Produits atypiques : il faut clarifier les pratiques

Par : edicom

Du statut de CIF aux requalifications de Bercy en passant par la loi Hamon, les motifs d’inquiétudes entourant la commercialisation des produits atypiques n’ont jamais été aussi nombreux. La Compagnie des CGPI appelle à une clarification des pratiques dans l’intérêt des épargnants.


En 2003, l’instauration du statut de CIF maria de façon incongrue deux métiers différents, le CGPI et le « haut de bilan », même si on peut exercer l’un et l’autre. A l’évidence, la loi était peu satisfaisante car brouillée pour le consommateur-épargnant, contrairement à l’esprit qui avait présidé à sa rédaction, la clarté.
Néanmoins, elle obligea les vrais professionnels de la gestion de patrimoine à être contrôlés par les associations, à se former et à respecter nombre de contraintes, et tout un processus pour pouvoir exercer. Elle fut renforcée à l’occasion de MIF 1 que les Français furent les seuls à respecter.
Ce non-respect de MIF 1 par nos confrères européens, mais aussi par les réseaux bancaires, a conduit à MIF 2 et à ce que nous allons « payer » pour eux. Au sein de leurs organisations, les plus sérieux parmi les vrais CGPI s’imposèrent même, sans qu’ils y soient contraints par la réglementation mais dans l’intérêt de l’épargnant, à respecter le processus CIF pour l’ensemble de leurs quatre autres activités. Il est tout aussi remarquable qu’ils soient quasiment les seuls en Europe et dans le monde anglo-saxon à exercer les cinq composantes du métier de CGPI.
D’ailleurs, le refus des indépendants britanniques – que l’on hésite à appeler confrères – de s’astreindre à une formation équivalente à celle des CGPI français est, pour partie, la cause de la disparition programmée de 50 % d’entre eux et vraisemblablement, demain, de 75 %, même si un effort commence à poindre au vu des dégâts pour la profession.


Confusion

Pourtant, dès 2006-2007, l’encadrement des CGPI et leur professionnalisation ont donné l’idée à nos pouvoirs publics que l’on pourrait réguler au sein du CIF un certain nombre d’« électrons libres » qui commercialisaient, souvent sérieusement mais parfois dangereusement, nombre de produits d’autant plus risqués qu’ils n’étaient pas sous contrôle. Bien sûr, on a pu s’étonner qu’il en soit ainsi des SCPI, réputées plutôt sécuritaires même si elles peuvent subir des corrections, ce que l’on l’oublie trop souvent. Depuis leur création en 1970, elles étaient toujours classées en immobilier (risques du marché immobilier, intervention du notaire, transparence fiscale). On comprend mieux pour la défiscalisation, même si, là encore, l’immobilier Dom-Tom est plus sujet aux risques immobiliers qu’au risque financier. A la Compagnie des CGPI, nous avons été partagés entre satisfaction et inquiétude par ce rattachement au CIF. Certes, nous avons vu d’un bon œil le fait que ces « électrons libres » soient conduits à se mettre sous la tutelle des associations, mais la confusion entre CIF et CGPI nous fait aussi le regretter, au vu des incidents en cours et latents.
Avec les mêmes satisfactions et inquiétudes, nous avons soutenu la demande de l’AMF quand elle a proposé aux pouvoirs publics d’encadrer ces autres « électrons libres » que sont les produits dits de diversification, décorrélés, atypiques ou de plaisir. Notre réticence due à cette confusion entre CGPI et CIF fut néanmoins réduite du fait que, de toute façon, certains de leurs promoteurs poussent les purs vendeurs à s’inscrire en tant que CIF auprès des associations CIF « mixtes ». Ils bénéficient d’un label trompeur pour le consommateur, alors qu’ils ont parfois obtenu d’une juridiction que l’AMF soit déboutée de toute action de contrôle.
A l’occasion de la loi Hamon, nous avons été stupéfaits de constater que l’AMF a demandé à ne pas être astreinte,  « faute de moyens », à délivrer une autorisation préalable et qu’elle ne pourra pas sanctionner ! Il est extraordinaire que le législateur qui prétend protéger le consommateur ne donne pas à l’autorité de tutelle retenue les moyens nécessaires. Il rejette sur l’épargnant et son conseil, voire sur l’association s’il est CIF, le soin de vérifier la conformité du produit.
Bien sûr, le lecteur pourra ironiquement faire valoir qu’il suffirait d’augmenter la contribution des CIF pour donner les moyens à l’AMF. Mais la cotisation de 450 € est déjà lourde pour beaucoup de cabinets, un montant trois fois supérieur à la contribution ACP pour l’IOBSP et l’assurance-vie (jusqu’à 80 % de leurs activités), et alors même que les contrôles sont dans leur quasi-totalité effectués par les associations. 5 652 CIF (selon le site orias.fr), c’est 2 543 400 € ! Et il paraîtrait d’ailleurs indécent et discriminatoire que les contributions payées par les CIF contribuent, même marginalement, à la surveillance « partielle » par l’AMF de ces promoteurs et vendeurs de produits atypiques.

