Pascale Baussant : « Notre marque de fabrique : un virage RSE fort »

Par : Benoît Descamps

Pascale Baussant, dirigeante du cabinet Baussant Conseil à Saint-Germain-en-Laye et présidente du Club des entrepreneurs CGP, revient sur son parcours et son choix de promouvoir les fonds ISR auprès de ses clients.

Profession CGP : Comment avez-vous décidé de créer votre cabinet de gestion de patrimoine, Baussant Conseil ?

Pascale Baussant : J’ai choisi d’exercer ce métier dès la fin de mes études, et j’ai opté pour un cabinet indépendant par conviction. Durant mes études en banque-finance conclues par le MS Gestion de patrimoine de l’ESCP Europe, j’avais réalisé des stages dans des banques où je me suis rapidement rendu compte des limites de l’exercice. Ma volonté a été de pouvoir proposer une offre de conseil et des solutions produits les plus larges possible.

J’ai intégré Cyrus Conseil, en 1996, où j’ai exercé durant quatre années, puis le cabinet de Pierre-Laurent Fleury (FGR), où j’ai exercé jusqu’en 2002, date à laquelle j’ai créé Baussant Conseil.

 

PCGP : Comment est aujourd’hui structuré votre cabinet ?

P. B. : Baussant Conseil compte désormais cinq personnes : trois conseillers et deux collaborateurs au back et middle-office. Nos encours sous gestion atteignent aujourd’hui 130 millions d’euros. Depuis plus de deux ans, nous avons entamé un virage RSE fort, qui est aujourd’hui notre marque de fabrique et un facteur de différenciation.

 

PCGP : Pourquoi ce virage ?

P. B. : Il s’agit d’une conviction et d’une volonté personnelle de donner du sens à notre action quotidienne, alors que notre secteur d’activité souffre d’une réputation controversée qui ne s’est pas arrangée ces dernières années. Il me semble important de montrer l’exemple.

 

PCGP : Comment se traduit-il ?

P. B. : Cela reste encore modeste, mais en interne, nous nous attachons à recycler nos déchets, à filtrer l’eau du robinet, à multiplier les gestes du quotidien, et nous soutenons l’association Veni Verdi (qui transforme les toits de Paris en jardins potagers), à qui nous versons 0,50 % de notre chiffre d’affaires.

En externe, nous avons constitué une gamme de fonds pour permettre à nos clients sensibles à cette thématique de pouvoir investir dans des fonds d’investissement socialement responsables (ISR). Pour soutenir cet élan, nous avons écrit l’an passé un Livre blanc autour duquel nous avons réalisé une importante communication tant auprès de nos clients existants qu’en dehors de notre cabinet.

 

PCGP : Quels sont les premiers résultats obtenus auprès de votre clientèle ?

P. B. : Au niveau de notre image, cela reste difficile à mesurer. Néanmoins, j’estime que cela nous procure un positionnement plus clair sur la place. Des clients s’adressent d’ailleurs maintenant à nous pour cette raison. Auparavant, nos clients et prospects n’avaient pas une démarche spontanée envers l’ISR, une thématique qu’ils connaissent peu. Avec le Livre blanc, nous avons fait preuve de pédagogie autour de ce sujet. Globalement, l’effet a été très positif pour le cabinet.

S’agissant de nos encours, environ 5 % sont investis dans des fonds ISR ou prenant en compte des critères ESG. Le chemin est encore long et nécessite une démarche proactive, alors que nous ne proposons cette gamme que depuis un an.

PCGP : Et au sein de votre cabinet ?

P. B. : Difficile à dire également. Il me semble que donner du sens permet à chacun de prendre davantage de plaisir dans son travail et de fidéliser ses équipes.

 

PCGP : Un mot sur les fonds sélectionnés ?

P. B. : Nous nous sommes heurtés à deux difficultés. La première est que l’offre reste limitée. Beaucoup de fonds ISR sont des fonds actions, alors qu’en tant que CGP nous construisons nos allocations, le plus souvent, avec une forte proportion de fonds flexibles ou diversifiés.

