Les pays d’en haut

Par : Dominique De Noronha

Terres glacées, espaces polaires, zones de grand froid et d’hiver glacial ont toujours passionné Nicolas Vanier depuis son plus jeune âge. Ces terres d’en haut, comme il les surnomme, n’ont eu de cesse de l’attirer comme un aimant. Histoire d’un explorateur du froid.

Ecrivain, photographe et réalisateur, Nicolas parcourt depuis trente ans les régions du Grand Nord et nous fait partager sa passion pour les « pays d’en haut ». De ces multiples épopées au Canada, en Sibérie, en Mongolie, Chine, Alaska ou en Laponie, cet insatiable voyageur du froid a rapporté quantité d’images magnifiques et de passionnants témoignages.

Une obsession

Né à Dakar au Sénégal, Nicolas Vanier grandit dans la ferme familiale en Sologne, puis fait ses études au lycée agricole de Montargis. Personne autour de lui, ni parents ni amis ne sont attirés par ces immenses paradis blancs. « Enfant déjà, face à une carte du monde, c’est en haut que je regardais. Plus tard, lorsque j’ai commencé à savoir lire, je ne dévorais que du Jack London, du James Fenimore Cooper, du Paul-Emile Victor, les récits de Sir Ernest Shackleton et d’autres explorateurs du siècle dernier. Le cinéma ? J’ai revu dix fois Jeremiah Johnson, Dersou Ouzala ».

Alors il n’aura de cesse d’y aller, par tous les moyens possibles : « J’ai pris le train à la gare du Nord à Paris et n’en suis descendu qu’à la dernière gare, au-delà du cercle polaire arctique : Kiruna. Le voyage ne coûtait presque rien à l’époque : 200 francs pour un pass valable deux mois, partout en Europe. A Kiruna, sac au dos, je suis parti à la rencontre du Grand Nord et des éleveurs de rennes de Laponie. Dès le premier regard, je suis tombé amoureux de ces pays d’en haut qui m’avaient tant fait rêver enfant. Finis les rêves, je voulais désormais les réaliser ! »

L’été suivant, à dix-huit ans, après un dur labeur de docker pour se constituer quelques économies, direction le Canada pour traverser, en compagnie de trois copains et en canoë, la péninsule du Nouveau-Québec Labrador.

Partir, toujours et encore

Tout est prétexte pour partir : petits reportages, rédaction de livres, vente de petits articles à des journaux, réalisation de photos… L’idée de pouvoir vivre de ses expéditions fait lentement son chemin et s’impose comme une évidence, même si les débuts sont durs et les poches souvent vides. « J’ai fait de mes rêves et de ma vie mon parcours professionnel. Aussi loin que remontent mes souvenirs de gamin, j’ai toujours été dans l’attente de pouvoir partir, toujours pensé ma vie d’adulte comme une succession de voyages dans le Grand Nord. » 

Avec plus de quarante livres publiés, près de vingt expéditions et autant de films, Nicolas Vanier aura toute sa vie sillonné en canoë, avec des rennes et bien sûr des chiens de traîneau l’Arctique, la Sibérie, la Laponie, la Mongolie, la Chine, l’Alaska. Après les expéditions l’Odyssée blanche et l’Odyssée sibérienne, Nicolas a terminé sa trilogie en réalisant L’Odyssée sauvage. Pendant l’hiver 2013-2014, il se lance avec cette nouvelle traversée un challenge inédit : parcourir avec ses dix chiens les territoires les plus sauvages de la côte Pacifique de la Sibérie, jusqu’aux rives gelées du lac Baïkal, en passant par la Chine et la Mongolie, soit près de six mille kilomètres en moins de trois mois !

Le film sorti en 2014 fait un succès d’audience avec six millions de téléspectateurs fascinés par la découverte des paysages, des hommes et, bien sûr, des « p’tits chiens », comme il se plaît à les appeler.

Otchoum, le chien fondateur

Otchum était un jeune laïka né sur les berges du lac Baïkal en Sibérie. Il est devenu l’un des plus grands chiens de traîneau que le Grand Nord ait vu courir sur ses glaces. Chef de meute de l’attelage de Nicolas Vanier, ils ont traversé ensemble toute la Sibérie, puis la Laponie et la péninsule de Kola. En famille, avec une petite fille d’un an et demi, Nicolas Vanier et Otchum ont voyagé durant un an sur la piste de Jack London dans les montagnes Rocheuses du Grand Nord canadien jusqu’en Alaska. Un vrai tour du monde des solitudes glacées, qui s’arrêtera tragiquement par le décès du chien, en pleine force de l’âge et dont la perte émeut vivement le musher. « C’est le chien d’une vie », confie l’aventurier. Voulk, le fils d’Otchum, est formidable aussi : « Il a traversé le Grand Nord canadien, avec Norman et moi, l’Alaska, la Laponie jusqu’en Russie, il a remonté toutes les montagnes Rocheuses canadiennes depuis la Colombie-Britannique jusqu’à Dawson, bouclé la Yukon Quest, la course de traîneaux à chiens la plus dure du monde, de Whitehorse jusqu’à Fairbanks. Il a même traversé les Carpates roumaines, galopé sur les pistes du Jura ou des Alpes, traversé de part en part et un peu dans tous les sens le nord du Québec. Il est avec Otchum, son père, un chien qui aura marqué ma vie, qui l’aura accompagnée durant treize ans d’aventures incroyables ».

Aujourd’hui, ce sont les arrière-arrière-petits-enfants d’Otchum qui composent la meute, dont la célèbre chienne Burka, déjà maman de chiens très prometteurs. « Je partage avec mes chiens une passion commune : courir et voyager à travers les immensités blanches. C’est de ce partage que naît l’incroyable complicité qui nous permet de réaliser des exploits inouïs ! », confie Nicolas Vanier.

On the « rod » again

Mars 2017 : objectif l’Iditarod… Longue de près de 1 800 km, l’Iditarod est la plus grande et la plus célèbre course de traîneaux à chiens, et rassemble, chaque année, sur la ligne de départ les meilleurs attelages du monde. Cette course est un hommage à un exploit réalisé en 1925 par vingt équipes de chiens de traîneau. A l’époque, une épidémie de diphtérie menaçait la ville de Nome, en Alaska. Le blizzard et la température empêchant tout envoi de médicaments par avion ou par bateau, ce sont des équipages de chiens de traîneau qui se sont relayés pour apporter le « sérum » guérisseur et ainsi sauver la population malade. Cette course de traîneaux à chiens, appelée aussi route du sérum ou course de la miséricorde, commémore cet exploit. « Se hisser sur le podium lors d’une première participation relève de l’exploit que peu de mushers ont réalisé, surtout pour un Européen. C’est mon objectif, car mes chiens sont capables de rivaliser avec les meilleurs. Ils l’ont prouvé lors de la Yukon Quest », affirme Nicolas Vanier.

Allez les p’tits chiens !

  • Mise à jour le : 27/06/2016

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