Les nouveautés de la loi de financement de la Sécurité sociale 2017

Par : edicom

Par Bruno Chrétien, président de l’Institut de la protection sociale, dirigeant des sociétés Factorielles et Previssima

Comme chaque année, la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) apporte son lot au bouleversement permanent de la législation. Comme l’an passé, l’année 2017 a constitué un petit cru.

Le texte est maintenant définitivement adopté après avoir passé les fourches caudines du Conseil constitutionnel qui, d’ailleurs, a rejeté peu de points importants. Nous avons fait le choix de nous focaliser sur les mesures les plus intéressantes en cette fin d’année, qu’elles relèvent du PLFSS ou de textes annexes.

Le « trou de la Sécu » aurait-il enfin disparu ?

Lors de la présentation du PLFSS, Marisol Touraine, ministre de la Santé, a annoncé que le déficit du régime général de la Sécurité sociale (maladie, retraites, famille, accident du travail) chutera à 400 millions d’euros en 2017, contre 3,4 milliards cette année.

- Sur un budget de 500 milliards d’euros, cela constitue l’épaisseur du trait.

- Même si le déficit du fonds de solidarité vieillesse (FSV) restera stable à 3,8 milliards d’euros

La présentation est même encore plus favorable pour le futur sur la base des hypothèses de la LFSS.

Mais que faut-il penser de ces hypothèses gouvernementales ?

Dénoncé de toutes parts, le PLFSS 2017 repose sur des hypothèses très optimistes. Dans son avis adopté le 23 septembre, le Haut conseil des finances publiques « considère que les prévisions de croissance du gouvernement pour 2016 et 2017 (+1,5 %) sont “un peu élevées au regard des informations connues”, et tendent à “s’écarter du principe de prudence qui permet d’assurer au mieux le respect des objectifs et des engagements pris en matière de finances publiques” ».

Les recettes

Les prévisions sont ainsi supérieures à la plupart des autres prévisions disponibles :

- les économistes anticipent plutôt en moyenne une croissance du PIB de 1,4 % en 2016 et de 1,2 % en 2017 ;

- si les prévisions d’inflation retenues pour 2016 (+0,1 %) et 2017 (+0,8 %) sont jugées « raisonnables », les prévisions d’emploi et de masse salariale pour 2017 paraissent, elles aussi « un peu élevées en lien avec les prévisions de croissance ».

Les dépenses

Côté dépenses, le Haut conseil estime que les risques pesant sur les dépenses sont plus importants en 2017 que les années précédentes :

- caractère « irréaliste » des économies prévues sur l’Unédic ;

- « fortes incertitudes » sur la réalisation des économies de grande ampleur prévues par l’Ondam [Objectif national de dépenses d’assurance-maladie, la régulation du système de santé depuis 1996, ndlr] ;

- « incertitudes également » sur l’évolution des dépenses de l’Etat et des collectivités territoriales (compte tenu notamment des facteurs d’accélération de la masse salariale), etc.

Recettes surévaluées, dépenses sous-évaluées, les bonnes techniques d’un budget peu sincère…

Taxation sociale de l’économie collaborative

Après avoir clarifié, l’an passé, le cadre juridique et fiscal des plates-formes numériques permettant la location de biens meubles (location de voitures) ou immeubles (Airbnb), le gouvernement fixe les règles concernant les prélèvements sociaux.

La LFSS pour 2017 fixe la limite entre :

- les revenus qui doivent être assujettis aux prélèvements sociaux en tant que revenus du patrimoine ;

- et ceux qui doivent être considérés comme des revenus d’activité professionnelle et assujettis en tant que tels.

La location régulière de logements meublés pour de courtes durées à destination d’une clientèle de passage et « incluant des services indissociables de la mise à disposition du logement » constitue une activité professionnelle :

- à partir de 23 000 € de recettes annuelles, la location de son appartement ou de sa maison de campagne nécessite de se déclarer en tant que professionnel et de payer les cotisations de sécurité sociale ;

- en dessous de 23 000 € de recettes annuelles, ou si aucune prestation de service n’est fournie, ces activités de location restent considérées comme des revenus du patrimoine et assujetties aux prélèvements sociaux sur le capital dans les mêmes conditions que l’impôt sur le revenu.

La protection sociale des TNS  a failli connaître un grand changement annulé en dernière minute par le Conseil

Le PLFSS prévoyait deux mesures importantes :

- une disposition visant à orienter une partie des ressortissants de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance-vieillesse (Cipav) vers le RSI : ce projet s’inscrivait dans la continuité des années précédentes (tutelle sur les réserves des régimes complémentaires de professions libérales, gestion des cotisations santé des libéraux confiées à l’Urssaf, etc.) ;

- une autre cherchant à mieux organiser entre le RSI et les Urssaf le recouvrement des cotisations auprès des TNS.

