de l’article 787 B ait pu être conclu si Madame Pascale D. avait été informée. Le montant du préjudice est donc plafonné à 19 256 €.

Cour d’appel de Paris, 25 avril 2017, n° 15/13799

Les faits

Mme B., héritière de sa mère D. décédée le 15 avril 2008 qui exploitait un fonds de commerce, a assigné en responsabilité M. T. auquel en sa qualité d’avocat fiscaliste elle avait demandé une consultation et la SCP de notaires M., chargée du règlement de la succession pour ne lui avoir pas conseillée de solliciter le bénéfice des dispositions de l’article 787 du CGI (Pacte Dutreil)

La décision

Il est jugé que en sa qualité d’avocat, par ailleurs spécialisé en droit fiscal, M. T. interrogé par sa cliente sur les droits fiscaux qu’elle avait à régler et informé des difficultés financières qui étaient les siennes devait non seulement répondre à la question précise qui lui était posée, mais également lui faire part de la possibilité qui s’offrait à elle de bénéficier sous certaines conditions des dispositions de l’articles 787 C du code général des impôts et de l’exonération qu’elles prévoient à hauteur de 75 % de la valeur des biens meubles ou immeubles, corporels ou incorporels affectés à l’exploitation d’une entreprise individuelle ayant une activité commerciale transmise par décès. Le défaut de délivrance de cette information, constitue donc une faute susceptible de mettre en œuvre la responsabilité de M. T.

Tout autant le notaire ainsi que l’a retenu à juste titre le tribunal devait également éclairer le choix de Mme Julie B. en l’informant de la possibilité pour elle de bénéficier de l’exonération prévue par l’article 787 C dans les conditions qu’il prévoit, à savoir la conservation des titres pendant quatre ans et l’annexion de cet engagement à la déclaration fiscale.

En méconnaissant ce devoir d’information dont ne le dispensait nullement la consultation donnée par M. T. ou l’avis que celui-ci aurait pu émettre oralement , le notaire, chargé de régler la succession de la mère de Mme Julie B., a également commis une faute.

Cour d’appel de Paris, 27 septembre 2017, n° 16/17223

Les faits

Par acte authentique reçu le 24 décembre 2008 par maître S. notaire, les époux L. ont fait donation à leur fils Antoine, de la nue-propriété de 29 700 actions d’une société pour une valeur de 594 000 € et il a été fait application de l’abattement de 75 % sur la valeur des titres transmis, conformément à l’article 787B du code général des impôts.

Le 13 août 2012, la direction générale des finances publiques a adressé à M. Antoine L. une proposition de rectification en remettant notamment en cause l’application de l’abattement de 75 %, faute pour les statuts de la société de répondre aux exigences de l’article 787B du code général des impôts. Cette procédure a abouti à un redressement de 190 790 €.

Les époux L. et leur fils Antoine reprochent au notaire de n’avoir effectué aucune diligence pour s’assurer au jour de la donation que les statuts de la société étaient en conformité avec l’article 787 B du code général des impôts qui impose que les droits de vote de l’usufruitier soient statutairement limités aux décisions concernant l’affectation des bénéfices. Ils lui reprochent également de ne pas les avoir informés de cette exigence légale et du fait qu’elle n’était pas remplie au jour de la donation.

La décision

Il est jugé que le notaire qui connaissait la volonté des appelants de bénéficier de l’abattement de 75 % prévu par l’article 787 B, devait également s’assurer au jour de l’établissement de la donation que les conditions de l’application de celui-ci étaient réunies, que les statuts avaient effectivement été modifiés selon les exigences de la loi et à défaut, attirer l’attention de ses clients sur les risques encourus au regard du bénéfice fiscal recherché. Ainsi, en n’attirant pas l’attention de ses clients sur les conséquences de l’absence de mise en conformité des statuts de la société au jour de la rédaction de l’acte de donation, le notaire a manqué à son obligation d’information et de conseil.

Le préjudice qui s’analyse ainsi en une perte de chance, doit être évalué en tenant compte de l’imposition en définitive appliquée ainsi que des intérêts de retard qu’elle a suscités dès lors que ni l’une ni les autres n’auraient été dus si les époux L. avaient renoncé au moins temporairement à cette opération. Il sera ainsi alloué à M. Antoine L. la somme de 100 000 € en réparation de son préjudice.

 

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  • Mise à jour le : 21/12/2017

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