Détention de la résidence principale via une SCI

Par : edicom

Fidnet, la base documentaire du groupe Harvest

Détenir sa résidence principale dans une société (SCI) : bonne ou mauvaise idée ?

La détention de la résidence principale au travers d’une société (SCI, Sarl, etc.) peut faire perdre au propriétaire certains avantages civils et fiscaux dont il bénéficierait en cas de détention en direct et notamment :

- la protection du « logement familial » ;

- le bénéfice du droit viager et temporaire au logement ;

- l’abattement de 20 % au titre des droits de succession ;

- l’abattement de 30 % au titre de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) ;

- l’exonération des plus-values de cession ;

- les dispositifs protecteurs de l’emprunteur immobilier non professionnel ;

- le déblocage de certains produits d’épargne ;

- l’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur individuel ;

- le bénéfice de MaPrimeRénov ;

- la mise en location de la résidence principale par l’associé ou la société.

En outre, la société détenant la résidence principale peut perdre également son statut de société opérationnelle prépondérante ou exclusive.

 

La protection du « logement familial »

La détention de la résidence principale au sein d’une société peut faire perdre au conjoint non associé le bénéfice de la protection sur le logement familial, contrairement à ce qui est prévu en cas de détention en direct par l’un ou l’autre des époux (C. civ. art. 215, al. 3).

En effet, lorsque seul l’un des époux est associé, l’autre conjoint ne dispose d’aucun titre d’occupation (car non associé, non bénéficiaire d’une autorisation d’occupation ou d’un droit au bail) ; ainsi l’époux associé et gérant de la société peut, sans l’accord du conjoint vendre le logement (Cass. civ. 1re, 14 mars 2018, n° 17-16.482), et l’expulser du logement (Cass. civ. 1re, 7 février 2018, n° 17-10367).

Remarque : la résidence principale détenue par une société ne peut directement faire l’objet d’un legs par le défunt, car il n’est pas propriétaire de l’immeuble, mais uniquement des titres de la société. Ainsi, s’il souhaite léguer le logement, il conviendra de désigner les titres de la société (et non le logement) dans le testament. Si la société détient d’autres biens, il n’est pas possible de cantonner le legs à la seule résidence principale. La faculté de léguer le logement familial n’entre pas en conflit avec la protection du logement (prévue à l’article 215) qui ne s’applique que pendant le mariage et prend fin au décès de l’un des époux (Cass. civ. 1re, 22 mai 2019, n° 18-16666).

 
Les droits viager et temporaire du conjoint survivant

La détention en société de la résidence principale prive le conjoint survivant du bénéfice du droit de jouissance temporaire sur le logement (et son mobilier) et du droit viager d’usage et d’habitation, dont il aurait pu bénéficier si le bien avait été détenu en direct, même uniquement par son époux.

En effet, ce sont alors les parts sociales qui entrent dans la succession, et non le logement lui-même (C. civ. art. 763 et 764 ; RM Jeanjean, JOAN 25 janvier 2005, n° 39324).

Remarque : par exception si la société a conclu avec les époux un contrat de bail (avec l’un ou avec les deux époux), les droits temporaires et viagers au logement redeviennent alors applicables, grâce au bail d’habitation.

 

L’abattement de 20 % en matière de droit de succession

La résidence principale du défunt, détenue par une société (SCI, Sarl), ne bénéficie pas de l’abattement de 20 % prévu en matière de droit de succession, lorsque la résidence principale est occupée à la date du décès, à titre de résidence principale, par le conjoint, le partenaire de pacte civil de solidarité (Pacs), un enfant mineur ou majeur protégé (CGI, art. 764 bis).

Remarque : par exception, l’abattement de 20 % s’applique lorsque la résidence principale est détenue par une société civile d’attribution (appelée également société de copropriété) définie à l’article 1655 ter du Code civil (BOI-ENR-DMTG-10-40-10-30, § 40).

 
L’abattement de 30 % en matière d’IFI

La résidence principale du contribuable, détenue par une société, ne bénéficie pas de l’abattement de 30 % pour la valorisation à l’IFI (CGI, art. 973). Cette exclusion a été validée par le Conseil constitutionnel (QPC du 17 janvier 2020, n° 2019-820).

Remarque : par exception, l’abattement de 30 % s’applique lorsque la résidence principale est détenue par une société civile d’attribution (appelée également société de copropriété) définie à l’article 1655 ter du Code civil (BOI-PAT-IFI-20-30-20, § 50).

 
L’exonération en matière de plus-values immobilières
Résidence principale détenue par une société à l’IR (SCI, Sarl, SNC, etc.)

