Transformation, antériorité fiscale d’une assurance-vie : la réponse de Bercy

Par : edicom

Par Fac JD et Associés

La décision de la Cour de cassation (Cass. 1ère civ. 19 mars 2015 n° 13-28776) visait les conséquences fiscales de la transformation d’un contrat en adhésion simple en un contrat en co-adhésion. La haute cour avait estimé que cette transformation permettait de conserver l’antériorité fiscale du contrat.

Malgré cet arrêt pour le moins clair, nombre d’assureurs n’ont pas souhaité donner suite aux demandes de leurs clients souhaitant passer d’une adhésion simple à une co-adhésion.

Bercy a été interrogé par deux sénateurs sur ce sujet. Analysons les réponses.

Retour sur l’arrêt du 19 mars 2015

A. Présentation des faits
Phase 1 : la souscription en adhésion simple

François X avait souscrit un contrat d’assurance vie en adhésion simple le 6 décembre 1988. Il était donc à la fois le souscripteur et l’assuré du contrat. Le contrat avait été souscrit avant la 20 novembre 1991, de telle sorte que ce contrat bénéficiait d’un régime exceptionnel en matière de fiscalité successorale.

Les dispositions de l’article 757B du Code général des impôts (CGI) n’étaient pas applicables (souscription avant 70 ans). Les dispositions de l’article 990 I du CGI ne s’appliquaient pas plus ici. En effet le texte ne vise que les versements (et les produits qui en découlent) effectués à compter du 13 octobre 1998.

En l’espèce, l’ensemble des versements et des produits attachés réalisés avant le 13 octobre 1998 étaient totalement exonérés de fiscalité successorale, quel que soit l’âge de l’assuré au moment des versements. Ce contrat présentait donc un avantage fiscal inestimable en matière de transmission.

Phase 2 : le passage en co-adhésion

Le 11 septembre 1995, Fanny, l’épouse de François, devient également souscriptrice du contrat qui passe en co-adhésion avec dénouement au second décès. Ainsi, le contrat qui devait se dénouer au décès de François, ne se dénouera qu’au décès du survivant de François et de Fanny. Cette modification conduit donc à une modification du souscripteur mais également de l’assuré !

Phase 3 : décès de François (souscripteur/assuré originel)

En 1999, François est décédé. En raison de la co-adhésion avec dénouement au second décès, le contrat ne s’est pas dénoué. Il a perduré entre les mains de Fanny souscriptrice survivante.

Phase 4 : modification de la clause bénéficiaire par le souscripteur survivant

Fanny, suite au décès de son époux, a procèdé sous sa seule signature à la modification de la clause bénéficiaire afin de gratifier par parts égales ses neveux et nièces.

Phase 5 : décès de Fanny et dénouement du contrat

Le 2 juillet 2003, Fanny est décédée. Le contrat d’assurance vie s’est alors dénoué. Le capital décès a été transmis aux neveux et nièces de Fanny avec une fiscalité successorale exceptionnellement faible compte tenu de la date de souscription du contrat original.

La position de la Cour de cassation

La Cour de cassation a validé l’arrêt de la Cour d’appel de Paris maintenant l’antériorité du contrat. La Cour d’appel a considéré :

- « qu’au rapport d’obligation contracté entre l’assureur et François X… en 1988 ne s’était pas substitué un nouveau rapport d’obligation, mais s’était ajouté, en 1995, du fait de la souscription conjointe de l’épouse, un rapport d’obligation complémentaire entre l’assureur et Fanny Y…, sans que l’existence du second n’ait un quelconque effet extinctif sur le premier ; qu’elle en a exactement déduit que la souscription conjointe de l’épouse n’avait pas emporté novation du contrat. »

- « la circonstance que Mme Y… soit in fine l’unique créancière de l’obligation de l’assureur ne résulte pas seulement du caractère conjoint de la souscription, mais résulte aussi de la circonstance fortuite de l’ordre des décès des assurés, le mari étant décédé avant l’épouse ».

La Cour de cassation s’est donc prononcée sur la base du terme « substitué(e) » des trois cas de novation édictés par l’article 1271 du Code civil. Pour qu’il y ait novation, il doit y avoir une substitution du rapport d’obligation et non un rajout.

Position de Bercy au regard de l’arrêt du 19 mars 2015

Dans le cadre des questions posées par les sénateurs Frassa d’une part, et Malhuret d’autre part, Bercy a donné sa position au regard de cette jurisprudence.

Les questions sont très proches :

- le sénateur Frassa souligne que par le passé, l’administration fiscale avait pris une position contraire (réponse à la question écrite n° 37181, publiée au Journal officiel de l’Assemblée nationale du 6 mars 2000, page 1452 ; non reprise au bulletin officiel des finances publiques).

- le sénateur Malhuret, quant à lui, précise que la doctrine a très largement approuvé cette position et la logique de cette décision.

RM Frassa n°10465 JO Sénat 30/05/2019

RM Malhuret n°00260 JO sénat 30/05/2019

Bien que la question ait été posée par deux sénateurs distincts, la réponse est unique.

Après un préalable rappelant la position de la Cour de cassation, l’administration fiscale considère :

« La question de savoir si la souscription conjointe à un contrat d’assurance vie emporte novation du contrat constitue ainsi une question de fait, qui doit être appréciée en fonction notamment des stipulations du contrat en cause, de la volonté des parties, des dates des souscriptions et de la situation et de l’espérance de vie de chacun des assurés lors de la co-souscription. La co-souscription est en effet par exemple susceptible, lorsqu’elle conduit de manière prévisible à substituer à l’assuré un nouvel assuré unique, d’emporter un changement de créancier de l’obligation pesant sur l’assureur.

Enfin, il est rappelé que la souscription d’un contrat d’assurance-vie est susceptible de constituer une donation indirecte en présence d’éléments démontrant l’intention libérale du souscripteur. La régularité d’une souscription conjointe à cet égard doit être appréciée au cas par cas au vu des circonstances de fait de l’espèce et notamment de l’auteur des versements et des éventuels rachats effectués par le nouvel assuré. »

Si globalement, Bercy se rallie à la position jurisprudentielle, sa position comporte des nuances dont il faudra tenir compte en pratique.

 

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  • Mise à jour le : 06/06/2019

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