L’avenir est aux SCPI qui investissent aujourd’hui !

Par : edicom

Par Philippe Cervesi, président de Corum AM

La crise de l’immobilier aura au moins eu une vertu sur le marché des SCPI : distinguer le bon grain de l’ivraie.

Coup de tonnerre dans un ciel longtemps resté bleu. Dès le début du printemps 2023, l’horizon s’est brusquement assombri pour certaines sociétés civiles de placement immobilier (SCPI). Le recul des prix immobiliers consécutif à la hausse des taux d’intérêt a impacté la valeur du patrimoine de plusieurs d’entre elles.

Conséquence : une trentaine de SCPI, parmi les plus importantes du marché, ont été contraintes de réduire leur prix de parts. A commencer par celles qui avaient massivement collecté dans le passé et acheté leurs immeubles au prix fort, sans anticiper l’inéluctable remontée des taux…

La réponse ne s’est pas fait attendre côté épargnants : la collecte nette globale des SCPI a fortement reculé en 2023, affichant 5,7 milliards d’euros ; une claque après le record de 2022, à 10,20 milliards d’euros(1).

Face à l’augmentation des demandes de retrait, certaines SCPI ont rencontré des problèmes de liquidité, accentuant la défiance naissante des épargnants à l’égard de ce placement.

 

Profiter d’un marché encore porteur

Dans ce contexte, beaucoup s’interrogent : faut-il encore investir en SCPI ? La réponse est évidemment oui. Attention en effet de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain !

Tous les acteurs du marché ne sont heureusement pas concernés par ce retour de bâton. Bien au contraire, la séquence a mis en perspective la démarche vertueuse suivie par un certain nombre de SCPI, y compris parmi les grands noms du secteur. En l’occurrence, les SCPI qui avaient su ralentir leur collecte d’épargne quand le marché était au plus haut (entre 2016 et 2021) ont pu rouvrir les vannes dès le second semestre 2022.

Avec un objectif : accélérer leurs investissements afin de profiter du retour à la normale des prix immobiliers et de saisir des immeubles offrant des rendements à l’achat particulièrement attractifs.

Car une chose est sûre : les performances de demain se préparent aujourd’hui. Autrement dit, la performance potentielle que les SCPI généreront dans les années à venir dépend de leur capacité à saisir les opportunités du moment. Seules les SCPI en mesure d’acheter beaucoup d’immeubles aux conditions de marché actuelles peuvent espérer en répercuter le bénéfice dans leurs potentielles performances futures, et donc en faire profiter leurs épargnants à long terme.

D’où l’importance de collecter suffisamment d’épargne avant qu’une baisse des taux ne survienne et ne provoque une remontée des prix.

 

Un épargnant bien informé

Sortir intelligemment de la crise actuelle implique naturellement que les épargnants accordent de nouveau toute leur confiance aux SCPI. Ce qui suppose qu’ils puissent distinguer le bon grain de l’ivraie avant d’investir. Pour faire leur choix, conseillers et épargnants prendront donc soin de décortiquer les bulletins d’information trimestriels et les rapports annuels des SCPI qu’ils envisagent de retenir.

L’historique de performances est bien sûr à prendre en compte, mais, outre qu’il ne présage pas des performances futures, il est loin d’être le seul indicateur à observer. Il faut notamment analyser en détail le patrimoine (qui doit être suffisamment diversifié géographiquement et sectoriellement pour limiter la prise de risque), vérifier la qualité des locataires et celle du gestionnaire. Il faut également s’assurer que le prix de la part n’a pas baissé (ce qui acterait une diminution de la valeur du patrimoine), que le pourcentage de surface louée et le taux d’occupation financier(2) – le TOF dans le jargon des SCPI, un indicateur qui permet de mesurer l’impact financier des locaux restés vacants – dépassent 90 %, voire 95 %…

Autre point de vigilance : l’investissement moyen par épargnant. S’il excède 50 000 euros, cela signifie qu’une majorité des parts est détenue par des investisseurs institutionnels… avec le risque qui en découle sur la liquidité des « petits épargnants » le jour où ces gros porteurs décident de sortir de la SCPI.

