Plan logement : les acteurs de l’immobilier réagissent

Par : Paola Feray

Mercredi, le gouvernement a clarifié la politique du logement tant attendue par les professionnels du secteur. Si certains montrent quelques interrogations, voire inquiétudes, d’autres livrent leur satisfecit.

Grands temps forts de la stratégie logement : créer un choc d’offres sur les zones tendues, avec un zonage redéfini et resserré pour une loi Pinel plus « vertueuse pour l’économie et les finances publiques ». Fluidifier le marché, faciliter les constructions de logements et réduire la dépense publique sont les leitmotiv de cette réforme. L’application est programmée dès le 1er janvier prochain.

En résumé, le Pinel est donc pérennisé pour quatre ans et limité aux zones très urbanisées où l’offre est déficitaire, c’est-à-dire aux zones A, Abis, B1, les zones B2 et C étant dorénavant exclues du dispositif. Quant au PTZ, désormais et pour quatre ans, il sera recentré dans le neuf dans les zones tendues et limité à l’ancien en zone B2 et C.

Petit tour d’horizon des réactions.

Du côté des fédérations professionnelles

Pour la FPI (Fédération des promoteurs immobiliers), sa présidente Alexandra François-Cuxac s’est félicitée de « la volonté de simplifier l’acte de bâtir » clairement affichée, confiant un peu plus tard sur une interview à France Info, que cette réforme est « un plan logement qui a le mérite d’être ambitieux […] avec une transversalité intéressante ».

Pour la Fnaim, son président Jean-François Buet a souligné les « nombreuses mesures positives, mais un Grenelle du logement plus que jamais nécessaire ! » : « Malgré tout leur intérêt, ces mesures ne pourront répondre à leurs objectifs que si elles s’inscrivent dans le cadre d’une véritable concertation réunissant l’ensemble des acteurs du logement. Seul un Grenelle du Logement pourra participer efficacement et de manière pertinente au rééquilibrage du marché et permettra de repartir sur des bases saines ».

Pour la Chambre des notaires de Paris, « il faut se mobiliser pour gagner la bataille du logement en Ile-de-France », serait en substance la teneur des réactions de ces connaisseurs de l’économie du marché du logement en Ile-de-France, qui les « conduit à approuver la nécessité d’un “choc de l’offre” dans cette région où la construction de nouveaux logements est depuis trop longtemps structurellement très insuffisante, pour l’habitat privé comme pour l’habitat social. Le déséquilibre actuel entre l’offre et la demande pèse beaucoup sur le niveau des prix […]. Le maintien sur moyen terme de dispositifs clairs d’aide financière ou fiscale à l’investissement sur les logements neufs est positif. La lutte contre les recours abusifs, qui doit se doubler d’une réelle simplification des procédures, est indispensable. L’incitation fiscale au titre des plus-values élargie à la libération des terrains peut permettre de déclencher ou de faciliter de nombreuses opérations ».

Du côté des promoteurs

Concernant les mesures sur les logements sociaux, Norbert Fanchon, président du directoire du groupe Gambetta, ne mâche pas ses mots : « Ce qui s’annonce n’est rien moins que le meurtre du logement social en France. Le gouvernement persiste et signe l’arrêt de mort des HLM.  On voit se mettre en place un mécanisme infernal de démantèlement des HLM très loin du choc de l’offre… », précisant alors que « la baisse des APL génèrera peu ou prou le montant réinjecté par les organismes dans le lancement de nouveaux programmes chaque année et dans l’achat aux promoteurs des 25 % de logements sociaux rendus obligatoires par la loi Alur – également menacée par l’exécutif. Il s’ensuivra une baisse de l’abondement de l’offre sociale, sans doute à hauteur de 100 000 unités par an, générant des tensions sur les loyers partout en France ».

Concernant les logements neufs, Pierre Sorel, directeur général de Sogeprom, souligne « des mesures qui vont dans le bon sens, notamment l’abattement sur les plus-values qui devrait libérer de nombreux terrains et créer un appel d’air salutaire sur l’offre de logements ».

Des propos toutefois relativisés par Ivain Le Roy Liberge, président de Sully Promotion, qui s’interroge sur le « devenir des opérations en cours non actées sur la zone B2 ? », même si « La vue à quatre ans permet en effet de consolider un certain nombre de sujets. D’autre part, le marché de l’immobilier neuf rapporte plus de recettes fiscales que les dépenses liées aux aides. Ce qui semble avoir été compris par le maintien du Pinel et du PTZ. Concernant les problématiques foncières, les mesures relatives aux recours et à la non fiscalisation des plus-values des vendeurs permettront de limiter les blocages et d’assainir le marché. En revanche, les mesures concernant le logement social risquent d’avoir un impact sur les bailleurs sociaux. Nous espérons que cela n’aura pas d’impact sur le prix de revient ».

Du côté des courtiers en crédit immobilier

Jauffrey Ianszen, porte-parole d’Immoprêt, applaudit cette réforme : le prolongement « des dispositifs loi Pinel et prêt à taux zéro pour une durée de quatre ans, deux mesures phares qui soutiennent l’ensemble du secteur de l’immobilier » est une très bonne chose.

Des propos que nuancent plus sensiblement d’autres acteurs du courtage.

En effet, pour Philippe Taboret, directeur général adjoint de Cafpi, cette réforme serait plutôt un « oui, mais… », car, selon lui, « toutes les “bonnes”" mesures risquent d’être sérieusement freinées par l’incompréhensible réforme du PTZ. Le gouvernement, dans son calcul financier, n’a-t-il pas cherché à donner, afin de réaliser des économies, l’illusion qu’il maintenait un dispositif tout en lui retirant sa substance ? »

Des doutes émis également par Maël Bernier, porte-parole de Meilleurtaux, qui s’interroge sur les « conséquences des modifications concernant l’octroi du PTZ et du dispositif Pinel. Les mesures proposées sont-elles suffisantes pour relancer le marché de l’immobilier ? Sont-elles favorables aux futurs acquéreurs et aux primo-accédants ? », tout en regrettant et lançant par là-même un pavé dans la mare : « Pourquoi est-il regrettable que cette réforme ne propose pas de baisser les droits de mutation, aujourd’hui un frein à l’achat pour de nombreux Français ? Au-delà des perfusions et des aides d’Etat, le problème ne serait-il pas plutôt dans les frais annexes, appelés injustement les frais de notaire, lors d’un achat immobilier ? Aujourd’hui, sur un prêt de 200 000 euros pour un achat dans l’ancien, il faut compter 15 613 euros de frais d’acquisition… sur lesquels le notaire ne prendra “ que” 2 440 euros ! Il y a donc 13 173 euros de taxes revenant directement à l’Etat et aux collectivités locales, et supportés en totalité par l’acheteur. Réformer les droits de mutation aurait donc été une bonne chose pour fluidifier le marché et l’accès à la propriété, notamment chez les primo-accédants. Les droits de mutation français sont en effet parmi les plus élevés d’Europe…»

Du côté des plates-formes

Pour la plate-forme multiproduits Théseis, « au-delà de l’effet vertueux pour les investisseurs d’un recentrage sur les zones urbaines les plus tendues, la reconduction pour quatre ans du dispositif donne à l’ensemble des professionnels de l’immobilier la visibilité nécessaire pour travailler au développement d’opérations immobilières dont les cycles de réalisation sont pluriannuels et se rallongent du fait de la complexité de la construction de projets en zones urbaines tendues. Cette reconduction est une excellente nouvelle pour l’ensemble du secteur de la construction dont l’embellie récente reste fragile… »

  • Mise à jour le : 13/12/2021

Vos réactions