Non à l'encadrement des rémunérations en immobilier défiscalisant

Par : edicom

Un amendement d'Albéric de Montgolfier, sénateur membre de la commission des finances, visant à limiter par décret les frais d’intermédiation de biens immobiliers défiscalisants a été intégré à l’article 68 de la loi de finances 2018 et a provoqué l’indignation des professionnels de l’immobilier et du patrimoine.

Cet amendement est rédigé ainsi : « Le montant des frais et commissions directs et indirects imputés au titre d’une même acquisition de logement ouvrant droit à la réduction d’impôt prévue au présent article par les personnes physiques ou morales exerçant, au titre de l’acquisition, une activité de conseil ou de gestion au sens de l’article L. 321-1 du code monétaire et financier, un acte de démarchage au sens de l’article L. 341-1 du même code ou une activité d’intermédiation en biens divers au sens de l'article 550-1 du même code ou qui se livrent ou prêtent leur concours à l’opération au sens de l’article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce ne peut excéder un plafond exprimé en pourcentage du prix de revient et fixé par décret. 
Tout manquement à ces interdictions est passible d'une amende dont le montant ne peut excéder dix fois les frais indûment perçus ». 

L’objectif de cet amendement est « d'encadrer le montant des frais et commissions susceptibles d'être imputés par les intermédiaires dans le cadre d'opérations d'acquisition de logements ouvrant droit à la réduction d'impôt sur le revenu "Pinel". En effet, il existe un risque, pour ce type de dispositif incitatif, que l'avantage fiscal soit en partie capté par les intermédiaires, qu'il s'agisse des agents immobiliers, des personnes réalisant des actes de démarchage, exerçant une activité de conseil ou de gestion voire d'intermédiation en biens divers. En conséquence, sur le modèle du dispositif anti-abus adopté sur le dispositif « ISF-PME » à l'article 885-0 v bis du code général des impôts, le présent amendement propose de fixer un plafond pour ces frais et commissions, qui serait exprimé en pourcentage du prix de revient et fixé par décret ».

Le 3 janvier dernier, l’Anacofi réagissait avec virulence contre cet amendement : « C’est avec surprise que nous avons découvert que cet amendement, après avis favorable du gouvernement, avait été voté par le Parlement et intégré en tant que l’article 68 dans la loi de finances. Justifié par la nécessité d’encadrer la rémunération de tous les intermédiaires proposant des solutions “en loi Pinel”, afin d’éviter que l’avantage fiscal ne soit “capté” par ces intermédiaires, le texte va jusqu’à faire l’amalgame entre des intermédiaires légaux dont sont tous nos membres et des intermédiaires “en biens divers”, légalement non habilités à agir. Il en découle que la représentation nationale a donc confié à l’exécutif la mission d’encadrer les rémunérations d’acteurs légaux et utiles, auxquels il est actuellement demandé de collaborer, en vue de permettre le bon financement de l’économie et ce, au motif des agissements d’acteurs ne respectant pas les lois votées par la représentation nationale et nous concurrençant déloyalement.
Nous notons par ailleurs la notion de plafond déterminé au regard du “prix de revient”, sans bien comprendre ce que cela signifie. Nos professionnels de la gestion de patrimoine non liés à des fabricants, dont l’Anacofi représente environ 50%, intermédient près de 40% des biens neufs et 10% des actifs immobiliers/fonciers. Ils ont fait l’effort d’améliorer massivement la qualité des prestations servies en matière de défiscalisation, comme la jurisprudence le démontre sans ambiguïté. Nos professionnels ont créé un éco système puissant et efficace, intégrant des compétences en immobilier, banque, assurance, finance et droit, au service de ce pays. Ils ont réussi à devenir l’un des rares domaines dans lesquels la France a su bâtir un modèle devenu leader en Europe, au prix toutefois de lourdeurs administratives, réglementaires et de coûts nouveaux et toujours plus nombreux pour les entreprises, TPE et PME et ETI qui constituent notre écosystème. Toute baisse du niveau moyen de commissionnement de nos membres, de fait aujourd’hui loin des extrêmes du passé, entrainera la destruction d’une partie des prestations à valeur ajoutées qu’ils livrent aux consommateurs et épargnants. Au moment même où on nous annonce la plus gigantesque réforme de nos métiers pour 2018, pour laquelle nous travaillons depuis des années à nous préparer, qu’on nous demande de participer à l’effort de la Nation et dans le même temps qu’on nous annonce des baisses de rémunération unitaires en finance, assurance et probablement crédit, pour cause de nouvelles interdictions ou d’encadrements de rémunérations dans tous ces domaines du fait de textes européens, cet encadrement franco-français d’actes d’intermédiation immobilière, décidé pour des motivations qui ne nous concernent en rien, provoque chez nous une claire et forte déception. Déjà nos principaux membres en chiffres d’affaires se mobilisent et nous sommes en relation avec les associations et syndicats historiques de l’intermédiation immobilière, dont il se confirme que, comme nous, aucun n’avait été même invité à donner un avis. Nous appelons donc le gouvernement et la représentation nationale à se saisir de ce dossier et demandons une rencontre dans les plus brefs délais avec le ministre de l’Economie et des Finances et les présidents des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, afin d’éclaircir la situation, de trouver une solution et que ce type d’accident dommageable pour tous soit évité à l’avenir. Nous invitons naturellement les autres associations de CGP à se joindre à notre initiative et à notre réaction. »

