Élections européennes : implications et conséquences

Par : edicom

Par John Plassard, consultant Cambridge Securities pour Mirabaud Securities

Vous n’êtes pas sans savoir que le premier tour des élections européennes ont lieu depuis jeudi 23  mai partout dans l’Union européenne (UE). Si certains pensent que ces élections n’auront pas d’influence sur l’avenir de la politique ou de l’économie, ils ont tort. L’histoire récente nous a appris qu’il pouvait y avoir des implications directes et indirectes très importantes. Synthèse, analyse et éclairage.

Les faits

Du 23 au 26 mai 2019, les citoyens de toute l'Europe élisent leurs représentants au Parlement européen. Des députés dont la tâche sera de bâtir, ces 5 prochaines années, les textes de loi appliqués par les États de l'Union européenne. En France, le vote aura lieu le dimanche 26 mai.
Emploi, climat, immigration, libre-échange, alimentation… l'impact de ces élections sera bien sûr déterminant pour l'ensemble des politiques européennes. Mais le scrutin peut aussi, sur fond de montée des extrêmes, avoir des conséquences fondamentales sur l'avenir de l'Europe et de ses valeurs.
Seule institution de l'Union européenne élue directement par les citoyens, le Parlement européen est actuellement composé de 751 députés. Il exerce trois pouvoirs fondamentaux : législatif, budgétaire et contrôle politique. Actuellement, 8 groupes politiques y sont représentés, de l'extrême gauche à l'extrême droite.

Que disent les sondages ?

Selon l’IFOP, au 20 mai, en comptabilisant les intentions de vote britanniques, les agrégats de sondages nationaux (réalisés par Poll of Polls - Politico) donnent les chrétiens-démocrates du PPE en tête de la future assemblée (22,3 % des sièges), devant les sociaux-démocrates du S&D (environ 19,5 %), les libéraux de l'ADLE (environ 14 %), les trois groupes de la droite eurosceptique voire europhobe (entre 6,5 et 9,7 % chacun), les écologistes (environ 7,3 %) et la gauche radicale (environ 6,8 %). Pour la première fois depuis vingt ans, les deux principaux groupes, à savoir le Parti populaire européen (PPE) et l’Alliance progressiste des socialistes & démocrates (S&D) pourraient ne pas disposer de la majorité à eux deux.
Le PPE pourrait représenter moins d'un quart du futur hémicycle (168 sièges), contre 29% lors de la mandature 2014-2019. Une perte de vitesse liée au recul des partis traditionnels en France (Les Républicains ne sont crédités que de 13,5% des voix dans les derniers sondages, contre près de 21% en 2014), en Allemagne (Angela Merkel a lâché les rênes de la CDU après plusieurs revers électoraux en 2018), ou encore en Italie (à la faveur des nationalistes et des populistes qui composent l'actuelle coalition gouvernementale).
Enfin, porté par l'envolée du Brexit Party de Nigel Farage et une légère progression du Mouvement 5 étoiles, l'actuel groupe europhobe Europe de la liberté et de la démocratie directe (ELDD) passerait de 42 à 49 sièges, soit 6,5 % de l'hémicycle.
À l'extrême droite, les 36 sièges du groupe Europe des Nations et des Libertés (ENL) disparaîtraient quant à eux au profit d'une nouvelle alliance lancée en avril par Matteo Salvini, le chef de la Ligue. Alors que la quasi-totalité des sièges du Ukip britannique serait récupérée par le Brexit Party, la nouvelle alliance représenterait 9,7 % du prochain hémicycle (73 sièges), notamment grâce à la popularité du Rassemblement national en France et de la Ligue en Italie. Elle a également été rejointe par les Vrais Finlandais (actuellement membres des CRE), le Parti populaire danois (CRE), le Parti populaire conservateur d'Estonie, le FPÖ autrichien (ENL) et l'AfD allemande (ELDD).
Au total, les partis eurosceptiques et europhobes pourraient ainsi obtenir plus de 179 élus sur 751, soit 23,8% de l'hémicycle. Reste à savoir s’ils seront capables de se rassembler au sein d’un seul groupe ou s’ils resteront éparpillés entre plusieurs formations.

Que s’est-il passé en 2014 ?