Réforme des règles d’affiliation des professionnels libéraux

La LFSS 2017 prévoyait ainsi de constituer « de manière progressive » un régime unique ouvert à l’ensemble des entrepreneurs ne relevant pas des professions libérales non réglementées. Cette mesure devait concerner :

- les nouveaux créateurs d’entreprise, devant être affiliés au régime social des indépendants pour l’ensemble des risques (ils le sont déjà pour la maladie) ;

- ceux qui ont déjà créé une activité et qui souhaitent être gérés dans ce nouveau cadre. Ils verront alors leur pension de retraite liquidée par le régime social des indépendants, « selon des modalités leur garantissant une bonne lisibilité quant aux droits à retraite précédemment acquis dans leur précédent régime ».

Avec ces nouvelles dispositions, ces derniers auraient bénéficié d’indemnités journalières et de droits à retraite plus élevés.

Cette protection sociale renforcée aurait concerné environ un tiers des professionnels libéraux au titre desquels les consultants, les infographistes, les détectives privés, les attachés de presse, les dessinateurs, etc.

- cette nouvelle couverture sociale devait s’appliquer au plus tard au 1er janvier 2019, aux professionnels débutant leur activité ;

- ceux qui sont déjà en activité pourraient aussi opter pour ce régime plus protecteur (mais uniquement dans le sens Cipav vers le RSI) ;

- pour les assurés dans cette situation, cela n’était pas sans poser de problème, notamment au regard des droits à réversion, bien différents entre la Cipav et le RSI.

Cette mesure est finalement censurée par le Conseil constitutionnel

Les paragraphes de l’article 50 prévoyant une réforme des règles d’affiliation des professionnels libéraux ont été censurés par le Conseil constitutionnel.

Les députés requérants ont estimé qu’en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin d’énumérer les professions libérales relevant ou non de la caisse des professions libérales, le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence.

Le Conseil constitutionnel leur donne raison et les paragraphes concernés sont considérés comme contraires à la Constitution.

En revanche, le Conseil n’a pas retenu le grief portant sur l’insincérité de loi, soulevé par les députés qui soutenaient que l’objectif de dépenses avait été sous-évalué et les économies attendues surestimées.

NB : seule reste la fusion entre les régimes de retraite d’artisans et de commerçants ; ce qui dans les faits ne change rien pour les assurés.

Les notaires vont enfin disposer d’un régime de prévoyance obligatoire

La Caisse de retraite des notaires (CRN) était, jusqu’alors, la seule section professionnelle des professions libérales à ne pas couvrir ce risque. Très longtemps, les notaires firent le choix de confier leurs garanties invalidité-décès à des partenaires assureurs, le tout dans le cadre de contrats souscrits en lien avec leurs structures professionnelles.

Depuis le 1er janvier 2017, cette situation est révolue avec la création d’un – petit – régime de prévoyance géré au niveau de leur caisse de retraite obligatoire. Les prestations n’en restent pas moins très modestes au regard des revenus des notaires.

Les prestations

- aucune indemnité journalière ;

- aucune prestation en cas d’invalidité partielle ;

- seule une prestation forfaitaire de 24 000 €/an est servie jusqu’à 62 ans ;

- en cas de décès : capital de 100 000 €, rente de conjoint (marié ou pacsé) : rente temporaire jusqu’à 62 ans, rente éducation de 18 000 €/an/enfant à charge jusqu’à moins de 21 ans sans condition et 25 ans en cas d’études supérieures. Cette rente est servie de manière viagère si l’enfant est inapte.

Les cotisations

Les cotisations à ce régime sont modestes :

- notaire en activité : 736 € par an ;

- nouveau notaire : 369 € par an.

NB : partir du 1er janvier 2017, le taux d’appel de la section C sera de 4,14 % au lieu de 4,50 %, soit une réduction annuelle moyenne des charges sociales de 1 300 €.

Cela signifie que pour la plupart des notaires, l’instauration de ce régime ne se traduira par aucune hausse des cotisations globales qu’ils versent à la CRN.

Les clauses de désignation devaient être à nouveau possible pour la prévoyance, mais le Conseil constitutionnel a rejeté cette disposition

L’article 32 de la loi de financement de la Sécurité sociale 2017 prévoyait de rétablir les clauses de désignation en prévoyance. Il donnait ainsi le droit aux partenaires sociaux d’une branche professionnelle de sélectionner des organismes assureurs (au moins deux) et de les imposer à toutes les entreprises de leur secteur pour assurer la prévoyance (garanties décès, incapacité, invalidité) de leurs salariés.

Les clauses de désignation ont été censurées par le Conseil constitutionnel le 13 juin 2013 comme étant contraires à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle.

Une deuxième censure est intervenue le 19 décembre 2013, à l’occasion d’une tentative déguisée de réintroduction de ces clauses dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 (à travers une hausse du forfait social pour les entreprises refusant l’organisme assureur imposé).

La décision du Conseil constitutionnel du 22 décembre 2016 est plus laconique : ces dispositions « ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la Sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution ».

Le Conseil constitutionnel n’a donc pas commenté cet article sur le fond, mais l’a rejeté au motif qu’il n’avait pas sa place dans cette loi.

Les amateurs de feuilleton en déduiront qu’il laisse la porte ouverte à un prochain épisode. Mais le contexte politique ne se prêtera pas à la réintroduction d’un tel amendement dans une nouvelle loi à discuter avant mai 2017.

  • Mise à jour le : 21/02/2017

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