Comment réduire la valeur taxable à l’ISF d’une propriété de 6 millions d’euros ?

Par : edicom

Imaginez aux Issambres, sur la commune de Roquebrune-sur-Argens (Var) une villa d’« une surface pondérée de 943 m2 (surface utile de 711 m2) tenant compte de la superficie de la cave, du garage, de la piscine à débordement de 96 m2, et de la terrasse, située au sommet d'une colline jouissant d'une vue panoramique sur la mer et d’un jardin paysager (le tout sur un terrain de plus de 4 000 m2) ». Vous conviendrez aisément que cette propriété vaut environ 6 millions d’euros.

Un paradis fiscal bien français

Alors, est-ce par besoin de revenus ou pour combler leur solitude que les propriétaires louaient des chambres d’hôtes ? Sans doute pas. Leur motivation était moins louable, le couple propriétaire de la maison proposait des chambres d’hôtes pour réduire la valeur de sa propriété à l’ISF.

Ce couple avait ainsi obtenu de l'administration fiscale qu’elle retire de la surface de leur villa, pour le calcul de l'ISF, au titre des années 2004 à 2007, la surface de 270 m ² de locaux considérés comme professionnels affectés à une activité de location meublée.

Le litige entre le couple et le fisc porte sur les années 2008 à 2010. Le couple a-t-il poursuivi son activité de chambres d’hôtes et « oublié » de la déclarer ? ou alors a-t-il arrêté cette activité ?

Toujours est-il que l’administration fiscale reproche à ce couple de ne pas apporter la preuve de la poursuite de son activité de location de chambres d’hôtes. De fait, le fisc taxe alors « plein pot » à l’ISF la villa : « Aucun élément ne permet de considérer que celle-ci est toujours affectée à cet usage et que l'absence d'activité déclarée, de bilan et de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée ne permet pas de retirer cette superficie de l'assiette de l'ISF afférent aux années 2008 à 2010 ».

La Cour de cassation (chambre commerciale, 8 juin 2017, pourvoi n° 15-18676) confirme donc la décision de la Cour d’appel d'Aix-en-Provence du 24 mars 2015. Elle donne raison à l’administration fiscale : les époux faute d’activité de loueur en meublée prouvée ne peuvent pas réduire l’assiette taxable à l’ISF et déduire une partie de cette habitation comme étant utilisée à titre professionnel.

Les vertus anti-ISF des chambres d’hôtes

La location meublée de chambres d’hôtes permet de retirer de l’assiette taxable à l'ISF la surface affectée à ces locations, car il s'agit d'une activité professionnelle. Mais encore faut-il prouver la réalité de cette activité professionnelle en apportant la preuve que ces surfaces sont toujours louées.

Pour la petite histoire, les services fiscaux ont retenu pour la valeur ISF de cette villa des valeurs de 5 940 5 000 €, 6 072 000 € et 6 231 000 € selon la méthode des comparaisons et le fisc avait même cité une autre villa (certes légèrement plus grande) mise en vente à 6,8 millions d’euros.

Soyons « fair play », retenons une valeur totale de 6 millions d’euros et une surface totale pondérée de 943 m2, si on retire 270 m2 de locaux « professionnels », on réduit alors l’ISF de 28,6%, soit  1,7 million d’euros.

Si on fait le calcul sur la valeur utile de 711 m2, en imputant les 270 m2 de locaux « professionnels », on réduit alors l’ISF de 38 %, soit 2,28 millions d’euros.

Une niche fiscale pour l’IR

Les chambres d’hôtes possèdent aussi des vertus anti-impôt sur le revenu. Si vous louez des chambres d'hôtes, vous pouvez appliquer le régime micro-entreprise BIC lorsque vos recettes ne dépassent pas 82 800 € par an. Sur ces recettes, vous bénéficiez d'un abattement forfaitaire de 71 %, ce qui signifie que seuls 29 % sont imposés. D’autant que de nombreuses chambres d’hôtes sont payées en espèces…

Quand on sait que le législateur veut favoriser les entreprises, on comprend mal pourquoi les chambres d’hôtes bénéficient de tels avantages exhorbitants.

La décision de la Cour de cassation est disponible ici.

 

 

  • Mise à jour le : 11/07/2017

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