LMP : un statut fiscal si hybride

Par : edicom

Par Jacques Duhem et Stéphane Pilleyre, experts de FAC Jacques Duhem

Plusieurs textes fiscaux font référence à la notion de loueur en meublé professionnel (LMP). Mais attention, il y a LMP et LMP… Les experts de FAC Jacques Duhem en dressent un inventaire.

Le LMP au sens de l’article 155 du Code général des impôts (CGI)

L’article 155 du CGI traite des revenus professionnels et plus particulièrement de la possibilité d’imputer le déficit professionnel sur le revenu global.

A ce titre, le 1 du IV considère qu’une activité est professionnelle si elle «implique la participation personnelle, directe et continue à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité ».

Une limite existe à cette exigence s’agissant de la location meublée. Cette dérogation est développée au 2 du même IV.

Ainsi, « l'activité de location directe ou indirecte de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés est exercée à titre professionnel lorsque les trois conditions suivantes sont réunies :

1° Un membre du foyer fiscal au moins est inscrit au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueur professionnel ;

2° Les recettes annuelles retirées de cette activité par l'ensemble des membres du foyer fiscal excèdent 23 000 € ;

3° Ces recettes excèdent les revenus du foyer fiscal soumis à l'impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires au sens de l'article 79, des bénéfices industriels et commerciaux autres que ceux tirés de l'activité de location meublée, des bénéfices agricoles, des bénéfices non commerciaux et des revenus des gérants et associés mentionnés à l'article 62. »

Il apparaît que trois conditions doivent être respectées de manière cumulative.

Condition 1 : Inscription au RCS

Cette condition est malheureusement difficile à satisfaire car la location meublée n’est pas juridiquement une activité commerciale. L’inscription au RCS est donc a priori impossible.

Une récente QPC est venue rappeler ce principe.

Face à ces difficultés d’application, l’administration a prévu deux mesures palliatives :

- un formulaire de déclaration de début d’activité commerciale au sens fiscal : il s’agit du formulaire P0i ;

- une tolérance administrative qui permet d’obtenir le statut de LMP sans inscription au RCS, sous condition de fournir la preuve écrite du refus d’inscription (§80 du BOI-BIC-CHAMP-40-10).

Condition 2 : Volume des recettes

Par recettes, il convient d’entendre chiffre d’affaires. Le BOFiP précise qu’il s’agit du chiffre d’affaires TTC pour l’ensemble du foyer fiscal, avec un prorata temporis en début et fin d’activité.

Condition 3 : Prépondérance des recettes de location par rapport aux autres revenus

Il s’agit ici de comparer les recettes de la location meublée (donc le chiffre d’affaires) aux autres revenus professionnels pour leur montant net imposable. La comparaison porte donc sur un montant brut d’un côté (loyers issus de la location meublée) et un montant net de l’autre (les autres revenus professionnels).

A noter que parmi, les autres revenus, apparaît « le revenu dans les catégories des traitements et salaires au sens de l'article 79 ». Or cet article fait expressément référence aux « traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères ». Les retraites sont donc prises en compte lorsqu’il s’agit du statut de LMP au sens de l’article 155 du CGI.

LMP au sens de l’article 151 septies du CGI

Le I de l’article 151 septies dispose : « Les dispositions du présent article s'appliquent aux activités commerciales, industrielles, artisanales, libérales ou agricoles, exercées à titre professionnel. »

Le VII, quant à lui, dispose : « VII. – Les articles 150 U à 150 VH sont applicables aux plus-values réalisées lors de la cession de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés et faisant l’objet d'une location directe ou indirecte lorsque cette activité n’est pas exercée à titre professionnel. »

Il apparaît donc que le loueur en meublé non professionnel relève du régime des plus-values immobilières des particuliers, tandis que le professionnel, peut bénéficier du régime de l’article 151 septies.

Le bénéfice de ce régime était donc ouvert dès lors que les trois conditions prévues à l’article 155 du CGI étaient satisfaites.

Censure du Conseil constitutionnel : épisode 1

Le Conseil constitutionnel a été saisi afin de se déterminer sur la rédaction de l’article 151 septies dans sa version en vigueur du 31 décembre 2005 au 29 décembre 2008. A l’époque, le VII disposait :

« Les dispositions des articles 150 U à 150 VH sont applicables aux plus-values réalisées lors de la cession de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés et faisant l'objet d'une location directe ou indirecte par des personnes autres que les loueurs professionnels. Les loueurs professionnels s'entendent des personnes inscrites en cette qualité au registre du commerce et des sociétés qui réalisent plus de 23 000 euros de recettes annuelles ou retirent de cette activité au moins 50 % de leur revenu. »

Jusqu’en 2008, le statut de loueur en meublée professionnel faisait l’objet d’une définition dans l’article 151 septies. Cette définition était proche de celle donnée par l’article 155 du CGI.