Philippe Loizelet, président de l’ANCDGP (Association nationale des conseils diplômés en gestion de patrimoine) a également manifesté son incompréhension vis-à-vis de l’adoption de cet amendement :

« Je rejoins, en partie, les déclarations de Monsieur David Charlet, sur la curiosité de cet article qui, sans aucune concertation, vise à limiter les frais et honoraires, directs ou indirects, liés à une acquisition d’un logement éligible au dispositif Pinel.
En effet, outre qu’il fait l’amalgame entre des professionnels ayant l’obligation de transparence quant à leur rémunération et ceux qui n’y sont pas obligés, je relève que les frais et honoraires sont ainsi plafonnés, mais que seuls les frais servent d’assiette au calcul de l’amende.
Qu’encore une fois, en voulant protéger l’investisseur, le surplus de frais et honoraires n’est pas rétrocédé à cet investisseur, mais « capté » par l’Etat, en sus de la TVA liée à l’opération, y compris sur les frais de commercialisation.
En pratique, je suis curieux de voir comment l’Etat va déterminer par décret le montant plafond des frais et honoraires liés à l’opération d’acquisition en tenant compte de la spécificité locale du marché ou est situé le bien (par zone ?), de la cascade d’intermédiaires, des liens capitalistiques entre monteurs, promoteurs et commercialisation.
Au-delà, je relève que la marge du constructeur est sauvegardée de ce dispositif, que le réseau de distribution intégré au promoteur ou monteur du produit n’aura pas à préciser clairement ces mêmes frais et honoraires, seuls les réseaux de distribution indépendant du monteur seront assujettis à ce plafond.
Si le projet semblait louable de limiter les appétits des commercialisateurs de produits immobiliers dont l’acquisition est motivée par ce même législateur, dans des zones dites tendues en termes d’offres de logement, le tout sous une fiscalité et des prélèvements alourdis par cette même Loi de Finances, s’agissant des revenus fonciers, la solution n’aurait elle pas été plus efficace de prévoir une note d’information sur le prix moyen constaté à surface égale dans le secteur où il est proposé d’investir.
Le législateur aurait certainement gagné à s’enquérir auprès des associations professionnelles des moyens de limiter les abus que celles-ci n’ont eu de cesse de l’informer depuis plusieurs années.
Dommage… »

 

  • Mise à jour le : 05/01/2018

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