 

Discrimination 

Quant à la non-sanction par l’AMF, nous demandons aux pouvoirs publics de nous l’expliquer. La procédure judiciaire est déjà toujours très longue pour les promoteurs et vendeurs de produits inconséquents, voire escrocs, quand ils sont libres de tout statut CIF. Ces derniers continueront à exercer longtemps avant qu’une interdiction par un tribunal n’intervienne ! L’un des plus gros scandales actuels n’a pas encore éclaté sur la place publique, alors même que nous l’avions signalé début 2012 et qu’il y a plus d’un an qu’un juge d’instruction a saisi des fonds « égarés » sur un compte personnel. Or nous avons la preuve qu’il y a moins de six mois, ce promoteur, qui va ruiner des centaines de particuliers, recueillait encore des fonds auprès de nouveaux souscripteurs!
Aussi, nous ne comprenons pas pourquoi l’AMF ne pourra pas sanctionner immédiatement un promoteur ou vendeur de produits atypiques dans l’intérêt de l’épargnant, comme elle peut le faire pour le CIF. Bien sûr, on ne manquera pas de s’interroger sur le récent arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme contre l’Italie qui interdira, par la jurisprudence, que l’on soit poursuivi administrativement par l’AMF, puis au pénal. Certes cela concerne les « abus de marché », mais pourquoi cela ne relèverait-il pas de l’ensemble des agissements jugés habituellement par sa commission des sanctions ? Pour revenir à la seule loi Hamon, le CIF commercialisateur d’un produit atypique pourra être sanctionné par l’AMF, mais pas le vendeur du même produit non-CIF, pourtant sous sa « surveillance ». 
Discrimination entre modes de commercialisation : où se trouve l’intérêt de l’épargnant ?

 

Abusives requalifications

Par ailleurs, l’AMF vient pour la première fois de demander aux associations qu’un client de CIF soit traité de la même façon pour les autres activités du CGPI qu’il l’est au titre du CIF. Ceci réjouit la Compagnie qui s’élevait depuis des années contre le fait que l’AMF refusait de valider dans sa totalité son code de bonne conduite qui, bien sûr, recouvrait l’ensemble des composantes du CGPI. Enfin rappelons que notre modèle financier a implosé en 2008, quand le monde a constaté qu’il ne pouvait pas continuer à vivre à crédit, comme il le faisait depuis trente ans, pour faire croire aux individus qu’ils conservaient le même pourvoir d’achat, et même si l’« assouplissement quantitatif » peut faire penser le contraire. Nous recommandons la plus grande prudence envers ces produits atypiques, même les plus sérieux, et rappelons que les avantages fiscaux peuvent ne pas compenser les pertes.
Pertes qui peuvent être lourdes quand la duplicité de l’Etat est avérée, c’est-à-dire ces requalifications par Bercy de produits qu’elle a agréés et promus au nom de « bons » sentiments. Comment pourrait-on vérifier le branchement d’un matériel avant qu’il ne soit acheté avec les fonds dont on doit se dessaisir ? Comment pourrait-on vérifier qu’une holding est animatrice de sociétés avant que ces dernières ne soient créées et actives ?
C’est parce que ce scandale d’Etat est énorme que la Compagnie des CGPI demande le vote d’une loi de type Scrivener qui permettrait que les fonds soient bloqués à la Caisse des dépôts et libérés sous la seule responsabilité de Bercy.  


Jean-Pierre Rondeau, président de la Compagnie des CGPI

  • Mise à jour le : 25/08/2014

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