Lors des élections de 2014. 388 millions d’électeurs ont élu leurs 751 représentants au Parlement européen.
Le vote n’a pas modifié l’équilibre général de l’assemblée. Les conservateurs du Parti Populaire européen (PPE) sont restés la première force du Parlement avec 212 élus. Les socialistes sont arrivés deuxièmes avec 186 sièges. Les libéraux démocrates ont obtenu 70 sièges, les écologistes 55 et la gauche radicale 43 sièges.
Le vote a été marqué par une abstention record.
En Allemagne, en Autriche, en Pologne, en Hongrie et en République tchèque, les élections ont été remportées par les partis au pouvoir. C’est aussi le cas en Italie et en Espagne. Au Portugal, la coalition de centre droit au pouvoir a été sanctionnée, mais c’est le parti socialiste qui est arrivé très largement en tête, alors que la gauche radicale n’a fait que 5% et l’extrême droite était absente du scrutin.
C’est pourtant la victoire des partis eurosceptiques dans trois pays, la France, le Royaume-Uni et le Danemark, qui a retenu l’attention. Le Parlement européen a accueilli 140 députés europhobes, soit 90 de plus que sous la mandature précédente. Un tiers des eurodéputés français viennent du Front national. Le parti de l’indépendance du Royaume-Uni, UKIP, a gagné un tiers des sièges britanniques.


 
En Italie, le mouvement contestataire de Beppe Grillo a remporté 20 sièges. De nouveaux partis souverainistes ont fait leur entrée au Parlement européen, comme le parti allemand anti-euro Alternative pour l’Allemagne. En Grèce, l’extrême gauche contestataire Syriza est arrivée en tête, et le parti néonazi Aube dorée était troisième avec 9%.

Les implications : Le cas d’école du Brexit

Historiquement, les élections (en général) n’ont pas beaucoup d’impact sur l’économie ou les marchés financiers. Cependant, il y a des conséquences indirectes qui peuvent être fortes. Les élections européennes de 2014 en sont un bon exemple.
En effet, lors de ces élections, en Grande-Bretagne, l’Ukip a obtenu le plus grand nombre de voix de tous les partis du pays, ce qui a eu pour conséquence de mettre la pression sur l’ancien premier ministre David Cameron, en le poussant à promettre un référendum sur l'adhésion à l'Union européenne (UE). Ceci a débouché sur une victoire conservatrice (alors que la voie pour les travaillistes était toute tracée), puis à un référendum européen qui a produit un résultat « inattendu », conduisant le pays dans l'impasse politique actuelle.
On imagine ainsi (en Grande-Bretagne toujours) que l’implosion programmée du parti conservateur britannique lors de ces prochaines élections européennes (et la démission de Theresa May) pourrait mener à l’élection d’un nouveau premier ministre partisan d’un hard Brexit ou à même d’appeler à de nouvelles élections qui conduiraient vraisemblablement à l’avènement d’un gouvernement travailliste. Ceci aurait des conséquences économiques et commerciales extrêmement fortes.
Dans cette « logique » plusieurs bouleversements pourraient voir le jour. En Italie, la Ligue, le parti populiste et eurosceptique qui est membre de la coalition au pouvoir, est susceptible de remporter les suffrages. En France, le Rassemblement national de Marine Le Pen (anciennement Front national) pourrait aussi s'imposer.
Entre-temps, bien que les partis pro-UE du courant dominant remporteront probablement la majorité des sièges entre eux, les partis eurosceptiques ont de bonnes chances de réussir en Finlande, en Suède, au Danemark, en Pologne ou encore en Allemagne.

Montée du populisme : Logique

Nous avons été un des premiers à mettre en garde l’avancée du populisme en Europe à la suite du printemps arabe dans un article en 2011 intitulé : Printemps arabe, Automne européen. Nous indiquions (ainsi que les articles qui suivirent) que le drame humain de l’immigration allait déclencher une vague de rejet massif en Europe qui se traduirait forcément par l’avancée des partis nationalistes/populistes.
La deuxième raison de la montée du populisme est le rejet généralisé à l’égard de l’UE en tant qu’institution. Il est de bon ton d’affirmer qu'il a trop de pouvoir à Bruxelles et qu’il est inefficace. L'UE aurait affaibli le pouvoir des États sans s'acquitter elle-même de ses responsabilités de manière satisfaisante. Les dernières sorties du gouvernement italien vont dans ce sens.

Les réactions

S’il est bien évident que les conséquences économiques seront différentes en fonction du vote de chaque pays, on peut cependant dire que globalement il faudra surveiller plusieurs actifs spécifiques, dont :
•    Les rendements : Une progression des populistes ferait remonter les rendements des pays « du Sud » et baisser celui de l’Allemagne
•    Les devises : L’Euro sera bien évidemment en ligne de mire. Une progression des populistes affaiblirait la monnaie unique face au Dollar notamment. La Livre sterling sera la deuxième devise sur la sellette. En effet, une forte progression des travaillistes (qui veulent la possibilité d’un second référendum) pourrait renforcer la vigueur de la devise britannique.
•    Les indices : Il y a peu à attendre de l’évolution des indices. On peut cependant penser qu’en cas d’effondrement des populistes, l’EuroStoxx 600 pourrait progresser.

Synthèse

Sous-estimer les implications des élections européennes est une grave erreur, que cela soit du point de vue politique, économique ou même des indices boursiers. La clé sera bien évidemment la montée du populisme… Faites vos jeux.

  • Mise à jour le : 23/05/2019

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