L’Agirc et l’Arrco face à leur destin

Par : edicom

Compte tenu de leurs déficits techniques, les réserves des deux régimes complémentaires des salariés, l’Agirc et l’Arrco, devraient s’assécher respectivement en 2018 et en 2025.

Selon La Lettre du Cercle de l’épargne de novembre 2014, les partenaires sociaux doivent négocier au cours du premier semestre 2015 un nouvel accord. Pour le moment, ce qui est assez logique avant l’engagement d’une négociation, aucun consensus ne se dégage au niveau des partenaires sociaux pour trouver des solutions. Plusieurs pistes sont conflictuelles, comme l’augmentation des cotisations récusée par le patronat ou la diminution des pensions ou de valeur de rachat des points rejetée par les syndicats.

De même, ces derniers refusent la suppression du dispositif AGFF qui permet de verser sans décote les pensions complémentaires à partir de l’âge légal de départ à la retraite. En effet, en 1982, les régimes complémentaires avaient dû s’aligner sur le régime général pour l’ouverture des droits à retraite à partir de 60 ans. Parmi les autres pistes moins conflictuelles figurent la refonte de la réversion et la fusion Agirc-Arrco.

Quelle est la situation financière ?

Toujours selon La Lettre du Cercle de l’épargne, la situation est d’une simplicité biblique. Le nombre de retraités augmente avec le vieillissement de la population. A cette évolution naturelle, il faut y adjoindre un effet de cohorte. Les retraités des plus anciennes générations avaient des pensions réduites car ils avaient peu cotisé, les régimes complémentaires se sont mis progressivement en place après 1947. Leur généralisation à tous les salariés est assez récente car elle date du début des années 1970.

Aujourd’hui, les retraités des générations 1920 et 1930 sont remplacés par de jeunes retraités issus du baby-boom ayant accumulé des droits sans comparaison avec ceux de leurs aînés.

Jusque dans les années 2000, l’Agirc a bénéficié d’un contexte favorable. Il y avait une part croissante de la population qui accédait au statut cadre avec, en revanche, peu de retraités qui pouvaient y prétendre. Aujourd’hui, le nombre de cadres augmente lentement quand celui des retraités explose. Par ailleurs, la stagnation des salaires concerne également les cadres et pénalise, par voie de conséquence, leur caisse de retraite.

Actuellement, les dépenses de l’Agirc s’élèvent à plus de 21,7 milliards d’euros quand les recettes ne s’établissent qu’à 19,1 milliards d’euros. Le déficit s’accroît d’autant plus rapidement que le chômage augmente. Logiquement, Pôle Emploi est censé verser les cotisations des demandeurs d’emploi cadres ; or ce n’est pas le cas. L’arriéré de paiement est de plusieurs milliards d’euros.

Les régimes complémentaires sont des régimes par points avec un prix d’acquisition et un prix de restitution au moment de la liquidation des pensions. Une fois liquidées, les pensions sont actualisées en fonction des règles décidées par les partenaires sociaux qui gèrent les régimes. L’acquisition des points par les salariés s’effectue à partir des cotisations salariales et employeurs sur les salaires.

Avec la montée du chômage et avec la stagnation des salaires, les recettes des régimes de retraite complémentaire sont insuffisantes face à la montée inexorable des dépenses. L’absence d’inflation complique un peu plus la donne en réduisant le montant facial des cotisations. Les mesures prises par François Hollande de faciliter le départ à la retraite dès 60 ans n’a pas amélioré la situation. En l’état actuel, le déficit de l’Agirc et de l’Arcco est amené à se creuser assez fortement si la conjoncture ne s’améliore pas rapidement.

Comment l’Agirc et l'Arrco équilibrent leurs comptes ?

Les régimes complémentaires ne peuvent pas, en l’état actuel de la réglementation, être en déficit. Jusqu’à maintenant, l’Agirc comme l’Arrco ont puisé dans leurs réserves pour effacer leur déficit d’exploitation appelé technique. A partir du moment où il n’y aura plus de réserve, les deux régimes devront prendre des mesures radicales pour revenir à l’équilibre. Deux solutions existent, augmenter les cotisations et réduire les dépenses. Il s’agira plutôt d’amplifier un processus engagé depuis plus de vingt ans. Le rendement des régimes Agircet Arcco a fortement baissé depuis 1993.

