La crise qui vient

Par : edicom

Par Guy Marty, fondateur de pierrepapier.fr

Au moment où ces lignes sont écrites, les commentaires sont nombreux sur les marchés boursiers qui remontent ou sur les prix du logement en hausse malgré une baisse des transactions… Ces hirondelles font-elles le printemps ?

L’épidémie de la Covid-19 et les mesures qui ont été adoptées pour y faire face ont sérieusement ébranlé l’économie mondiale. Plus que la crise de 2008, plus que la crise de 1929. En revanche, l’expérience et les moyens d’action des gouvernements et des autorités financières sont bien supérieures. Un autre facteur modifie radicalement les scénarios possibles de redressement : le digital. Il dote les économies d’une puissance jamais connue auparavant de communication et d’échanges.

Dans ces conditions, il est très périlleux de s’aventurer à des prévisions précises, pessimistes ou optimistes.

 

Ce qu’on sait

En revanche, il est possible de dessiner quelques grandes lignes. Le premier point est que le choc est rude pour l’économie et que l’on n’en mesure pas encore le détail des traumatismes concrets. Le contenu des préoccupations se renouvellera, mais ce n’est pas parce que nous n’y voyons pas très clair aujourd’hui que tout sera plus limpide dans un mois… L’incertitude, comme élément structurel du contexte, devrait donc durer plusieurs mois, voire plusieurs années. Le second point, malheureusement indubitable, c’est que nos sociétés vont connaître une vague importante de faillites d’entreprises et surtout de chômage. Tous les pays seront touchés, certains plus que d’autres.

Mais cet aspect ne fait pas encore partie du « ressenti ». Dans quelques semaines ou quelques mois seulement, il marquera l’ambiance. L’attention des économistes, des médias, des réseaux sociaux se déplacera alors sur ce problème. D’où le risque d’illusion aujourd’hui sur les marchés qui ne sont pas encore impactés.

 

Le logement

Commençons par écarter les « mauvais bons arguments ».

Les prix ont trop monté, donc une baisse est inéluctable ? Pas convaincant, car les prix ont monté partout dans le monde. Conséquence des taux d’intérêt bas et de l’abondance de liquidités, deux facteurs qui ne semblent pas près de disparaître de sitôt.

Les prix vont tenir, car il y a insuffisance de logements ? Pas convaincant non plus. Ce facteur objectif, surtout dans certaines villes, est un puissant ressort de rappel à moyen ou long terme, mais ne protège pas contre des accidents de court terme.

Oublions donc les raisonnements qui ne confortent que ceux qui les avancent. Comment peut-on imaginer qu’avec un chômage élevé le marché du logement restera soutenu ?

Quand l’ambiance économique est morose, on fait moins de projets, on hésite à prendre des décisions, l’attentisme prend le pouvoir. Il y aura donc moins de transactions. Ou, ce qui revient au même, moins d’acheteurs. Oui, il y aura une baisse des prix dans l’ancien.

Pour le marché du neuf, la situation pourrait être différente car les investisseurs y sont plus présents. La comparaison entre les différents placements possibles, la notion de refuge relatif dans un monde financièrement troublé, pourrait jouer dans une certaine mesure en faveur du logement locatif.

 

La Bourse

La caractéristique première de la Bourse est de vivre l’instant présent, à sa manière à elle. Elle ne se soucie pas des profondes analyses, seulement de celles qui occupent les esprits à un moment donné. Elle n’est pas infidèle, elle ne connaît que des fidélités successives. C’est ce qui fait ses grands mouvements de hausse ou de baisse, parfois soudains, souvent imprévisibles.

L’arrêt de la planète avait plongé la Bourse dans une totale sidération. Aujourd’hui, elle remonte parce que l’attention des investisseurs se tourne vers le monde de demain, les investissements qui vont accompagner les relocalisations, les poches de croissance qui se dessinent. D’où, là aussi, un risque d’illusion.

Souvenons-nous qu’il y a eu presque trois ans entre le krach boursier d’octobre 1929, resté dans les mémoires comme le « jeudi noir », et le plus bas de la Bourse… Nous devrions donc assister sur les Places mondiales à une succession de crises de dépression et de grands moments d’espoir retrouvé. Car la reprise, peu importe sa dynamique et son succès final, suivra nécessairement un chemin chaotique, au moins dans les émotions.

 

Le conseil en gestion de patrimoine

Dans ces conditions que faire, que conseiller ?

En ce qui concerne le logement, une crise immobilière, quelle que soit son ampleur, contenue ou sévère, n’est jamais une bonne nouvelle. Même s’il est dans la nature des placements à long terme de connaître parfois des fluctuations. Mais que risque le client ?

Pour son ou ses investissements passés, le maître mot est la patience. On voit mal comment le logement, soutenu par une demande réelle, ne repartirait pas. A l’échelle du long terme, les périodes de baisse perdent de leur acuité. En témoignent la crise de 2008-2009 ou celle, sévère, des années 1990. Faut-il acheter dans la période qui vient ? La course au point le plus bas du marché est une course que l’on perd presque toujours. Dans le cas présent, personne ne saurait dire si le logement souffrira un peu ou beaucoup, brièvement ou non. Le meilleur conseil serait donc probablement de ne pas succomber à la tentation de l’attentisme. Absence de décision est mère des regrets.

Pour la Bourse en revanche, une période de fluctuations importantes comme celle qui s’annonce, est une bénédiction ! Pas pour ceux qui pensent être capables de voir venir les mouvements, ceux-là seront encore plus punis que d’habitude.

Mais l’investissement régulier d’une somme même modeste, sans se poser de questions, encore et encore, bénéficie justement de l’ampleur des secousses. C’est une façon bien connue de prendre la Bourse à son propre jeu. Quand elle monte, on achète moins d’actions ; quand elle baisse, on en achète plus. Si le client accepte le deal, il aura ensuite une grande estime pour son conseiller. En un mot comme en cent, la crise qui vient renforce la légitimité du conseil en gestion de patrimoine.

  • Mise à jour le : 24/06/2020

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