Fidroit fait le point sur la loi de modernisation de la justice

Par : edicom

Succession, Pacs, divorce, incapacité… les experts Fidroit (qui organise ses prochaines conventions régionales en février prochain) ont fait un point complet sur les modifications apportées par loi de Modernisation de la justice du XXIe siècle du 18 novembre dernier (JO 19/11/2016).

La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle a été adoptée le 12 octobre dernier par l’Assemblée nationale en dernière lecture. Elle a été publiée le 19 novembre 2016 après décision rendue par le Conseil constitutionnel. Elle vise, de manière générale, à simplifier et moderniser le système judiciaire.

Quatre mesures principales sont à retenir

Déjudiciarisation des divorces par consentement mutuel

Les époux doivent chacun être assistés d’un avocat distinct. La convention réglant les conséquences du divorce n’est plus homologuée par un juge mais déposée chez un notaire.

L’homologation restera nécessaire si l’un des enfants mineurs du couple souhaite être entendu par le juge ou si l’un des époux est placé sous un régime de protection.

Transfert de l’enregistrement des PACS des Tribunaux d'instance aux mairies

La procédure d’enregistrement, de modification et de dissolution des PACS est transférée du greffe des Tribunaux d'instance à la mairie de la résidence commune des partenaires.

L’officier de l’état civil de la commune de résidence procède également à l’envoi des mentions à apposer en marge des actes de naissance aux communes de naissance des partenaires pacsés.

Simplification des procédures en matière de succession 

L’envoi en  possession des légataires universels désignés par testament olographe ou mystique est supprimé. Tous les légataires universels sont désormais saisis de plein droit de la succession, quel que soit la forme du testament les instituant (authentique, olographe ou mystique).

Les déclarations de renonciation et d’acceptation à concurrence de l’actif net peuvent désormais être réalisées devant notaire. Les héritiers pourront donc réaliser leurs déclarations soit au greffe du TGI, soit devant notaire.

Le notaire peut désormais saisir le juge en cas de succession vacante. Antérieurement, seuls les créanciers, les personnes qui assuraient l’administration de tout ou partie du patrimoine du défunt, le ministère public ou toute personne intéressée pouvaient saisir le juge aux fins de nomination d’un curateur de la succession.

Habilitation familiale étendue au conjoint 

Tout comme les ascendants, les descendants, les frères et sœurs, les concubins ou les partenaires d’un PACS, les conjoints peuvent être habilités, sauf si la communauté de vie a cessé entre eux.

Conséquences pratiques

Les diverses mesures s'appliquent par principe à compter du 20 novembre 2016, sauf disposiitons contraires. Notamment : 

- les mesures concernant le divorce par consentement mutuel s’appliquent à compter du 1er janvier 2017 (à l'exception des procédures en cours devant le juge lorsque les requêtes en divorce ont été déposées au greffe avant cette date) ; 

- le transfert des déclarations des PACS auprès des mairies est applicable aux PACS conclus, modifiés ou dissous à compter du 1er novembre 2017 ;

- les dispositions relatives aux successions s’appliquent aux successions ouvertes à compter du 1er novembre 2017. Les instances introduites antérieurement sont régies par les dispositions applicables avant cette date.

Pour aller plus loin

Contexte

Les profondes modifications de notre société ont apportés de nouveaux contentieux devant les tribunaux et ont révélés une certaine complexité et une inefficacité de notre système judiciaire actuel.

Depuis plusieurs années, un travail de réflexion est réalisé afin de réformer en profondeur le système judiciaire (notamment le grand débat national réalisé à l'Unesco en janvier 2014).

La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle a pour ambition de réformer et d’adapter le système judiciaire français. Ces mesures font notamment suite aux propositions du Conseil supérieur du Notariat, dont le Conseil national des Barreaux a pris acte.

Suppression de l’homologation judiciaire concernant les divorces par consentement mutuel (C. civ. art. 229-1)

Lorsque les époux s’entendent sur le principe et les conséquences de la rupture, ils peuvent recourir à la procédure simplifiée du divorce par consentement mutuel. 

La nouvelle procédure se veut plus protectrice de l’intérêt des parties, plus simple et plus rapide.

Une meilleure protection

Chaque époux doit être assisté d’un avocat pour la rédaction de la convention réglant les conséquences du divorce.

Sous le régime antérieur, les époux pouvaient recourir à un avocat commun, ce qui présentait beaucoup d’avantages mais pouvait léser les intérêts de la partie faible.