Dans le cadre du dernier accord datant de 2011, les partenaires sociaux avaient prévu de ne plus actualiser le montant en fonction de l’inflation. Dans les faits, depuis 2013 et jusqu’en 2015, la valeur des points est gelée. Ils avaient prévu également de modifier les valeurs d’acquisition. Les décisions prises en 2011 portaient sur 5 milliards d’euros. Compte tenu de la situation économique, il faudrait doubler la mise.

Quelles pistes de réforme pour demain et après-demain ?

D’ici la fin du mois de juin 2015, les partenaires sociaux doivent conclure un nouvel accord qui comportera plusieurs mesures d’ajustement. L’obtention d’un consensus ne sera pas aisée au vu des divergences entre les partenaires sociaux.

Certaines des pistes envisagées ont peu de chances d’aboutir en l’état.

Le report de l’âge d’obtention de la retraite complémentaire sans décote

Comme pour les précédentes négociations, le Medef avancera l’idée de ne verser les pensions complémentaires qu’à partir de 65 voire 67 ans. Les régimes Agirc et Arrco n’ont jamais réellement intégré le principe de la retraite à 60 ans.

En effet, en 1982, la décision d’avancer l’âge légal de départ à la retraite de 65 à 60 ans pour les régimes de base s’est appliqué, par défaut et contre l’avis du CNPF de l’époque, aux régimes complémentaires qui ont dû prendre en charge le surcoût. A cet effet, il a été créé une contribution spéciale appelée AGFF qui permet de financer en partie les pensions versées entre 60 ans (progressivement 62 ans) et 65 ans (progressivement 67 ans). Ce système de compensation n’a jamais été pérennisé et fait l’objet de renégociation périodique. Le terme du précédent accord intervenu en 2011 est le 31 décembre 2017. A chaque renouvellement, le Medef menace de ne pas signer avec, comme conséquence, une chute potentielle des pensions de plus de 15 %.

Si l’accord AGFF était remis en cause partiellement ou totalement, cela signifierait que les salariés partant avant l’âge de la retraite (65, voire 67 ans) subiraient une décote en fonction du nombre de trimestres manquant. Jusqu’à maintenant, les gouvernements ont toujours obtenu un accord en menaçant d’imposer par la loi le versement des retraites complémentaires à partir de 60 ans

La fusion Agirc-Arrco

Au niveau de l’organisation, la question d’une fusion complète de l’Agirc et de l’Arrco devrait être envisagée. Elle permettra quelques économies de gestion, mais sans rapport avec les sommes à trouver. Cette fusion s’inscrirait dans un processus engagé depuis de nombreuses années. Une fusion pourrait s’accompagner d’une modification des taux de cotisation et des tranches de salaires.

La difficile augmentation des cotisations et la difficile diminution du rendement du point

Les syndicats seront tentés de demander une augmentation des cotisations employeurs, mais les entreprises s’y opposeront au nom du pacte de responsabilité. Comme dans le passé, la hausse pourrait être partagée entre salariés et employeurs. A terme, la valeur du point de rachat, celui servant à calculer les pensions pourrait être diminuée. Par ailleurs, il est fort probable que l’arme du gel des pensions complémentaires soit fréquemment utilisée dans les prochaines années.

Des mesures plus techniques… mais financièrement intéressantes

A défaut de pratiquer le grand soir, les partenaires sociaux pourraient adopter des mesures plus techniques. Ainsi, il est évoqué la possibilité de faire cotiser à l’AGFF (qui a en charge de financer les pensions jusqu’à l’âge de la retraite à taux plein) les cadres sur la tranche C de salaire, c’est-à-dire le montant de salaires dépassant 12 516 euros. Cette mesure ne peut à elle seule équilibrer les comptes de l’Agirc, mais devrait servir à atténuer des mesures impopulaires qui frapperaient tous les salariés. Le taux d’appel de cotisation pourrait être modifié. Aujourd’hui, il est de 125, c’est à dire que sur 125 euros payés, seulement 100 servent à acquérir des points. Il pourrait être porté à 130. Les règles de la réversion pourraient être revues. L’âge de versement de la réversion pourrait être aligné à 60 ans – au lieu de 55 ans – pour les deux régimes. Le taux de la réversion pourrait être diminué à 50 ou 54 %, au lieu de 60 % actuellement.

Source : La Lettre du cercle de l’épargne de novembre 2014

  • Mise à jour le : 12/11/2014

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