Lorsque la résidence principale est détenue par une société soumise à l’IS (sociétés relevant des articles 8, 8bis, 8 ter du CGI) et est mise gratuitement à disposition d’un des associés qui en fait sa résidence principale, l’exonération des plus-values immobilières pour vente de la résidence principale s’applique en cas de cession de la résidence principale par la société et en cas de cession des parts par l’associé. Cette exonération ne s’applique toutefois pas en cas de mise à disposition à titre onéreux (CGI art. 150-U-II-1° ; BOI-RFPI-PVI-10-40-10,  § 140).

Remarques concernant la disposition à titre gratuit : les apports en compte-courant réalisés par l’associé pour permettre le remboursement de l’emprunt n’entraînent pas une requalification en disposition à titre onéreux. Cet apport n’est pas assimilé à un loyer ; ainsi en cas de cession du logement, l’exonération pour cession de la résidence principale reste applicable (CE, 28 décembre 2017, n° 405887). Si les dépenses d’entretien, les impôts, les taxes et assurances afférents à l’immeuble sont mis à la charge de l’associé, la mise à disposition à titre gratuite peut être requalifiée en contrat de location et donc en mise à disposition à titre onéreux ; ainsi, en cas de cession du logement, l’exonération pour cession de la résidence principale n’est pas applicable (CA, Versailles, 25 avril 2020, n° 1998-4876).

L’exonération ne porte que sur la quote-part de plus-value, constatée lors de la cession, revenant à l’associé qui occupe le logement à titre de résidence principale. Les autres associés de la société, pour qui l’immeuble ne constitue pas leur résidence principale, ne peuvent pas bénéficier de l’exonération.

 
Résidence principale détenue par une société à l’IS

Lorsque la résidence principale est détenue par une société à l’IS et mise à disposition (qu’elle soit gratuite ou onéreuse) ou loué à l’un des associés qui en fait sa résidence principale, l’exonération des plus-values immobilières pour vente de la résidence principale ne s’applique pas. Ainsi, en cas de revente de l’immeuble par la société soumise à l’impôt sur les sociétés, la plus-value est imposée au sein de la société et calculée selon les règles des plus-values professionnelles (avec notamment la reprise des amortissements).

En cas de revente des titres de la société, la plus-value est taxée au titre des plus-values de valeurs mobilières au PFU à 12,8 % (ou sur option globale à l’IR) et aux prélèvements sociaux.

 
Les dispositifs protecteurs des emprunteurs immobiliers non professionnels

Par principe, une société qui a pour activité la location d’immeuble, ne peut pas bénéficier des dispositions protectrices des consommateurs telles que le délai de réflexion de dix jours (loi Scrivener) ; la mention du taux effectif global (TEG) ; l’interdiction d’obtenir un crédit si le TEG dépasse le taux d’usure ; l’interdiction de versement préalable à l’acceptation ; le maintien de l’offre pendant trente jours ; la suspension judiciaire du prêt en cas de difficulté d’exécution de l’acte d’acquisition ou du contrat de Vefa ; la résiliation de l’assurance emprunteur – résiliation à tout moment, durant la première année et résiliation annuelle (C. conso. art. L. 313-2, 2°).

Cependant, lorsque le crédit sert à financer l’acquisition d’une résidence principale au travers d’une société (hors SCI d’attribution), les textes ne tranchent pas.

Avis Fidroit : on aurait tendance à les exclure du champ d’application de la protection des consommateurs en raison de l’article L. 313-2, 2° du Code de la consommation visant les activités habituelles de « fourniture » d’immeubles en propriété ou en jouissance. On sera attentif aux commentaires à venir.

 

La sortie de certains produits d’épargne

L’acquisition de la résidence principale par le biais d’une société ne permet pas d’obtenir :

- le déblocage anticipé des sommes détenues au sein d’un Perco et d’un PEE (ou d’un PEI) (CMF. art. L. 224-4, 6° et Guide de l’épargne salariale 2014, page 262) ;

- à notre sens, le déblocage anticipé des sommes détenues au sein d’un PER (issu de la loi Pacte) ;

- à notre sens, la sortie en capital du Perp, possible au moment de la retraite ou de manière anticipée (C.ass. art. L. 144-2, I al.4) ;

- un prêt épargne logement. En effet, ils ne sont accordés qu’à des personnes physiques et ne peuvent être affectés au financement de logements détenus par des sociétés (sauf résidence principale située dans un immeuble collectif détenu par une SCI d’attribution – RM Duboc, JOAN 28 mars 1994, n° 8960).

 

L’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur individuel
Pour les créances nées à compter du 15 mai 2022

Depuis le 15 mai 2022, la résidence principale, même détenue à travers une société est insaisissable pour les créanciers (C. com. art. L. 526-22 et R. 526-26). Toutefois, des difficultés risquent d’apparaître pour les sociétés civiles qui détiennent à la fois des biens immobiliers personnels et les locaux professionnels.

