Stress test des CGP en matière de crise financière

Par : edicom

Par François Almaleh, gérant de Finadoc

La BCE fait régulièrement passer des stress tests aux banques et chacune d’elles est suivie par un groupe d’experts chez le banquier central. Bien sûr, le travail de la Banque centrale porte en finalité sur le risque systémique, mais les CGP ont le client final en direct qui raisonne selon son patrimoine et sa protection, non avec des contingences réglementaires européennes, fussent-elles protectrices pour lui.

La question est simple : que doit faire un conseiller en investissements financiers face à une situation de stress élevé (baisse de plus de 25 % par exemple). Les baisses d’août 2015, de janvier-février 2016, du dernier trimestre 2018 ne sont pas des stress élevés malgré leur ampleur. Quand les causes semblent déconnectées de l’économie réelle, les rebonds ne sont jamais loin.

Nous aborderons les points essentiels pour anticiper une éventuelle baisse : risques, explications, pédagogie. Car si agir dans la baisse est toujours difficile, ne rien faire est pire.  Tout d’abord, l’évidence est de mise, le profil de risque doit être rempli et validé au préalable. Mais quand une situation de stress survient, ce profil de risque est-il suffisant ? Les questions de comportement face aux baisses dans les questionnaires habituels sont-elles réellement adaptées ? Pas vraiment : ces profils sont en général considérés comme une démarche réglementaire et non comme un axe et un outil de travail. Un risque par exemple « équilibre » ne veut pas dire que le client doit toujours être au même niveau moyen d’actions – 50 % à plus ou moins 10 % –, mais, selon le client, ce risque doit pouvoir être nul selon les conditions de marché. Si les gérants de portefeuille n’ont pas cette perception des choses, les clients attendent des CGP un ajustement des convictions selon les phases de marché…

Ensuite, lorsque les marchés financiers se tendent, il convient d’échanger avec les clients les plus risqués, de préférence par téléphone. Le CGP gagne en fiabilité et confiance et cette démarche va dans le sens des attentes du régulateur. La dimension pédagogique et explicative est essentielle. La lecture de commentaires d’asset permet d’assurer un discours plus construit.

La lecture de diverses documentations méthodologiques (Fidelity, JP Morgan, UBS, Pictet…) est utile pour conseiller, prendre du recul, expliquer et d’éviter les éventuelles paniques. Il existe des grands principes en gestion patrimoniale côté clients : tenir sa stratégie sur le long terme, s’ajuster tactiquement si nécessaire, ne pas se laisser aller aux émotions, échanger avec son conseiller… La courbe de la psychologie de l’investisseur (à ne pas donner aux clients) est également pleine d’enseignements pour le CGP  qui en apprend aussi sur lui-même : ses craintes, ses peurs, ses responsabilités, sa façon d’agir, etc. (cf. notamment The Market Cycle of Emotions de Russell Investment, édité en avril 2016 et révisé en mai 2019).

Une situation de fort stress de marchés, nécessitant de réduire l’exposition aux actifs de toutes sortes, fait perdre une partie non négligeable des rétrocessions du CGP et les banques. Mais le discours et les actes du professionnel du patrimoine doivent être clairs avec les clients : désinvestir pour une durée de temps indéfinie pour réinvestir globalement sur les mêmes supports après une baisse significative, saisissant les opportunités des baisses de marché. L’histoire prouve en effet qu’après une violente baisse, la hausse est tout aussi marquée. L’impact sur le chiffre d’affaires est légitime mais ne peut, et ne doit surtout pas, être une cause d’inaction.

Définir une méthodologie

La méthode doit être écrite pour éviter qu’elle ne reste qu’un concept, qui serait oublié en cas de stress financier. Pour ne prendre que deux périodes marquantes : en 1999, on entendait des mises en garde (« l’exubérance irrationnelle » de Greenspan), idem en 2007 sur les subprimes. Il est évident qu’entendre de plus en plus de sujets de dette mondiale abyssale, à tous niveaux, nécessite au moins de s’y préparer. Se parer ainsi d’une procédure vise à protéger les clients, à mieux maîtriser leurs inquiétudes, légitimes, et jouer son rôle de conseil. Avant d’aborder ce plan d’actions en cas de crise, voyons les étapes de ce stress test si une baisse d’au moins 25 % survenait sur un risque systémique. Voici une liste de douze actions à réaliser et un nombre de points associés. Si le total est supérieur à 80, le stress test peut être considéré comme « réussi » :

- lister les clients avec par ordre décroissant de risque, date d’actualisation et coordonnées (5 points) ;

- identifier les clients concernés par des opérations d’arbitrage (10 points) ;

- identifier les clients concernés par des stratégies de rachats partiels programmés (5 points) ;

- identifier les clients concernés par des avances ou des crédits adossés aux contrats (5 points) ;

- identifier l’existence de contraintes de remploi sur les fonds en euros, par contrat ou compagnie (10 points) ;

- identifier les fonds cibles d’arbitrages de désinvestissement, hors fonds euros (25 points) ;

- définir les modalités d’édition des bordereaux d’arbitrage : manuels, en ligne… (15 points) ;

- définir les clients gérés sous mandat de gestion et leur politique d’arbitrage versus profil (7 points) ;

- identifier les contraintes de signatures (compte joint, société, parents si mineurs, curatelle/tutelle… - 5 points) ;

- disposer d’une politique d’horodatage incluant si possible la signature électronique (5 points) ;

- disposer d’outils de contrôle des performances (3 points) ;

- mettre en place un CRM (suivi commercial/administratif) comprenant la mise à jour des risques ? (5 points).

Agir en cas de crise

Voici sept actions à mettre en place pour gérer une « crise » :

- se référer à son guide méthodologique et garder à l’esprit trois points clef : s’informer, aller aux contacts des clients, proposer d’agir ;

- identifier des sites de banques et sociétés de gestion qui publient des informations structurées et utiles (UBS, Pictet, Axa IM, EFG, Franklin Templeton, Deutsche Bank, BNP Paribas, Private Wealth Management, Citywire, etc.) ;

- décider si la baisse est de l’ordre spéculatif (donc ponctuel) ou de nature systémique, ce qui nécessite de lire intensément et non de prendre toujours pour argent comptant les explications de gérants là pour éviter des sorties. Si la baisse semble systémique, il faut réduire les positions ;

- revalider le profil de risque de chaque client… même si la revalidation en période baissière est plus contraignante car le risque est complètement évolutif ;

- utiliser sa liste de clients par ordre décroissant de risque pour les contacter et échanger avec eux, mais aussi pour gérer les priorités d’action. Cette méthode est salutaire face à un fonds de commerce conséquent ;

- en cas de délégation d’arbitrage, prévoir les supports à désinvestir et ceux à réinvestir. Idem pour les CGP utilisant un fonds dédié. Pour les mandats de gestion, la baisse de risque se fait par un changement de profil ;

- et mémoriser pour chaque client dans le suivi (CRM) les actions de désinvestissements proposées, celles réalisées, et celles à réinvestir.

Nous savons en fait une chose : l’histoire ne se répète pas et n’est jamais écrite d’avance. Les crises sont toutes différentes. Depuis 2007, plus de 80 % des crises boursières ont une source américaine et une nouvelle crise n’entraînera pas les mêmes effets qu’une autre. Chacun semble étant démuni vis-à-vis de ces événements atypiques, un stress test à réaliser en amont et un plan d’action précis à mettre en place sont nécessaires. Cette méthode donne de la fiabilité car le rôle est aussi d’anticiper et de protéger ce qui valorise ses activités.

  • Mise à jour le : 05/11/2019

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