Emprunter pour transmettre sans droits de succession

Par : edicom

Par Serge Harroch,  fondateur d’Euclide Financement

La transmission représente une des principales préoccupations des Français, presque à tout âge et quelle que soit la taille du patrimoine avec la volonté de préserver  la bonne fin du/des donateur(s). Le recours au crédit permet de transmettre sans se démunir. Illustration avec Serge Harroch, fondateur d’Euclide Financement.

Culturelle, familiale, spirituelle ou patrimoniale, la transmission représente l’accumulation de toute une vie et parfois le relais des générations passées. Autant les premières catégories de transmissions se font de manière fluide et tout au long de la vie et des expériences, la dernière revêt un caractère plus radical et sans retour possible.

Transmettre, donner, démembrer, tous ces termes ont, malgré tout, pour vocation rationnelle d’appauvrir le donateur et enrichir le donataire. Quelle que soit l’importance du patrimoine du donateur, les véritables questions à se poser sont :
- a-t-il les moyens de transmettre ?
- et dans quelles proportions ?

Gare aux donations à but « fiscal »

Un facteur important perturbe les clients : le spectre fiscal qui plane sur le patrimoine transmis. Il n’est pas rare de rencontrer des donations trop précoces dans le seul but de réduire l’impôt. A posteriori, une transmission par donation ou démembrement est souvent réalisée trop tôt ou de manière trop importante et avec comme objectif principal de réduire les droits de donation/transmission. Tout comme pour les opérations de défiscalisation, l’obsession de payer le minimum d’impôts incite les détenteurs de patrimoine à s’en séparer trop vite.

Pour pouvoir envisager la transmission différemment, il convient d’avoir une vision globale de la démarche, inscrite dans une stratégie post-donation permettant aux donateurs de faire face aux aléas de la vie.

La vie du patrimoine d’une personne est globalement divisible en deux temps : en tant qu’actif et en tant que retraité. Autant un mauvais investissement, une perte imprévue, dans la construction du patrimoine d’un individu actif est corrigeable car il est encore en capacité de produire par le travail de la richesse complémentaire, autant à la retraite ce même individu ne peut que vivre sur le stock acquis. Toute perte ou mauvaise opération est alors difficilement rattrapable car il vit sur ses réserves. L’obsession du retraité doit alors être d’optimiser la rentabilité et la disponibilité de son stock.

Emprunter pour donner

Pour transmettre sans le fâcheux inconvénient d’appauvrir le donataire, une des solutions est de recourir à l’emprunt. Une technique, un peu plus complexe qui bouleverse un inconscient collectif, et qui permet de transmettre sans donner, au décès ou du vivant.

Par exemple, Monsieur B et son épouse (68 ans chacun) décident d’acquérir leur résidence principale en vendant celle qu’il détenait jusque là. Ils détiennent 3 millions d’euros d’immobilier d’investissement payé, 700 000 euros d’épargne et perçoivent  une pension retraite de 10 000 euros par mois.

Leur plan de financement initial était de payer comptant leur appartement parisien (800 000 euros) avec la vente de la résidence principale en province (1 000 000 euros). N’étant pas certains de pouvoir vendre avant d’acheter, ils avaient décidé de casser leurs différentes assurances-vie et placement pour avancer les fonds. Après une étude approfondie de leur situation et de celle de leurs enfants, ils ont finalement opté pour un montage différent.

C’est une SCI familiale soumise à l’IR qui achète leur nouvelle résidence principale. Elle est détenue majoritairement par les parents (90 %) avec suffisamment de parts aux enfants, Cécile et Margot (5 % chacune) pour pouvoir les assurer. En effet, l’objectif est qu’ils « portent » l’assurance décès et d’obtenir une durée de financement longue (20 ans). Un prêt in fine est mis en place avec un adossement sur un des contrats d’assurance-vie existants de 400 000 euros et deux contrats de 1 000 euros chacun ouverts aux noms des enfants, assurés du prêt.

Le nantissement des trois contrats prévoit une clause de remploi des fonds du contrat de la mère en cas de décès, par parts égales sur les contrats des enfants.