La seconde est que l’univers des fonds des CGP est limité à ceux référencés sur les contrats d’assurance-vie que nous commercialisons. Par exemple, nous ne pouvons pas distribuer les fonds de Mirova que nous avons pourtant identifiés comme des produits de qualité. Pour sélectionner les fonds, les critères habituels de sélection doivent être pris en compte : taille du fonds, performances passées, encours, qualité de la société de gestion…

Aujourd’hui, nous collaborons en particulier avec Sycomore Asset Management, dont nous partageons les valeurs. Chez eux, nous apprécions en particulier le fonds Sycomore Selection Responsable. Nous privilégions de façon générale les fonds globaux, qu’ils adoptent une approche « best in class » ou « best in universe », ainsi que quelques fonds thématiques.

Néanmoins, nous observons que l’offre en ce sens tend à se développer.

 

PCGP : Hormis votre approche ISR, quelles sont les spécificités de votre cabinet ?

P. B. : Nous développons une approche de conseil pour le compte de cadres dirigeants et supérieurs, notamment pour l’optimisation de leurs stock-options et actions gratuites. Nous disposons également d’un savoir-faire en matière de préparation de la retraite, avec la création d’outils spécifiques en interne. Environ 15 % de notre chiffre d’affaires est constitué d’honoraires de conseil (abonnements ou missions ponctuelles). Notre clientèle est globalement active, et sa moyenne d’âge est de 49 ans.

 

PCGP : Quelles sont vos ambitions de développement ? Comptez-vous participer à la consolidation du marché des cabinets de CGP ?

P. B. : Nous avons déjà procédé à deux acquisitions qui se sont bien passées, et cela reste une possibilité. Nous avons réalisé une première acquisition en 2013 pour une trentaine de millions d’euros d’encours et une seconde, deux ans plus tard, pour plus de vingt millions d’euros. Ce type d’opération nécessite beaucoup d’énergie afin de répondre aux attentes et interrogations des nouveaux clients, tout en leur apportant les services qu’ils attendent de nous.

 

PCGP : Vous êtes également président du Club des CGP Entrepreneurs…

P. B. : Tout à fait, et depuis neuf ans. Nous sommes un cercle de réflexion d’une vingtaine de membres réunis par un esprit de partage autour de l’entrepreneuriat, ce qui contraste avec notre profession assez individualiste. Notre point commun est notre volonté de développer nos structures respectives dotées de plusieurs collaborateurs.

C’est pourquoi nos échanges et formations communes peuvent être différenciants de ceux d’autres groupements. Par exemple, nous suivons des formations en matière de management.

 

PCGP : Et quelles sont, selon vous, les perspectives pour les indépendants du patrimoine ?

P. B. : Je suis optimiste ! Les nombreuses fermetures actuelles d’agences bancaires constituent une opportunité pour nous qui apportons une présence humaine, stable, pérenne et de proximité, le tout dans un contexte légal et économique mouvant et dans lequel la valeur ajoutée est appréciée.

Néanmoins, les cabinets de CGP vont devoir maintenir leurs marges, alors que la réglementation est chronophage et a augmenté nos coûts. Pour cela, il est nécessaire que chaque cabinet se structure par la mise en place de process pour continuer à apporter le service et le conseil recherchés par le client final.

Ces défis sont également ceux de nos partenaires-fournisseurs pour qui la course à la taille est encore plus une réalité. Mais je reste, ici aussi, confiante : l’offre restera suffisamment large et diversifiée pour nous permettre d’accompagner nos clients de manière confortable et sereine.

 

PCGP : Ne craignez-vous pas l’absence de renouvellement de la profession du fait de barrières à l’entrée trop élevées ?

P. B. : Il existe toujours des courageux qui se lancent dans l’indépendance, comme le prouvent les statistiques de l’an passé. Néanmoins, les profils évoluent : ils sont davantage diplômés, ont une expérience solide et surtout disposent de la culture de l’écrit et du conseil.

 

PCGP : Un dernier mot sur les évolutions récentes en termes de fiscalité du patrimoine ?

P. B. : Elles vont dans le bon sens et suscitent un vent d’optimisme chez nos clients dirigeants. La fiscalité se veut moins dissuasive, ce qui pourrait limiter, voire inverser, le phénomène d’exil. En tant que conseil, les changements apportés sont un bon moyen pour prouver notre valeur ajoutée. Les clients sont en quête de conseil, et nous vivons actuellement une période intense de réflexion avec eux. Enfin, s’agissant de l’investissement dans les PME et plus globalement en actions, l’épargnant français reste averse au risque. Nous considérons que le Private Equity reste réservé à une minorité d’épargnants capables d’accepter de perdre une partie significative de leur investissement.

  • Mise à jour le : 20/04/2018

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