Location meublée d’un bien démembré : l’usufruitier peut-il pratiquer des amortissements ? (expertise Fidroit)

Par : edicom

Une réponse ministérielle du 14 décembre 2017 confirme la position de l’administration fiscale concernant l’impossibilité d’amortir le droit d’usufruit.

La location meublée présente un certain nombre d’avantages, et notamment la possibilité de bénéficier du régime réel d’imposition permettant de déduire les charges des loyers perçus afin de réduire la base taxable.

En application des règles des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), le loueur en meublé peut amortir les constructions et le mobilier inscrits à l’actif du bilan. Les amortissements sont déductibles fiscalement, ce qui permet de réduire, voire gommer le résultat fiscal.

Lorsque le bien objet de la location meublée est détenu en démembrement de propriété, c’est l’usufruitier qui perçoit les loyers et supporte la fiscalité correspondante.

Dans une telle hypothèse, l’administration fiscale considère toujours, contrairement à la jurisprudence,  que l’usufruitier ne peut pratiquer un amortissement sur son droit d’usufruit, car les biens objet de l’usufruit ne font pas partie de son actif immobilisé.

Telle est la solution réaffirmée par le ministère de l’Action et des Comptes publics dans une réponse publiée le 14 décembre 2017 (RM Frassa, JO Sénat du 14 décembre 2017, n° 01405).

Conséquences pratiques – avis Fidroit

Cette réponse dénie à l’usufruitier le droit de pratiquer des amortissements sur l'usufruit des immeubles qu'il exploite. 

Cette solution reste néanmoins conforme à celle figurant au BOFiP et excluant tout amortissement d’un droit d’usufruit, que celui-ci soit viager ou à durée fixe (BOI-BIC-AMT-10-20-20140312 § 260).

Avis Fidroit

La position retenue par l’administration fiscale et réaffirmée par la réponse ministérielle du 14 décembre 2017 est contraire à celle de la jurisprudence. En effet, l’inscription du droit d’usufruit au bilan est possible si les conditions posées par le Conseil d’Etat sont réunies, à savoir :
- le droit doit constituer une source régulière de profit, être doté d’une pérennité suffisante et être susceptible d’être cédé (CE 21 août 1996, n°154488) ;
- l’usufruit est amené à se déprécier de manière inéluctable et « il cesse nécessairement de produire ses effets bénéfiques sur l'exploitation à une date déterminée. » (CE 4 avril 1979, n°08153 et CE 1er octobre 1999, n°177809).

De plus, la jurisprudence a validé l’amortissement de l’usufruit portant sur des titres (CAA Bordeaux 19 décembre 2015, n°02BX00050) mais aussi la possibilité d’amortir l’usufruit viager portant sur un immeuble (TA Strasbourg 14 mars 2017, n°1602812).

Au regard de ces éléments, l’amortissement de l’usufruit, droit inscrit au bilan, semble parfaitement envisageable en ce qu’il présente le caractère d’une immobilisation soumise à dépréciation.

Pour aller plus loin

Cette réponse ministérielle ne fait que confirmer la position contestable de l’administration fiscale.

Remarque : La question posée au ministre de l’Action et des Comptes publics concernait la location meublée d’un bien démembré à la suite d’une succession, le démembrement étant alors « subi ». Mais la réponse apportée est transposable aux démembrements de propriété ayant une autre origine (donation, etc).

Concernant cette problématique, le BOFiP indique notamment que « les éléments mobiliers ou immobiliers dont une entreprise industrielle ou commerciale a la jouissance en qualité d'usufruitier ne font pas partie de son actif. Cette entreprise, dès lors, ne peut pratiquer aucun amortissement à raison de ces éléments […] ». (BOI-BIC-AMT-10-20-20140312 § 260)

Toutefois, cette solution demeure en opposition avec les décisions jurisprudentielles ayant validé l’amortissement d’un droit d’usufruit. Certes, l’immeuble lui-même ne peut être inscrit au bilan de l’usufruitier (il peut cependant être inscrit au bilan du nu-propriétaire) mais l’inscription du droit d’usufruit est validée par la jurisprudence.

En effet, les tribunaux considèrent que l’amortissement d’un bien ou d’un droit suppose qu'il soit « normalement prévisible, lors de sa création ou de son acquisition par l’entreprise, que ses effets bénéfiques sur l’exploitation prendront fin à une date déterminée » (CE 1er octobre 1999, n°177809).

Un droit d'usufruit présente de telles caractéristiques puisqu'il est nécessairement temporaire.

L’amortissement pourra alors être réalisé sur la durée d’utilisation estimée, ou sur la durée fixée contractuellement. Les tribunaux administratifs de Paris et Poitiers acceptent que le droit d’usufruit soit amortissable sur la durée pour laquelle il est consenti (TA Paris 6 juill. 2009 n° 04-19716 ; TA Poitiers 21 nov. 1996 n° 95-1701).

Rappel

Lorsqu’un droit d’usufruit est détenu, c’est la totalité de ce droit, correspondant aux constructions et aux terrains, qui est amortissable. A l’inverse, concernant les biens détenus en pleine propriété, seules les constructions sont amortissables, le terrain ne pouvant pas être amorti puisqu’il s’agit d’une immobilisation ne se dépréciant pas de manière irréversible. De plus, l’amortissement du droit d’usufruit est différent de l’amortissement du bien dont la propriété est démembrée.

A cet égard, le nu-propriétaire peut amortir la nue-propriété du bien, à condition que le bien sur lequel porte son droit ait une durée d’utilisation temporaire et prévisible (BOI-BIC-AMT-10-20-20140312 § 260).

  • Mise à jour le : 13/12/2021

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