 

Se méfier des aubaines en trompe-l’œil

Les années à venir devraient encore creuser l’écart entre les SCPI qui ont suivi une démarche vertueuse et les autres. Et dans ce panorama, attention de ne pas surestimer l’aubaine que constituent les jeunes SCPI, notamment celles sans frais de souscription, qui caracolent aujourd’hui en tête des classements. Leurs rendements élevés pourraient n’être qu’un effet en trompe-l’œil puisqu’ils devraient mécaniquement s’éroder avec le temps. Et ce pour différentes raisons :

- le niveau de collecte encore modeste de ces jeunes SCPI limite leur capacité à investir aux conditions actuelles et, donc, à le répercuter dans les performances qu’elles serviront demain à leurs épargnants ;

- l’avantage pris par les jeunes SCPI lorsqu’elles investissent rapidement – c’est-à-dire pendant le délai de jouissance(3) – l’épargne qui leur est confiée, aura de moins en moins de poids dans les performances à mesure que leur patrimoine s’étoffera ;

- les jeunes SCPI n’ont pas encore fait leurs preuves… Comment géreront-elles la vacance locative à laquelle elles seront tôt ou tard confrontées ? Auront-elles la capacité de générer des plus-values, et donc des dividendes dits « exceptionnels » à redistribuer à leurs épargnants ? Tant qu’elles n’auront pas vendu d’immeuble, difficile en effet de savoir si elles achètent et gèrent bien leur patrimoine… Sauront-elles en outre résister aux prochaines crises ? Leur patrimoine était en effet trop limité fin 2022 pour qu’elles pâtissent réellement de la hausse des taux dont tant de leurs grandes sœurs ont souffert…

- rappelons enfin que sur le long terme, le total des frais des SCPI sans frais de souscription équivaut peu ou prou à celui des SCPI traditionnelles, en raison de frais de gestion plus lourds, mais aussi de l’existence de frais d’acquisition, propres à ces SCPI. Assimilables à des frais de souscription, ces frais d’acquisition sont prélevés dès que la SCPI achète un immeuble… avec une subtilité : ils s’appliquent sur le montant total de l’acquisition. Par conséquent, si la SCPI fait appel à l’emprunt pour muscler son financement et investir davantage, les frais d’acquisition gonflent de facto proportionnellement.

 

Un marché assaini

L’avenir dira si ces jeunes SCPI réinventent durablement le modèle ou si leurs rendements élevés n’auront finalement été qu’un feu de paille. C’est à la fin du bal qu’on paye les musiciens !

En attendant, la correction subie par le marché des SCPI aura mis le doigt sur les mauvaises comme sur les bonnes pratiques de leurs aînées. Elle aura également rappelé que, contrairement à ce que beaucoup imaginent, l’immobilier n’est pas une valeur refuge.

Certes, un immeuble, c’est concret, tangible, solide… Cela n’empêche pas sa valeur et son rendement de répondre aux lois de l’économie et de subir les aléas des marchés ; ces derniers mois viennent d’en faire une nouvelle fois la démonstration. Le secteur ressort de cette séquence mouvementée sinon plus sage, a minima assaini, ce qui constitue une excellente nouvelle pour les épargnants et leurs conseillers.

1. Source Aspim.

2. Le taux d’occupation financier (TOF) correspond au total des loyers et indemnités facturés divisés par le total des loyers qui seraient facturés si les locaux étaient intégralement loués. Ce taux mesure la performance locative financière de la SCPI.

3. Le délai de jouissance correspond au temps que doit attendre l’épargnant qui vient d’investir dans une SCPI avant de commencer à percevoir les revenus potentiels de son placement, généralement compris entre quatre et six mois.

  • Mise à jour le : 25/06/2024

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