Proxinvest, le gage de la bonne gouvernance

Par : Benoît Descamps

Loïc Dessaint, directeur général de Proxinvest, nous expose le rôle joué par sa société dans l’amélioration de l’efficience des relations entre les investisseurs et les managements des sociétés cotées. Une mission – ô combien importante – qui a pris de plus en plus de poids au fur et à mesure du temps.

Profession CGP : Pourriez-vous nous préciser qu’est-ce que Proxinvest ?

Loïc Dessaint : Proxinvest est né en 1995 de la volonté de Pierre-Henry Leroy d’accompagner les investisseurs dans leurs votes aux assemblées générales ordinaires ou extraordinaires de sociétés cotées et plus particulièrement les résolutions proposées en termes de gouvernance, de rémunération des dirigeants, de nomination d’administrateurs. Nos services sont utilisés par des sociétés de gestion et des investisseurs institutionnels pour faciliter leur dialogue d’actionnaires avec les émetteurs et encourager ceux-ci à résoudre leurs conflits d’intérêts et accroître leur transparence.

Proxinvest est également une société de conseil aux investisseurs sur leur politique d’engagement et d’exercice des droits de vote, c’est-à-dire que nous les accompagnons dans leur démarche actionnariale et dans la définition de leur politique de vote. Par exemple, il peut s’agir de signaler des décisions de distribution de court terme qui fragilisent la santé financière d’une entreprise, comme cela a été le cas pour Casino ces dernières années. Dans cet exemple précis, il existait un conflit d’intérêts avec le dirigeant majoritaire de l’entreprise qui, alors qu’il était fortement endetté, a mené une politique de distribution contraire aux intérêts des autres actionnaires.

Depuis 2001, Proxinvest fait également partie d’un réseau européen. En effet, nous sommes cofondateurs et Managing Partner du réseau Expert Corporate Governance Service (ECGS) qui définit et partage des principes de gouvernance et de vote communs qui sont ensuite ajustés aux spécificités locales, ce qui offre une couverture de plus de 85 % de la capitalisation boursière flottante des marchés développés européens. Proxinvest est également membre fondateur de l’International Corporate Governance Network (ICGN), organisme rassemblant les grands investisseurs d’une cinquantaine de pays. Proxinvest accompagne l’investissement socialement responsable depuis sa création, et est membre et administrateur du FIR (Forum pour l’investissement responsable).

De manière chiffrée, Proxinvest et notre réseau ECGS ont analysé les résolutions de sept cent vingt-deux sociétés, dont trois cents françaises cotées en 2019. Nos clients aux actifs cumulés supérieurs à 3 500 milliards d’euros sont des sociétés de gestion comme Amundi, BNP Paribas AM, Groupama AM, Ofi AM, Axa IM, mais aussi des institutionnels comme l’ERAFP, l’Ircantec, AG2R La Mondiale, Humanis… Notre équipe se compose en saison d’assemblées générales d’une trentaine d’analystes, dont la moitié pour la France.

Proxinvest a la particularité de refuser toute activité de conseil rémunérée par une entreprise analysée. De plus, la société est totalement indépendante, ce qui nous permet de nous engager dans des discussions de place, comme celles concernant l’activisme actionnarial ou la rémunération des dirigeants. En effet, notre fondateur détient la majorité du capital de Proxinvest (57 %), j’en détiens 13 %, notre partenaire suisse Ethos Services 17 % et les collaborateurs le solde.

Justement, à l’automne dernier, l’actionnariat de Proxinvest a fait parler…

L. D. : Oui, il existe un sujet autour de notre actionnaire fondateur qui devrait évoluer. Il s’agit d’un enjeu de place fort, à savoir la nécessité de préserver des acteurs européens dans un secteur à dominante anglo-saxonne. Les pratiques de gouvernance sont en effet différentes d’un pays à l’autre. On peut citer l’exemple de la rémunération des dirigeants qui, aux Etats-Unis, est très élevée, alors qu’en Europe les pratiques sont différentes et davantage encadrées. Par exemple, l’attribution d’actions gratuites sans condition de performance, courante aux Etats-Unis, semble inacceptable selon nos standards européens.

Au fil des années, votre rôle a nécessairement évolué…

L. D. : Tout à fait. Avant notre création, les questions de vote aux assemblées générales n’étaient pas traitées. Les investisseurs donnaient pouvoir au président, sans chercher à aller plus loin. La gouvernance était également assez obscure avec des sociétés tenues par « l’establishment » – les banques, les créanciers, l’Etat, etc. – et beaucoup de participations croisées… Puis, dès 1997, en compagnie de l’AFG, nous avons accompagné les sociétés de gestion de portefeuille dans la définition de leurs principes sur la gouvernance d’entreprise en nous basant sur le principe : « bien gérer, c’est aussi bien voter ». Cette démarche a été notamment initiée en précurseurs par trois des principaux asset managers de la Place, mais il faut bien reconnaître qu’elle était non contraignante… A cette époque, la prise de conscience portait davantage sur des aspects financiers, à savoir les questions de dilution ou de fusion, ce jusqu’au début des années 2000.

