Investir dans la technologie portable

Par : edicom

Par Cédric Michel, directeur commercial distribution de Fidelity International

La technologie portable dite « wearable » est appelée à transformer de nombreux aspects de la vie, de la santé jusqu’aux communications, en passant par la distribution ou encore les médias. Les entreprises ayant des activités dans les domaines de la fabrication des appareils, des logiciels, du stockage des données et de la sécurité en seront les grandes bénéficiaires.

Le marché de la technologie « wearable » enregistre une forte croissance. Les expéditions mondiales d’objets connectés portables ont atteint 11,4 millions d’unités au premier trimestre 2015, soit une augmentation de 200 % par rapport à la même période en 2014. Sur ces 11,4 millions, 7 millions étaient des bracelets de fitness, une catégorie de produit qui est appelée à stimuler la croissance future du marché des « wearable ». Selon les analystes, les taux de croissance vont non seulement se poursuivre, mais ils pourraient également excéder ceux des téléphones et des tablettes à l’avenir. Les objets connectés portables pourraient rapidement faire partie intégrante de notre vie quotidienne. Certaines des opportunités d’investissement dans les « wearable » ont trait aux équipements, aux logiciels, à la sécurité des données et aux utilisateurs finaux dans les secteurs non technologiques tels que l’assurance santé.

Le Big Data

Comme l’a fait observer le fondateur du groupe de santé LifeQ, l’avenir de la technologie « wearable » est en très grande partie lié à ce qui peut être fait avec les données collectées. L’essor de l’Internet des objets a pour effet d’enrichir ce vaste réservoir de données grâce à tous

ces instruments, allant des voitures jusqu’aux réfrigérateurs et aux thermostats, susceptibles de détenir ou pas des informations précieuses pour les entreprises. L’analyse des données représente sans doute la sphère qui offrira les meilleures possibilités au sein des logiciels au cours de la prochaine décennie. Les fournisseurs de progiciels, tels que Salesforce.com et Qlik Technologies, ainsi que les grands groupes de veille économique, comme Oracle, Microsoft, IBM et MicroStrategy, pourraient figurer parmi les principaux bénéficiaires.

De même, en ce qui concerne les équipements, les investisseurs devraient envisager les processeurs comme une forme d’exposition au marché des « wearables ». Le mouvement de concentration dans l’industrie de la fabrication des puces devait être une bonne chose pour les prix dans une perspective à long terme.

Le suivi de la santé

Les utilisations des différents appareils connectés portables touchent de très nombreux secteurs. On estime, en effet, à 336 le nombre de « wearable » sur le marché à l’heure actuelle. Le prix moyen est de tout juste 298 dollars (soit 265 euros, ndlr), signifiant ainsi que les appareils sont relativement abordables. Dans l’étude 2014 « The Wearable Future » réalisée par le cabinet de conseil et d’audit PwC, les contenus liés à la santé arrivent en tête de liste en ce qui concerne les informations que les ménages américains veulent que leurs « wearables » recueillent et leur fournissent.

Les entreprises élaborent des objets connectés portables ayant pour but de faciliter la vie de personnes atteintes de certaines maladies et affections. Par exemple, le patch connecté ADAM (Asthma Detection and Monitoring) détecte les symptômes et, via une application, contrôle l’utilisation de l’inhalateur et avertit de l’imminence d’une crise d’asthme en envoyant des données importantes au docteur du patient. Souffrir de diabète est également appelé à devenir plus supportable au quotidien grâce à de nouveaux « wearables » supprimant la nécessité d’une prise de sang. Des systèmes, tels que FreeStyle Libre, détectent automatiquement le taux de glucose dans le sang via un petit patch appliqué sur la peau du patient ; chaque scan permet d’afficher le taux de glucose actuel, l’historique des huit dernières heures et une flèche de tendance qui indique la variation et l’intensité du changement du taux de glucose.