Cette approche permet de ne pas rompre les antériorités des différents contrats et de laisser aux parents le temps de vendre tranquillement leur maison.

Parallèlement, les parents devenant locataires du bien, les loyers - payés par les rachats programmés des contrats d’assurance vie - viennent couvrir les intérêts d’emprunt et les charges inhérentes au bien. L’opération est stable et neutre pour l’ensemble des parties car :
- la déclaration de la SCI va faire état de loyers couvrant les mensualités du prêt et les charges du bien ;
- et aucun compte courant d’associé n’est créé.

Cette opération suppose bien entendu que les parents acceptent de renoncer à l’avantage lié à l’exonération de la fiscalité sur la plus value en cas de revente. Eu égard à leur âge, cette contrainte n’est pas incontournable.

Au final, de leur vivant, les parents restent maîtres de leur patrimoine. A leur décès il est transmis par le biais de l’assurance vie souscrite avec le fruit du produit de cession du premier bien.

Conclusion

Ce cas démontre l’intérêt d’une transmission à l’aide d’un financement. Le crédit permet de transférer la contrevaleur d’un bien dans une enveloppe hors champ successoral. Mais il peut aussi permettre aux parents d’avoir une liquidité importante pour faire face aux aléas du vieillissement comme la dépendance, tout en conservant le patrimoine dans la famille.

Le principe de base est de pouvoir transmettre à la fois des dettes et des actifs, avec ou sans assurance selon la situation envisagée.

Cela nécessite toutefois une analyse patrimoniale très fine afin de connaitre les blocages éventuels liés à l’endettement intergénérationnel et la capacité que le conseiller aura à faire bouger les lignes et convaincre les parents … et les enfants du montage, tout à fait patrimonial et avec un but fiscal secondaire.

 

Le cas de monsieur et madame B en chiffres :

Prix de vente de la résidence principale : 1 000 000 euros.

Prix d’achat, frais de notaire inclus, de la nouvelle résidence principale : 800 000 euros.

Création d’une SCI familiale soumise à l’impôt sur le revenu avec une répartition des droits dans la SCI  comme suit :

- 90 % en pleine propriété pour les parents ;

-  5 % pour chacun des deux enfants.

Mise en place d’un prêt in fine de 1 000 000 euros sur 20 ans à 2,9 % assurance incluse (50 % sur chacune des deux têtes des deux enfants).

Mensualité : 2 416,67 euros.

Montant du loyer : 2 700 euros charges comprises pour couvrir les échéances de prêt, les charges de copropriété et la taxe foncière.

Mise en place d’un adossement sur les contrats existants au nom de la mère, à hauteur de 400 000 euros pour le pour le prêt in fine. Cette mesure permet aux parents de prendre le temps de vendre leur maison pour placer ensuite le produit de la vente en assurance vie.

Sur une base de 3,5 % de rendement des contrats (en souscrivant des SCPI par exemple) il faut une somme de 465 000 euros pour que les rachats partiels couvrent les loyers des parents.

Aspect financier

L’opération est totalement équilibrée et donc neutre pour les parents sur toute la durée du financement : les 65 000 euros d’excédents correspondent au 68.000 € qu’auraient de toutes les façons payé les parents en charges et taxes.

Par contre, ils bénéficient d’une liquidité bien supérieure puisque les contrats servant aux rachats ne sont pas nantis et donc disponibles en cas de besoin, d’urgence ou de dépendance.

Aspect successoral

Conséquences au décès du père :

La valeur des parts de la SCI vaut l’éventuelle plus-value sur le bien acquis puisque le crédit in fine, assuré sur la tête des enfants, continue à courir et donne donc un actif net diminué d’autant. Donc en matière de droits de succession cela ne coûte quasiment rien.

Conséquences au décès de la mère :

Comme le nantissement prévoyait un remploi des fonds liés au dénouement du contrat de la mère suite à son décès, la SCI doit toujours l’intégralité du prêt à la banque et par conséquent, nous nous retrouvons dans la même situation que celle du père.

 

 

  • Mise à jour le : 08/11/2018

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