 
Pour les créances nées avant le 15 mai 2022

Compte tenu de l’ancienne rédaction de l’article L. 526-1 du Code de commerce, lorsque la résidence principale (ou d’autres biens personnels) de l’entrepreneur était détenue au travers d’une société, l’entrepreneur individuel ne pouvait bénéficier du dispositif d’insaisissabilité ni de droit de la résidence principale ni via la souscription d’une déclaration d’insaisissabilité. L’entrepreneur individuel perdait ainsi le bénéfice de protection de son patrimoine immobilier privé, auprès de ses créanciers professionnels. En effet, l’article L. 526-1 visait les droits de l’entrepreneur individuel sur l’immeuble. Les droits sociaux n’étaient pas envisagés (RM Jeanjean, JOAN 5 avril 2005, n° 52819).

 

MaPrimeRénov

Les sociétés (SCI, Sarl de famille, etc.) ne sont pas éligibles à MaPrimeRénov. Ainsi, la société (à l’IR ou l’IS) qui réalise des travaux de rénovation énergique ne peut pas prétendre à cette aide (RM Jacques, JOAN 1er août 2023, n° 5801).

 

La mise en location de la résidence principale
La mise en location par l’associé (sous location)

L’associé bénéficie d’une occupation à titre gratuit (mise à disposition du bien) par la société. Il ne peut pas, sauf à ce que la société l’y autorise expressément, sous-louer le bien.

 

La mise en location par la société

Il s’agit de l’hypothèse où la société serait en mesure de louer le bien périodiquement ou non.

En cas de location nue par la société (peu probable en pratique, car il s’agit de la résidence principale de l’associé), la durée minimum du bail est alors de six ans avec reconduction tacite, et non plus de trois ans comme pour un bailleur personne physique (ou une SC familiale constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus – loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, art. 10 et 13).

De plus, les sanctions en cas de non-respect par la société, de ses obligations (congé frauduleux, demande de documents interdits) peuvent être de 15 000 €, voire 30 000 € dans certains cas, contre 3 000 à 6 000 € pour un bailleur personne physique.

Attention : la société, personne morale, ne peut donner congé à son locataire pour reprise, sauf dans le cas d’une société civile familiale et seulement pour une reprise au profit de l’un des associés (loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, art. 15 ; Cass. civ. 3, 19 janvier 2005, n° 03-15922).

En cas de mise en location meublée par la société, certaines démarches sont nécessaires afin de mettre un bien en location meublée, notamment dans le cas d’une mise en location saisonnière : enregistrement dans certaines villes comme Paris, Bordeaux, Nice, déclaration d’existence d’activité sur le guichet unique, autorisation de changement d’usage…

Fiscalement :

- si la résidence principale est détenue par une SCI à l’IR : en principe, une société civile qui réalise une activité de location meublée est obligatoirement assujettie à l’IS ;

- si la résidence principale est détenue par une Sarl de famille : l’option pour le régime de la Sarl de famille (imposition à l’IR) suppose que la société exerce exclusivement une activité commerciale. Or si la société met à disposition la résidence principale à titre gratuit, elle n’exerce plus une activité exclusivement commerciale : la Sarl passe obligatoirement à l’IS.

 
Le statut d’activité opérationnelle au sein de la société

Lorsque la société détient des biens de jouissance, notamment la résidence principale, et des biens professionnels, elle peut dans certains cas perdre le bénéfice de dispositifs fiscaux qui nécessitent :

- une activité opérationnelle prépondérante (dispositif Dutreil, biens professionnels et plus généralement le statut de holding animatrice dans ces deux dispositifs) ;

- une activité opérationnelle exclusive (Sarl de famille).

 

Références

C. civ. art. 215, al. 3 ; Cass. civ. 1, 7 février 2018 n° 17-10367 et Cass. civ. 1, 14 mars 2018 n° 17-16.482 ; C.civ.art.763 et 764 ; RM Jeanjean, JOAN 25 janv. 2005, n°39324 ; BOI-ENR-DMTG-10-40-10-30, § 40 ; CGI art. 973 ; BOI-PAT-IFI-20-30-20, § 50 ; CGI art. 150-U-II-1° ; BOI-RFPI-PVI-10-40-10 § 140 ; CE 28 décembre 2017, n° 405887 ; BOI-RFPI-PVI-10-40-10, § 140 ; C. conso, art. L. 313-2, 2° ;CMF. art. L224-4 6° ; Guide de l’épargne salariale 2014, page 262 ; C. ass. art. L. 144-2, I al.4 ; RM Duboc, JOAN 28 mars 1994, n° 8960 ; C. com. art. L. 526-1 ;  BOI-RFPI-CHAMP-10-30 § 80 ; loi n° 89-462 du 6 juill. 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs ; Cass. civ. 3, 19 janv. 2005, n° 03-15922.

  • Mise à jour le : 24/10/2023

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