A la fin des années 1990, un autre élément déclencheur de la prise de conscience des investisseurs européens de leur intérêt à voter en assemblée générale a été la généralisation du vote par les fonds de pension US : la Place a alors pris conscience du sujet de souveraineté induit.

Puis la matière a évolué avec l’émergence de l’investissement socialement responsable, les PRI des Nations unies, l’apparition de différentes crises sur certaines valeurs : Vivendi, Parmalat, Enron… et de différentes lois, notamment la loi de sécurité financière de 2003. En effet, jusqu’à cette époque, les grands dirigeants étaient rarement challengés.

Après la crise du début des années 2000, chez les gérants actions, définir une politique et un périmètre de vote était devenu incontournable. Nous avons alors accompagné les sociétés de gestion dans la définition de leur politique de vote et le suivi afin d’assurer une cohérence et une conformité sur l’ensemble de leurs portefeuilles. Proxinvest a donc été un compagnon de route pour les gérants.

La gouvernance est d’abord une question de confiance. Les lacunes de commissaires aux comptes et de conseils d’administration ont nécessité la mise en place d’un contrôle externe. Proxinvest assume cette mission sans conflit d’intérêts, car nous ne sommes pas rémunérés par les entreprises cotées. Ce n’est pas toujours le cas, notamment chez les Anglo-Saxons qui fournissent également une prestation rémunérée de conseil aux entreprises dont elles jugent également la gouvernance… Cette muraille de Chine est essentielle pour nous. Proxinvest contribue donc à l’efficience des marchés financiers qui même s’ils restent imparfaits s’appuient sur la notion de transparence. Une notion qu’on ne retrouve d’ailleurs pas sur le marché du Private Equity, un marché de gré à gré, donc moins efficient.

La gouvernance est désormais un point central dans la décision des investisseurs.

L. D. : Tout à fait : une bonne gouvernance est le gage du bon comportement d’une entreprise sur le long terme. Auparavant, selon le néolibéralisme, la mission de l’entreprise était exclusivement de gagner de l’argent. Cette vision est désormais passée : l’entreprise doit prendre en compte ses actionnaires, mais aussi l’ensemble des parties prenantes – clients, fournisseurs, la communauté… – pour développer un projet devenu global. Désormais, l’entreprise n’est plus dissociable de son écosystème. La gouvernance est désormais devenue un risque pour tout investisseur : le gérant doit pouvoir l’analyser et être en capacité de communiquer à ce sujet auprès de ses investisseurs, mais aussi avec le management de la société concernée. Par exemple, pour LVMH dont le parcours boursier est exemplaire, la succession de Bernard Arnault est, selon nous, un risque, et c’est de la responsabilité des actionnaires de le lui rappeler.

Pour l’entreprise, avoir une bonne gouvernance est synonyme de performance : une entreprise qui suscite la confiance des investisseurs réduit le coût de son capital. Dans le cas contraire, les investisseurs sélectionneront une autre entreprise.

Quels changements pouvez-vous noter dans le comportement des entreprises ?

L. D. : Proxinvest observe une évolution des conseils d’administration avec l’apparition de profils qui n’existaient pas auparavant. Ces conseils d’administration sont désormais davantage ouverts vers l’extérieur. Par exemple, chez Total a été nommé un ex-directeur général de l’Agence internationale de l’énergie. Côté ressources humaines, il y a encore beaucoup de travail à fournir : au sein des conseils d’administration, ces enjeux ne se résument pas qu’à la masse salariale ! Les entreprises doivent aussi communiquer en matière de formation de satisfaction des collaborateurs, de turnover. En matière de rémunération des dirigeants, de nouveaux critères extra-financiers sont de plus en plus intégrés.

Que proposez-vous aux cabinets de conseil en gestion de patrimoine ?

P. S. : Si nous sommes bien connus et reconnus par les sociétés de gestion de portefeuille, nous restons méconnus des conseillers en gestion de patrimoine. Or, un renforcement de l’activisme des CGP et de leurs clients va dans le sens de l’histoire. Il s’agit d’une tendance de fond portée par la directive européenne Droit des actionnaires de juin 2019 qui se diffuse auprès de tous les acteurs.

En accédant à nos services, ils peuvent éveiller l’intérêt de leurs clients et engager une discussion sur des sujets qui font la Une des journaux. On pense, ici, à des actualités comme celles autour de Renault, de Casino… Notre proposition de valeur vient compléter leur information, accroître leur capacité à anticiper certains problèmes et élargir leur champ d’expertise pour dialoguer davantage avec leurs clients, notamment ceux qui détiennent un compte-titres ou un PEA et qui investissent en lignes directes.

Pour la partie OPC, les CGP peuvent améliorer leur dialogue sur les reporting. En effet, les sociétés de gestion devront communiquer désormais sur leurs votes pour chaque résolution. Avec nous, ils développent une compétence autre autour de l’ESG à l’heure où leurs clients souhaitent donner du sens à leurs investissements.

  • Mise à jour le : 29/01/2020

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