Une procédure plus simple

La convention doit être rédigée sous la forme d’un acte sous seing privé signé par les époux, contresigné par les avocats et déposé au rang des minutes d’un notaire (elle ne sera plus soumise à homologation par principe). Néanmoins, elle conserve son caractère contraignant envers les parties puisque l'enregistrement chez le notaire lui confère date certaine et force exécutoire.

L’homologation par le juge aux affaires familiales demeurera nécessaire lorsque :

- un enfant mineur du couple demande à être entendu par le juge dans les conditions prévues par l’article 388-1 du Code civil ;

- un des époux se trouve placé sous un régime de protection (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice, mandat de protection future ou habilitation familiale).

Remarque : L’enfant mineur est informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge. La convention de divorce porte la mention, sous le contrôle du notaire chargé de la validité formelle de l’acte, de la délivrance de cette information et du souhait du mineur de ne pas faire usage de cette faculté. 

Comme précédemment, la convention prend effet, dans les rapports entre époux concernant leurs biens, à la date où elle acquiert force exécutoire (au jour du dépôt chez le notaire ou à la date de l’homologation par le juge) sauf si les parties en ont disposé autrement. La convention doit être accompagnée de l’état liquidatif du régime matrimonial établi par acte authentique lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière (biens immobiliers notamment).

Remarque : Le rôle du notaire semble restreint au contrôle formel de l’acte (ce point a été confirmé par le Conseil National des Barreaux). La vérification du consentement réel et éclairé des époux et la préservation des intérêts des enfants et des époux, anciennes attributions du juge lors de l’homologation, semblent désormais devoir être assurées par les avocats. Ces derniers engagent leur responsabilité au titre des actes qu’ils contresignent.

Des délais plus rapides

A peine de nullité, la convention ne peut pas être signée avant l’expiration d’un délai de réflexion de 15 jours (délai courant à compter de la réception par lettre recommandée avec avis de réception du projet de convention adressé par les avocats aux époux).

En théorie donc, un divorce par consentement mutuel peut être réglé en 15 jours. En pratique, la durée de la procédure pourra être plus longue compte tenu des négociations préalables, de l'importance du patrimoine des époux, de la présence d'enfants et du contexte affectif de la séparation.

Remarque : Pour rappel, la procédure d’homologation devant le juge aux affaires familiales s’échelonnait entre 3 et 7 mois selon les juridictions.

Pour quel coût ?

La nouvelle procédure n’est pas forcément plus coûteuse mais elle n’est pas, non plus, plus économique.

Les honoraires de 2 avocats seront dus alors, qu’auparavant, les époux pouvaient recourir aux services d’un seul avocat et partager ses honoraires.

Néanmoins, les heures facturées par les avocats au titre de l’audience devant le juge (la durée de l'audience pouvait aller jusqu'à 3 h) sont remplacées par le forfait d'enregistrement chez le notaire de 50 €.

Transfert de l’enregistrement des PACS aux officiers de l’état civil (C. civ. art. 515-3)

Les partenaires qui ont conclus un pacte de solidarité civil doivent établir une convention de PACS sous la forme d’un acte sous seing privé ou d’un acte authentique. La convention est ensuite enregistrée et la mention du PACS est inscrite en marge de l’acte de naissance de chacun des partenaires.

Enregistrement de la convention de Pacs à la mairie de résidence commune des partenaires

L’enregistrement doit désormais être réalisé auprès des mairies et non plus aux greffes des Tribunaux d’instance (comme cela est déjà le cas dans la majorité des pays européens).

Ce transfert présente 2 avantages :

  • - les mairies sont géographiquement plus accessibles que les Tribunaux d’instances ; 

  • - les officiers de l’état civil des mairies apposent déjà les mentions de PACS en marge des actes de naissance.

Remarque : A l'origine et afin d'éviter toute confusion entre le mariage et le PACS, l’enregistrement auprès des Tribunaux d’instance a été privilégié à l’enregistrement en mairie. Ces craintes ne semblent plus d'actualité selon l'exposé des motifs de l'amendement.

Nouvelles compétences des officiers de l'état civil

Outre l’enregistrement, les mairies doivent également réceptionner les demandes de modification et de dissolution des PACS et adresser les mentions aux communes de naissance des partenaires.

Certaines mairies offrent déjà la possibilité d'organiser une cérémonie de PACS en mairie et, quantitativement, seules quelques communes pourraient constater une charge de travail supplémentaire. 

