Stéphane Vidal (Apeci) : « Le client est-il prêt à payer des honoraires ? »

Par : edicom

Par Stéphane Vidal, président de l'Apeci

Selon le panorama de l’activité des CIF publié par l’AMF en décembre 2017 (nous attendons avec impatience la nouvelle version pour dégager des tendances de marché), la rémunération des CIF « haut de bilan » est basée sur un modèle par honoraires qui représentent 81 % de leur rémunération totale, dont une part significative, soit 73 %, est sujette au succès de l’opération projetée (success fees). Pour le conseil aux investisseurs institutionnels et société de gestion, la part d’honoraires est de 53 % versus 47 % en rétrocessions.

Pour les CIF CGP enfin, les rétrocessions de droit d’entrée et de frais de gestion annuels représentent respectivement 56 et 35 % soit au total plus de 91 % de leur rémunération, donc seulement 9 % en honoraires.

On voit donc une grande maturité des clients sur les segments de conseil haut de bilan et de conseil aux investisseurs institutionnels pour la rémunération en honoraires. A contrario, les épargnants qui cherchent des solutions d’épargne, et en tous les cas leurs CGP CIF, ne semblent pas à ce jour réellement enclin à la facturation en honoraires.

Y a-t-il une raison à cela ?

On connait déjà bien les aspects psychologiques et la culture française, qui représentent un frein important à la facturation d’honoraires.

Mais on oublie parfois que le système des commissions est très favorable aux petits et moyens épargnants. En effet, un système de paiement via rétrocession est très solidaire. De nombreux clients des CGP, qui n’intéressent pas les banques privées en raison de leur faible volume d’épargne et de patrimoine, seraient grandement pénalisés par une facturation forfaitaire voire, ne pourrait accéder au service. Pour un investissement de 20 000 euros, si les droits d’entrée sont de 3 %, cela représente 600 euros. Pour établir un bilan patrimonial comme il se doit et proposer une vraie recommandation personnalisée, les conseillers se déplacent deux à trois fois et passent souvent plus d’une journée de travail. Cela reviendrait bien plus cher que les 600 euros cités.

A ceci s’ajoute la pression fiscale qui viendrait de fait soit augmenter les prix soit réduire la rémunération du conseiller et probablement un mélange des deux. En effet, si les rétrocessions sont exonérées de TVA, ce n’est pas le cas pour les prestations de services facturées en honoraires.

Mais attention…

La facturation d’honoraires est un réel enjeu pour les CGP en raison du risque d’évolution de la réglementation.

MIF 2 a déjà introduit la notion d’indépendance, qui interdit les rétrocessions pour les CGPI. Il sera intéressant de voir combien ont choisi ce statut d’indépendant et l’évolution de ce chiffre. A ce jour, il semble que moins de 10 % aient fait le choix du « I » et abandonné le système de rétrocession.

On rappellera aussi un sujet essentiel : la valorisation des fonds de commerce qui est aujourd’hui directement liée au montant des rétrocessions de commissions perçues.

La facturation d’honoraires est cependant un enjeu car les évolutions de la société peuvent pousser à toujours plus de transparence (yuka - on veut savoir ce qu’on mange) toujours plus de justesse et anti gaspillage : je sais ce que je veux acheter et je ne veux que cela - on a déjà vu les interdictions de ventes groupées. Aujourd’hui cela pourrait pencher sur une facturation à l’acte avec un tarif connu - et aller contre un système de rétrocession qui englobe tout un ensemble de prestations.

Conclusion

Attention, dans la réalité, si le client paye des frais qui servent aux rétrocessions, un aspect fondamental est que ce système permet également aux producteurs de solutions d’épargne de payer l’accès à un réseau commercial.

Dans un système d’industrie classique, des personnes fabriquent des vêtements par exemple et les distributeurs les achètent pour les revendre plus cher afin de dégager une marge. Il existe également souvent tout un système de marges « arrière » avec des remises complémentaires versées en fin d’année ou la participation des industriels à des dépenses marketing. Ce système semble difficilement transposable à l’industrie financière et surtout est-ce souhaitable ?

Mais il faudra bien que la commercialisation soit rémunérée, afin que les épargnants aient accès à de bonnes solutions et à un bon niveau de prestation de service, de conseil et de suivi.

Verra-t-on alors en parallèle du paiement des honoraires par les clients se développer un système de prestation de service ou de délégation de la commercialisation avec des contrats rémunérés entre les producteurs et les distributeurs ?

Une chose est certaine, facturation d’honoraires ou rétrocessions, il faut s’engager dans le service client, apporter plus de valeur ajoutée. Il faut accompagner globalement l’épargnant y compris dans la compréhension des produits, des services et des concepts financiers.

 

  • Mise à jour le : 15/11/2018

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