Un logement familial détenu par une SCI n’est pas protégé (expertise Fidroit)

Par : edicom

La détention d’une résidence principale au travers d’une SCI peut générer des dégâts collatéraux (Cass. civ. 1. 07/2/2018 – Cass. civ. 1. 14/03/2018).

Ce qu'il faut retenir

Le logement de la famille bénéficie d'une protection spécifique durant le mariage, pendant une procédure de divorce et en cas de décès. Ces diverses protections peuvent être « neutralisées » lorsque l’immeuble est détenu par une SCI. Ainsi, l’époux associé et gérant d’une SCI qui détient l’immeuble dans lequel vivent gratuitement son épouse et ses enfants (sans droit ni titre) peut demander leur expulsion.
Cass.civ.1,7 fev 2018 n°17-10367

De même, l’époux peut vendre le logement dès lors que l’occupation n’avait donné lieu à aucune autorisation du gérant ou décision unanime des associés d’occuper le bien.
Cass.civ.1,14 mars 2018 n°17-16.482

Conséquences pratiques

Dans les deux affaires l’expulsion du conjoint ou la vente du bien sans son consentement ont été possibles uniquement parce que le conjoint ne justifiait d’aucun titre d’occupation.

Attention : La détention du logement familial via une SCI soulève également d’autres difficultés : perte de l’abattement de 30 % dans le cadre de l’IFI, perte des droits au logement temporaire ou viager du conjoint  survivant… Il convient d’attirer l’attention sur ces risques et de vérifier que les droits par lesquels le logement familial est assuré fassent l’objet d’une convention ou d’un bail entre les époux et la société.

Pour aller plus loin

Contexte

Les époux ne peuvent l'un sans l'autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille. L’époux qui n'a pas donné son consentement à l'acte peut en demander l'annulation.
C. civ. art. 215, al 3

L’application de ces dispositions en cas de détention du logement via une société dont l’un seulement des époux est associé et/ou gérant a donné lieu à de rares jurisprudences.

Le dernier arrêt important sur le sujet a ainsi été rendu en 1986. La Cour de cassation avait alors décidé que le conjoint qui n’avait pas donné son accord à la cession du logement familial pouvait en demander la nullité, dès lors que la société qui détenait ledit logement était fictive.
Cass.civ.1,11 mars 1986 n°84-12.489

La solution a évolué avec les nouvelles décisions.

Arrêt du 7 février 2018

Faits et procédures : Une SCI constituée par un couple et ses enfants avait cédé un bien immobilier à une société dont le mari est l’associé unique.
Postérieurement à cette cession, l’épouse s’est installée dans ledit immeuble avec ses enfants.
La société du mari a assigné l’épouse en expulsion et en paiement d’une indemnité d’occupation.
Arrêt : la Cour de cassation décide que la société, tiers propriétaire de l’immeuble, conservait la possibilité d’exercer des voies d’exécution à l’encontre de l’épouse.
Elle relève que Madame était occupante sans droit ni titre.

Arrêt du 14 mars 2018

Faits et procédure : Des époux et leurs enfants s’installent dans un bien appartenant à une SCI dont le mari détenait la quasi-totalité des parts.
Le mari, gérant de la SCI, obtient l’accord de l’assemblée générale pour vendre l’immeuble.
L’épouse demande l’annulation de la vente.
Arrêt : la Cour de cassation décide que la société pouvait vendre l’immeuble, dès lors que les époux ne pouvaient justifier : 
- ni d’un bail ;
- ni d’un droit d’habitation ;
- ni d’une convention de mise à disposition du logement par la SCI au profit de son associé.

Analyse

Suite à l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 11 mars 1986 on pouvait se demander quelle la solution aurait été rendue si la société n’avait pas été fictive.

La Cour de cassation avait déjà relevé dans cet arrêt qu’en tout état de cause, l’époux dirigeant avait donné son accord à l’occupation par sa famille, et que donc le consentement de son épouse à la vente était requis.

L’arrêt du 14 mars 2018 est particulièrement clair : seul le conjoint du dirigeant de la société qui peut se prévaloir d’un titre (d'une autorisation donnée par la société, d’un droit d’associé, d’un bail) bénéficie de la protection du logement familial. Il doit donner son consentement à l'aliénation de l'immeuble social dans lequel est situé le logement de la famille.

En revanche, à défaut de tout titre d’occupation, l’article 215 alinéa 3 ne s’applique plus et le consentement du conjoint de l’époux dirigeant ou associé n’est pas nécessaire : le principe selon lequel le conjoint du dirigeant de la société ne doit pas se voir reconnaître un droit de regard sur les affaires de celles-ci retrouve son application.

Dans ce cas, le consentement du conjoint  n'est pas requis à l'occasion de l'aliénation de l'immeuble social dans lequel est situé le logement de la famille.

  • Mise à jour le : 07/06/2018

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