Remarque : La loi est silencieuse quant à l’appréciation du contenu de la convention par les officiers de l’état civil. Antérieurement, il appartenait au greffier chargé de l’enregistrement d’alerter les partenaires pacsés et de saisir le procureur de la République lorsque la convention paraissait contenir des dispositions contraires à l’ordre public (Circulaire du 5 février 2007).

Suppression de l’envoi en possession des légataires universels désignés par testament olographe ou mystique

En l’absence d’héritiers réservataires, les légataires désignés par testament olographe ou mystique devaient demander leur envoi en possession par ordonnance prise par le Président du Tribunal de grande instance. 

Désormais, tout légataire universel, quel que soit la forme du testament l’instituant, est désormais saisi de plein droit en l’absence d’héritiers réservataires. 

L’envoi en possession prononcée par le juge restera nécessaire en cas d’opposition d’un tiers formulée dans le mois suivant la réception du procès-verbal d’ouverture du testament olographe ou mystique au  Tribunal de grande instance.

Renonciation et acceptation de la succession à concurrence de l’actif net devant notaire

La renonciation et l’acceptation à concurrence de l’actif net devaient être réalisées par déclaration faite au greffe du Tribunal de grande instance. 

Il sera désormais possible de renoncer ou d’accepter la succession à concurrence de l’actif net devant notaire. Cette mesure fait suite à la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures permettant d’adresser par courrier ou de déposer simplement la déclaration de renonciation au greffe du Tribunal de grande instance.

Ouverture de la saisine du juge au notaire en cas de succession vacante

En l’absence d’héritiers jusqu’au 6ème degré, la succession est attribuée à l’Etat sous l’administration d’un curateur nommée par ordonnance du Président du Tribunal de grande instance. 

Cette nomination peut être demandée par tout créancier, toute personne qui assurait l’administration de tout ou partie du patrimoine pour le compte de la personne décédée, le ministère public, toute personne intéressée, et désormais un notaire.

Aucune mesure ne restreint la saisine du juge au seul notaire en charge de la succession.

Habilitation familiale étendue au conjoint (C. civ. art. 494-1 – ratification de l’ordonnance du 15 octobre 2015)

Initialement, seuls les ascendants, les descendants, les frères et sœurs, les concubins ou les partenaires de PACS pouvaient être habilités.

Désormais, le conjoint peut également être habilité, sauf si la communauté de vie a cessé.

L’habilitation reste néanmoins subsidiaire aux règles de droit commun de la représentation, aux règles des régimes matrimoniaux et aux stipulations du mandat de protection future conclu par l'intéressé.

Autres mesures
En matière civile

- Le délai de déclaration des naissances est porté de 3 à 5 jours (ou 8 jours lorsque l’éloignement entre le lieu de naissance et le lieu où se situe l’officier de l’état civil le justifie – un décret à paraître détermine les communes concernées par cette dérogation).

- Les demandes de changement de prénoms doivent désormais être déposées en mairie et non plus auprès des juges aux affaires familiales des Tribunaux de grande instance.

- La procédure de changement de la mention du sexe à l’état civil est démédicalisée. Toute personne, qui prouve, par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe à l’état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue, peut en obtenir la modification.

La preuve de cette discordance peut, notamment, être apportées lorsque la personne se présente publiquement comme appartenant au sexe revendiqué, est connu sous le sexe revendiqué de son entourage familial, amical ou professionnel, ou a obtenu le changement de son prénom afin qu'il corresponde au sexe revendiqué. L’absence de traitements médicaux, d’opérations chirurgicales ou de stérilisation ne peut plus motiver le refus de modifier la mention du sexe. 

En matière pénale

- Une conciliation préalable est obligatoire pour les litiges de moins de 4 000 €.

- L’action de groupe est ouverte en matière de santé, discriminations, discriminations au travail, environnement et données personnelles numérique. Un cadre légal commun est déterminé à cet effet (sont cependant exclues les actions de groupes intentées en matière de litiges de consommation soumis à la loi Hamon du 17 mars 2014).

- Le service d’accueil unique du justiciable est généralisé. Il facilite l’accès du citoyen à la justice et permet d’obtenir une information générale ou plus particulière sur une procédure en cours, même si elle relève d’une autre juridiction (à terme la saisine du juge et le suivi de l’avancement de la procédure seront dématérialisées grâce au site justice.fr).

 

 

  • Mise à jour le : 01/12/2016

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