La retraite, un chantier permanent

Par : edicom

La retraite a encore connu son lot de nouveautés. De l’absence de revalorisation des pensions au régime de base, à l’utilisation des vertus défiscalisantes du Perp, en passant par la suppression de la C3S, voici un tour d’horizon des évolutions de ce sujet, ô combien, sensible.

 

En matière de retraite, les choses changent en permanence. C’est aussi vrai des régimes obligatoires que des régimes supplémentaires. Ainsi, les annonces de l’ancien Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, sur le blocage de la revalorisation des retraites ont rapidement suscité le débat. Avec la suppression de la C3S, les non-salariés se retrouvent à nouveau sur le devant de la scène. En effet, la question se pose de savoir comment le régime RSI sera financé. L’évolution du Perp, comme la question de l’égalité de traitement entre les personnes mariées et les Pacsés, sont aussi à l’ordre du jour. Faisons le point sur ces différents sujets.

 

L’absence de revalorisation des pensions du régime de base 

 

Un changement qui suscite le débat

L’annonce du Premier ministre s’inscrit dans le cadre du plan de réduction de 50 milliards d’euros de dépenses publiques, entre 2015 et 2017, qui prévoit notamment 11 milliards d’économies sur les dépenses de protection sociale. Parmi la liste des mesures annoncées, le report de la revalorisation des prestations sociales et des retraites avive le débat entre les parlementaires.
Pour réaliser des économies, le montant des prestations sociales ne sera pas revalorisé jusqu’en octobre 2015. Ces mesures temporaires épargneront les retraités dont les pensions sont les plus modestes, le minimum vieillesse (792 euros par mois pour une personne isolée) continuant à être revalorisé.
Cette disposition concernera les pensions du régime de retraite de base (1,3 milliard d’euros), Jean-Marc Ayrault appelant les partenaires sociaux à faire de même pour les retraites complémentaires. Pour les salariés, l’absence de revalorisation de la retraite de base représente une perte de pouvoir d’achat de 6,09 euros par mois (la pension moyenne en droit direct étant de 677 euros au 31 décembre 2013 – et le taux d’inflation de 0,9 % sur l’année 2013). En cumulée sur douze mois, la mesure représente donc une perte de pouvoir d’achat de 73 euros.
Mais au final, l’ancien Premier ministre a épargné plus de 40 % des retraités de la mesure de gel sur les pensions. L’idée est que tous les retraités percevant jusqu’à 1 200 euros de pension (tous régimes confondus) ne soient pas concernés par le report d’un an de revalorisation. Cela concernera environ 6 millions de personnes.

 

Une mesure qui amorce des changements majeurs ?

Rappelons que le contexte d’une inflation faible (environ 1 %) réduit sensiblement l’impact de la mesure. En outre, ce n’est pas la première fois que les prestations sont mal revalorisées. En cela, les partenaires sociaux avaient ouvert la voie avec l’accord Arrco-Agirc du 13 mars 2013 concernant le régime général des retraites complémentaires. Enfin, force est de constater que les difficultés financières se concentrent aujourd’hui plus sur les jeunes actifs que sur les retraités (la proportion des 26-34 ans vivants sous le seuil de pauvreté étant plus élevée que celui des 65-75 ans : 7,6 %, contre 2,5 %). 
Mais en bloquant les revalorisations jusqu’en octobre 2015, la mesure marque une rupture avec un discours politique exigeant par-dessus tout de maintenir le pouvoir d’achat des retraités.
Pour autant, cette mesure du « coup de rabot général » ne règle rien sur le fond. Surtout, elle ne règle pas le déséquilibre structurel des régimes obligatoires de retraite, alors même que des besoins essentiels ne sont toujours pas financés.

 

C3S supprimée : le bonheur des uns fait le malheur des autres 


Le Premier ministre vient d’annoncer la suppression sur trois ans de la contribution sociale de solidarité des sociétés, dite C3S. Pour le régime social des indépendants, c’est une mauvaise nouvelle. Payée par les sociétés dont le chiffre d’affaires dépasse 760 000 euros (taux de 1,6 pour mille), cette taxe semblait inadaptée dans son assiette. Son produit est ensuite réparti entre le régime social des indépendants maladie, dit RSI-maladie (ex-Canam), le régime de base d’assurance-vieillesse des travailleurs non salariés des professions industrielles et commerciales, dit RSI industriels et commerçants (ex-Organic), le régime de base d’assurance-vieillesse des travailleurs non salariés des professions artisanales dit RSI artisans (ex-Cancava), et le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (ex-Bapsa). Après cette répartition, son solde est reversé au fonds de solidarité vieillesse (FSV).
Sa suppression est une bonne nouvelle pour les entreprises françaises, dont le prélèvement à ce titre va être allégé de plusieurs milliards d’euros. Mais le régime social des indépendants s’inquiète à juste titre de la perte de ses ressources.
La pérennité – essentielle – des ressources du RSI doit être impérativement garantie par l’Etat, sous peine de creuser un nouveau déficit public. Ce n’est que sous cette réserve – importante – que nous saurons si la décision du Premier ministre constitue un véritable allégement de charges.
Si la suppression de la C3S ne devait pas être compensée par une baisse des dépenses de l’Etat, alors ce ne serait qu’un nouvel épisode des allégements de charges financés par de la dette…