Les appareils peuvent contrôler de très nombreuses données physiologiques, de la santé cardiovasculaire jusqu’à la structure du sommeil et aux niveaux d’activité. De plus en plus, les appareils conseillent les utilisateurs en leur suggérant des changements dans leur mode de vie. Le potentiel en matière de recherche est également gigantesque. Depuis le début du mois d’août, des volontaires au Royaume-Uni prennent part à l’une des plus grandes études médicales jamais conduites en connectant leurs « wearables »à une application pour iPhone (MyHeart Counts) qui télécharge leurs informations dans le cadre d’une étude sur les risques cardiovasculaires menée par l’université de Stanford, en Californie. 41 000 Américains y participent également, et les chercheurs aspirent à en faire la plus importante étude de l’histoire sur la corrélation entre l’activité physique et les maladies cardiovasculaires.

L’assurance-santé

Le secteur de l’assurance-santé a déjà adopté l’utilisation de nombreux appareils connectés portables en fournissant gratuitement des bracelets de fitness afin de suivre et récompenser les saines habitudes de vie sous la forme de primes à tarif réduit. Des assureurs, tels qu’UnitedHealth Group, Humana et Cigna, ont tous créé des programmes visant à intégrer des « wearables »dans leurs polices d’assurance. Ce faisant, l’assurance-santé devient plus rationnelle en rendant plus équitable les primes et en récompensant les assurés qui prennent des décisions saines sur le plan de la santé.

Maximiser les performances des employés

Des établissements financiers jusqu’aux groupes industriels et manufacturiers, les entreprises distribuent des « wearables » afin de maximiser la performance de leurs employés. Par exemple, BP a distribué plus de 24 500 appareils Fitbit depuis le début de l’année à ses employés en Amérique du Nord. Les appareils portés sur le corps aident à rationaliser les opérations logistiques en permettant de dire adieu aux blocs-notes et autres feuilles d’enregistrement. Les employés des entrepôts d’Amazon utilisent des GPS afin d’être informés de la meilleure route à suivre pour collecter et livrer les articles. Le rythme cardiaque et le stress des traders sont enregistrés afin de les aider à mieux estimer s’ils sont ou non dans l’état mental et physique approprié pour négocier. Chez Epicentre à Stockholm, les choses vont encore plus loin : certains employés acceptent même d’avoir une puce implantée, supprimant ainsi le besoin de badges et de cartes. Les fabricants utilisent les lunettes industrielles « intelligentes » de XOEye afin de résoudre certains problèmes sur le lieu de travail. Les lunettes enregistrent une vidéo HD et la transmettent à un endroit situé en dehors du site où un spécialiste peut guider les employés à distance durant des tâches complexes.

Dans les industries qui comportent certaines activités à haut risque, telles que l’industrie minière et pétrolière/gazière, les « wearables »peuvent jouer un rôle essentiel en matière de sécurité. Chez Rio Tinto, les conducteurs de camions portent des casquettes « intelligentes » dotées de capteurs qui détectent la fatigue afin d’aider à prévenir les accidents.

Distribution et publicité

La technologie portable est appelée à faire partie intégrante de l’expérience des consommateurs. Ces derniers  veulent que leurs appareils « wearable » rendent le shopping plus agréable grâce à des offres personnalisées, des paiements sans contact et des programmes de fidélité améliorés. Les montres connectées sont appelées à jouer un rôle important dans le secteur du commerce de détail, en grande partie via les paiements mobiles et des incitations actives telles que des offres ciblées basées sur les achats passés, les lieux actuels et des mesures physiologiques comme les taux de déshydratation et de vitamine.

De l’autre côté de la caisse, des casques sans fil, des bracelets projecteurs d’écran sur le poignet et des « cordons » technologiques (des rubans suspendus autour du cou) sont en train d’être développés et permettront aux employés d’accéder en temps réel à des informations concernant le niveau des stocks et aux offres. Ils seront ainsi à même de fournir un service de meilleure qualité et plus efficace aux clients. Virgin Atlantic a testé les Google Glass à l’aéroport de Londres-Heathrow afin de permettre aux employés de fournir un service plus personnalisé. Les Google Glass informent les employés du nom des passagers, du statut du vol, de la météo locale et d’événements se déroulant sur leurs lieux de destination, de même qu’elles traduisent les informations en langue étrangère.