Le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les mots « inscrites en cette qualité au registre du commerce et des sociétés» figurant à la seconde phrase du paragraphe VII de l’article 151 septies du CGI dans sa rédaction résultant de la loi du 30 décembre 2005.

La portée de cette censure est limité car elle concerne une ancienne version de l’article 151 septies qui n’est plus en vigueur aujourd’hui.

Censure du Conseil constitutionnel : épisode 2

Le Conseil constitutionnel a été saisi afin de se déterminer sur la rédaction de l’article 151 septies dans sa version en vigueur du 29 décembre 2008 au 1er février 2009. A l’époque, le VII disposait :

« Les articles 150 U à 150 VH sont applicables aux plus-values réalisées lors de la cession de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés et faisant l’objet d’une location directe ou indirecte lorsque cette activité n’est pas exercée à titre professionnel. L’activité de location directe ou indirecte de locaux d’habitation meublés ou destinés à être loués meublés est exercée à titre professionnel lorsque les trois conditions suivantes sont réunies :

1° Un membre du foyer fiscal au moins est inscrit au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueur professionnel ;

2° Les recettes annuelles retirées de cette activité par l’ensemble des membres du foyer fiscal excèdent 23 000 € ;

3° Ces recettes excèdent les revenus du foyer fiscal soumis à l’impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires au sens de l’article 79, des bénéfices industriels et commerciaux autres que ceux tirés de l'activité de location meublée, des bénéfices agricoles, des bénéfices non commerciaux et des revenus des gérants et associés mentionnés à l’article 62. »

Le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le mot « trois » figurant dans la seconde phrase du premier alinéa et le 1° du paragraphe VII de l’article 151 septies du CGI, dans ses rédactions résultant de la loi du 27décembre 2008 et de l’ordonnance du 30 janvier 2009.

Ici encore, la portée de cette censure doit être limitée car elle concerne une ancienne version de l’article 151 septies qui n’est plus en vigueur aujourd’hui.

Où en sommes-nous aujourd’hui ?

Le Conseil constitutionnel n’a censuré aucun texte en vigueur actuellement. Cependant, les arguments retenus pourraient être transposés aux dispositions de l’article 155 du CGI dans sa rédaction actuelle.

En l’état actuel :

Le LMNP :

- peut reporter le déficit non issu des amortissements sur les revenus de même nature pendant 10 ans ;

- relève du régime des plus-values immobilières des particuliers.

Le LMP :

- peut imputer le déficit non issu des amortissements sur le revenu global ;

- relève du régime des plus-values professionnelles et des régimes d’exonération associés.

Le législateur pourrait probablement purement et simplement supprimer l’exigence d’inscription au RCS dans la législation applicable en matière d’impôt sur le revenu.

LMP au sens de l’article 151 septies B du CGI

Cet article dispose : « Les plus-values à long terme soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies réalisées dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, sont imposées après application d'un abattement de 10 % pour chaque année de détention échue au titre de l'exercice de réalisation de la plus-value au-delà de la cinquième »

En d’autres termes, la plus-value long terme est totalement exonérée après 15 années d’affectation de l’immeuble par l'entreprise à sa propre exploitation.

Ce régime n’était pas ouvert au loueur en meublée professionnel jusqu’en 2016 car il n’exerçait pas fiscalement une activité commerciale (confère à ce titre le §210 BOI-BIC-PVMV-20-40-30 dans sa version antérieure au 5 mai 2017 : « Un bien est réputé affecté à l’exploitation lorsqu’il est utilisé dans le cadre de l’activité économique exercée par l’entreprise. […] Sont donc exclus du présent dispositif les immeubles de placement, c'est-à-dire les actifs immobiliers utilisés par les entreprises pour en retirer des loyers ou valoriser le capital. Tel est le cas par exemple des immeubles mis à disposition par un loueur en meublé, à titre professionnel ou non (cf. article 155-IV du CGI) »

Depuis le 1er janvier 2017, la location meublée est une activité commerciale au sens du 5°bis de l’article 35 du CGI. Dès lors, le loueur en meublé professionnel au sens de l’article 155 du CGI peut bénéficier de l’exonération prévue à l’article 151 septies B du même code. Le même paragraphe 210 du BOI-BIC-PVMV-20-40-30 précise désormais : « Sont donc exclus du présent dispositif les immeubles de placement, céest-à-dire les actifs immobiliers utilisés par les entreprises pour en retirer des loyers ou valoriser le capital.

