Produits dérivés et fonds ISR : deux opportunités en cette période de crise…

Par : Elisa Nolet

Deux mois après le début de la crise sanitaire, quel quotidien pour les CGP ? Entre les actions à mener sur les portefeuilles clients, le soutien aux équipes et l’impératif, plus clair que jamais, d’adapter son cabinet aux enjeux du digital, les CGP ne chôment pas ! Le regard de Karl Toussaint du Wast, cofondateur de netinvestissement.

Quel est l’impact de la crise sur le quotidien des CGP ?

Karl Toussaint du Wast : Tout dépend si le cabinet a déjà réalisé sa transition digitale, ou non. Si elle n’est pas faite, que le cabinet ne dispose pas d’une vraie base de mailing, communiquer avec les clients prend énormément de temps. Il faut les appeler un par un, envoyer des courriers… Un vrai handicap dans l’urgence de la crise. En tant que CGP, nous sommes les centres de profit, des entrepreneurs. Nous avons des devoirs, comme celui de faire avancer notre bateau, de faire une veille intellectuelle pour ne jamais subir, de s’enrichir en permanence pour servir les intérêts de son cabinet. Il faut être le plus proactif possible. Tout le monde se met au digital. Les CGP doivent s’y mettre aussi*. 

Il faut également être en mesure de déployer des soft kills, toutes ces petites compétences liées à la compréhension de l’être humain. Il y a toute une phase pédagogique à activer en ce moment. Dans un moment comme celui que nous vivons, nous sommes plus que jamais le médecin de l’argent, avec en face de nous des êtres humains. 

Et il ne faut pas non plus oublier de s’occuper de ses collaborateurs. C’est essentiel. Certains ont des coups de mou, dépriment, se sentent oubliés… Il faut les appeler prendre de leurs nouvelles. Cette crise est un sacré bouleversement également pour les CGP. 

 

Observez-vous des effets de la crise sur votre activité ?

En mars et avril, nous avons réalisé une activité historique en termes de collecte financière. Alors que nous misions sur 40 à 50 millions d’euros sur l’année, nous en avons fait 8 millions en avril, tous produits confondus. Mais sur les transactions immobilières, nous notons un réel ralentissement, une pause avant le déconfinement. Les clients attendent de voir. Ni dans l’optique de faire une bonne affaire, ni à cause des taux. Il s’agit plutôt d’un effet psychologique, spécifique à l’immobilier. Cet actif étant moins liquide, les épargnants veulent s’assurer qu’ils ne seront pas mis au chômage avant de s’engager. Je constate d’ailleurs souvent que les investisseurs n’ont pas de difficulté à faire un chèque de 100 000 € pour investir en assurance vie, mais qu’ils ont du mal à faire un emprunt qui leur coûtera 300 € par mois pour de l’immobilier. Alors même que sur dix ans, le remboursement de cet emprunt n’atteint pas 100 000 €… 

 

Quelles actions avez-vous mis en place pour votre clientèle ?

La crise a été brutale, avec un effondrement rapide des places boursières. Heureusement, nous avions fait des arbitrages en amont, au mois de février. Non pas par intuition, mais parce que nous considérions que les marchés étaient déjà très hauts. Nous avions arbitré massivement à ce moment-là. En mars, alors que les marchés perdaient 35 %, nous n’avons perdu que – 7 %. La relation opérationnelle avait donc été faite et nos clients ont été satisfaits.

Comme nous avions bien résisté nous avons pu rappeler les clients pour faire des propositions de réinvestissement, beaucoup sur les produits structurés, où nous pouvons proposer des coupons supérieurs à 10 % annuels, et des barrières jusqu’à -50 % ou -60 %. Les produits structurés constituent une vraie opportunité actuellement. La probabilité de perdre encore de 50 % par rapport à la situation présente est très faible.

Pour les plus pragmatiques, nous avons choisi d’être très actifs, pour rentrer sur les marchés boursiers à des niveaux très bas, autour de  4 000 ou 4 200 points. Les clients ont été très réceptifs. Nous avons agi en corrélation avec le désamour pour le fonds euros que nous essayons de leur inculquer. Nous réallouons plutôt sur des fonds ISR, dont on s’aperçoit qu’ils ont bien résisté. Il y a une profondeur très intéressante de ces marchés, sur les thématiques de la santé, de l’intelligence artificielle… Des sujets d’autant plus pertinents aujourd’hui. La crise accentue d’ailleurs la mutation vers ces secteurs.

 
Les clients qui n’ont pas encore arbitré doivent-ils le faire maintenant ?

La réaction sera différente selon la date d’ouverture du contrat d’assurance-vie par exemple. Le CAC 40 a repris 15 % à 20 % depuis son plus bas. Pour ceux qui n’ont pas encore arbitré, mieux vaut ne pas bouger maintenant. En revanche, il peut être intéressant de rentrer sur les marchés avec de l’argent neuf, de façon à pondérer la baisse.

Même les clients prudents s’avèrent réceptifs à s’ouvrir un peu, dans le respect bien sûr de leur profil de risque. Attention si on change de braquet, il faut refaire un profil de risque. En se rappelant qu’un client avec 5 millions d’euros de patrimoine pourra avoir un pourcentage de risque plus important que celui qui dispose de 500 000 € de patrimoine.

 

Comment imaginez-vous l’après-confinement ?

Je suis convaincu d’une reprise car elle est nécessaire même si elle peut prendre du temps. Le 11 mai va faire beaucoup de bien. Il faut relancer la machine, et profiter de la phase entre juin et septembre pour investir. La période montre une bonne résilience des investisseurs. La situation actuelle n’a rien à voir avec celle 2008, où l’on avait l’impression de vivre la fin du monde. Cette fois, le changement est allé très vite, mais le marché se tient bien.

En France, nous avons toujours beaucoup de mal avec l’argent et le profit. Mais investir dans l’économie n’est pas « sale ». Cela sert à aider les entreprises françaises, les emplois français, à soutenir les PME. C’est un devoir de civisme collectif, d’autant plus en ce moment. Et cela même vis-à-vis des grands groupes, comme Air France ou LVMH… Ils en ont aussi besoin pour soutenir l’emploi. A mettre en balance avec le livret A qui nourrit les fonds propres de sa banque… !

* Karl Tousaint du Wast est l’auteur de « e-CGP, comment réussir sa transformation digitale », ebook à télécharger gratuitement.

 

  • Mise à jour le : 07/05/2020

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