Le développement des logiciels

L’intérêt dans la technologie portable a eu tendance à se polariser sur les équipements – ces montres, bracelets, lunettes… que les gens portent. Toutefois, il semble de plus en plus que le secteur connaisse un mouvement de concentration après la première phase d’appareils issus de nombreux fabricants arrivant sur le marché. Un analyste de Forrester a prévu que, d’ici quelques années, 80 à 90 % des marques actuelles auront disparu. Nike a fait une sortie remarquée du marché des équipements en 2014, et ce, en licenciant la plupart des ingénieurs travaillant sur son FuelBand. Nike concentre désormais ses efforts sur ses applications de fitness, telles que celles d’entraînement sportif Nike+ Training Club utilisées sur les appareils Apple et Android sans avoir besoin de posséder un objet connecté Nike. De même, la plate-forme de tracking d’activité physique et de santé Google Fit fonctionne sous Android sans avoir besoin de posséder un appareil Google spécial.

L’application HealthKit d’Apple est dotée d’un certain niveau d’intégration avec des appareils tiers, tels que RunKeeper. Pour autant, une totale intégration manque toujours à ce jour et semble être partiellement empêchée par la réticence des fabricants d’appareils à facilement permettre aux utilisateurs d’exporter des données vers une plateforme concurrente.

Toutefois, une telle réticence pourrait se révéler peu clairvoyante sur le long terme, dans la mesure où la plupart des personnes souhaiteront probablement ne pas devoir porter une myriade de différents appareils répondant à divers besoins. Combiner les capacités et différents logiciels dans un seul et même appareil apparaît plus prometteur sur le plan de l’utilité à long terme, d’où l’importance du développement des logiciels et des offres multi-plates-formes.

Une source de performance

La technologie portable se trouve confrontée à certaines barrières qu’elle doit encore surmonter : sécurité, laideur perçue des appareils ou encore réticence du public à être soumis à une surveillance technologique constante. PwC a récemment publié un rapport sur l’état du marché des « wearables » dans lequel des faits mettent en évidence l’existence d’une certaine opposition entre une possible utopie « wearable » – lorsque la technologie est harmonieusement intégrée dans la vie des êtres humains en améliorant leur vécu sur le plan de la santé, des loisirs et du travail – et une dystopie – lorsque ces mêmes êtres humains en viennent à peu apprécier l’intrusion des appareils et des sollicitations dans leurs vies. Comme PwC le fait observer, la « conception centrée sur l’humain » – orienter les capacités exclusivement vers l’expérience du client ou de l’utilisateur plutôt que de contraindre les utilisateurs à s’adapter aux exigences de leurs appareils – sera la clé du succès des « wearables ».

Beaucoup d’appareils actuellement sur le marché sont précisément dépourvus de cette dimension « centrée sur l’humain ».

Mais, il existe bel et bien des opportunités lucratives pour les investisseurs à même d’identifier les entreprises proposant des produits et services qui répondent au souhait des personnes en quête de progrès personnels et de divertissements sans pour autant que leurs appareils ne deviennent trop « insistants ».

Plus globalement, investir dans l’innovation est sans doute le meilleur moyen d’échapper à l’environnement de « stagnation séculaire » qui semble envelopper tous les pays de la planète, compte tenu de la dynamique négative liée à l’insuffisance de la demande/l’excès d’offre qui a des répercussions néfastes dans les autres secteurs des marchés actions, ainsi que de la faiblesse persistante des rendements obligataires. Des investissements judicieux dans des groupes innovants présents dans la technologie, la santé ou les médias – trois secteurs concernés par les « wearables » – pourraient être à l’origine d’excellentes performances au cours des prochaines années.

  • Mise à jour le : 24/10/2016

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