 

La différence de traitement entre les personnes mariées et les Pacsés est désormais validée


En matière de retraite, la question de l’égalité de traitement entre les personnes mariées et celles qui sont Pacsées semble être définitivement tranchée. Dans un couple pacsé, le survivant ne peut pas prétendre à une pension de réversion, celle-ci étant réservée aux couples mariés.
C’est ce qu’a confirmé la Cour de cassation (Chambre civile 2, 23 janvier 2014) dans une affaire où une caisse d’assurance retraite avait, conformément à la loi, refusé d’accorder une pension de réversion à la partenaire survivante au motif qu’elle n’était pas mariée à l’assuré et n’avait donc pas la qualité de « conjoint survivant ». Elle contestait ce refus en invoquant qu’une différence de traitement entre des personnes placées dans une situation comparable ne pouvait être admise en l’absence d’une justification objective.
La Cour de cassation, au contraire, a considéré que la différence de situation entre les personnes mariées et les autres quant aux droits sociaux reposait sur un critère objectif et que l’option entre mariage et pacte civil de solidarité relevait en outre du libre choix des personnes.
Rappelons que le Conseil constitutionnel avait précédemment jugé « que la différence de traitement quant au bénéfice de la pension de réversion entre les couples mariés et ceux qui vivent en concubinage ou sont unis par un pacte civil de solidarité ne méconnaissait pas le principe d’égalité ».
La position, logique au regard du droit, clarifie ce point qui restait incertain depuis plusieurs années.

 

Le Perp : un produit qui n’est plus vraiment populaire

 


Il y a dix ans que le plan d’épargne-retraite populaire a été instauré. Désormais, le produit semble s’être imposé. Mais la situation paradoxale est que le Perp est devenu le produit le moins populaire qui soit. Depuis quelques mois, c’est même devenu un produit recherché de banque privée. Longtemps, le Perp fut considéré comme un « petit produit » dont les primes versées étaient des plus modestes. Mais avec le plafonnement des autres niches fiscales à 10 000 euros, il revient en grâce. En effet, il offre une possibilité de déduction non négligeable pour les hauts revenus. D’ailleurs ces derniers mois, les réseaux bancaires et d'assurance constatent une flambée des souscriptions. Les chiffres de l’Observatoire de l’épargne et de la retraite du Cercle des épargnants sont sans appels : les Français sont 58 % à juger son financement prioritaire. Pourtant, 67 % se disent inquiets pour leurs revenus futurs, mais seuls 51 % d’entre eux déclarent épargner pour leurs vieux jours. Jusqu’alors, ils préféraient l'assurance-vie et le Livret A au Perp, un outil spécifiquement conçu pour se constituer une rente viagère. 
Mais le vent semble clairement tourner. En 2012, le Perp affichait une collecte en hausse de + 13 %. L’an passé, la hausse de la collecte a atteint près de 30 % dans certains réseaux. La raison de cet engouement est simple. C’est le principe des vases communicants : le Perp est aujourd’hui l’un des derniers placements qui permette un réel allégement d’impôt. Les cotisations versées sont déductibles du revenu imposable pour chaque membre du foyer fiscal, et pas seulement professionnel comme dans le cas du contrat Madelin, dans certaines limites : 10 % des revenus plafonnés à huit fois le plafond annuel de Sécurité sociale de l’année précédente, soit 29 626 euros en 2014, avec un plancher de 3 703 euros pour les revenus en dessous du même plafond. 
Autre point fort, durant la formation du capital, la valeur de l’épargne n’est pas soumise à l’ISF ni aux prélèvements sociaux. Ces derniers sont prélevés sur la rente viagère. En outre, si elles n’ont pas été épuisées, les possibilités de déductibilité des trois années précédentes (ainsi que celles de son conjoint ou partenaire d’un Pacs) peuvent être utilisées. Aujourd’hui, cet avantage fiscal vaut en priorité pour les personnes fortement imposées (au moins à 30 %) et qui peuvent bloquer des sommes importantes.  C’est le paradoxe de la politique fiscale actuelle : en durcissant les règles applicables aux « niches fiscales », le gouvernement a fait d’un produit populaire une solution très attractive pour les hauts revenus…

Bruno Chrétien, président de l’Institut de la protection sociale et dirigeant de la société Factorielles

  • Mise à jour le : 26/08/2014

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