Tel est le cas par exemple des immeubles mis à disposition par un loueur en meublé, à titre non professionnel (CGI, art. 155, IV). En revanche, lorsque l'activité de location en meublé est exercée à titre professionnel au sens du IV de l'article 155 du CGI, les locaux d'habitation meublés mis en location sont réputés affectés à l'exploitation. »

LMP au sens de l’article 975 du CGI: exonération d’IFI

S’agissant de l’IFI, la récente réponse ministérielle Vatin n°3510 JO Sénat 06/03/2018 traite des cas d’exonération pour l’immobilier. Bercy répond qu’il « ne paraît pas envisageable d’étendre cette exonération au-delà du cas de l’activité professionnelle principale du redevable prévu par l’article 975 du CGI »

Le I de l’article 975 du CGI dispose : « sont exonérés les biens ou droits immobiliers mentionnés au 1° de l’article 965 et les parts ou actions mentionnées au 2° du même article 965 représentatives de ces mêmes biens ou droits, lorsque ces biens ou droits immobiliers sont affectés à l’activité principale industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale des personnes mentionnées au 1° dudit article 965. »

Le V dispose : « V.-Pour l’application du présent article, les activités commerciales s’entendent de celles définies à l'article 966. »

Or cet article 966 considère comme activités commerciales les activités mentionnées aux articles 34 et 35, à l'exception de l'exercice par une société ou un organisme d'une activité de gestion de son propre patrimoine immobilier.

La location meublée apparaît donc exclue de l’exonération de l’article 975.

Cependant, une exception est prévue au second alinéa du V dudit article :

« […] est considérée comme une activité commerciale […] l’exercice d'une activité de location de locaux d’habitation loués meublés ou destinés à être loués meublés par une personne [physique], sous réserve :

- qu’elles réalisent plus de 23 000 € de recettes annuelles

- et retirent de cette activité plus de 50 % des revenus à raison desquels le foyer fiscal auquel elles appartiennent est soumis à l’impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l'article 62 »

Plusieurs remarques doivent être formulées ici :

- la condition d’inscription au RCS a été supprimée (elle était expressément prévue à l’article 885 R ancien du CGI, relatif à l’ISF) ;

- les deux conditions concernent la location en meublée exercée dans le cadre d’une entreprise individuelle (et non via une société telle que la SARL de famille) ;

- dans la prépondérance de la location par rapport aux autres revenus :

o C’est le revenu soumis à l’impôt sur le revenu qui est pris en compte donc le BIC net (et non les recettes prévues à l’article 155 du CGI)

o Les pensions et rentes viagères ne sont pas expressément mentionnées.

En cas d’exercice de l’activité au travers d’une société passible de l’impôt sur le revenu (SARL de famille notamment), l’exonération d’IFI peut être acquise si le propriétaire des parts exerce dans cette société son activité professionnelle principale. En pratique cette condition sera le plus souvent difficile à respecter.

Conclusion

Si par le passé le législateur a souhaité encourager le statut du loueur en meublé, il semble que désormais ses intentions soient plus restrictives. La quête du statut de LMP est donc complexe, et nécessite au cas par cas une analyse précise.

 

Prochaine formation consacrée à la location meublée le 5 avril

Le thème en sera « Location meublée : actualités, maîtrise et optimisation »  et elle sera menée par Stéphane Pilleyre et Jacques Duhem. Elle est éligible pour les obligations de formation des professionnels de l’immobilier.

Objectifs de la formation

Proposée longtemps comme un produit packagé dans des opérations de défiscalisation, la location en meublé a connu un vif succès. Au plan juridique la location en meublée est devenue une activité de plus en plus réglementée. La loi Alur apportant de nombreuses contraintes aux loueurs. De fréquentes difficultés pratiques apparaissent en matière d’opération de transmission et de définition du champ d’application du concept. Cette formation aura pour objectif d’actualiser les connaissances et d’aborder sous un angle pratique les difficultés d’application du régime.

Infos pratiques : à Paris, le 5 avril, de 9 heures à 17 h 30. Prix : 360 € (HT), 432 € TTC pour 7 heures de formation

Programme détaillé et inscription ici.

  • Mise à jour le : 30/03/2018

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