PLF 2019 : baisse de 6 Md€ d’impôts, l’outre-mer renforcé

Par : Paola Feray

Baisser les prélèvements obligatoires, favoriser le travail et renforcer l’attractivité des entreprises, et simplifier la fiscalité, tout en continuant à mener une politique volontariste d’investissement pour une croissance durable, tel seraient les principaux objectifs de ce projet de loi de finances pour 2019 présentés lundi matin.

En 2019, les prélèvements obligatoires diminuent de près de 25 Md€, après une baisse de 10 Md€ en 2018. La transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allègement pérenne de cotisations sociales représente une baisse d’environ 20 Md€ financée par l’Etat par le biais d’un transfert supplémentaire de TVA à la Sécurité sociale. La politique du gouvernement conduit à réduire les prélèvements obligatoires pesant sur les ménages de 6 Md€ en 2019, après une baisse de 2 Md€ en 2018, sous l’effet des mesures déjà votées dans la loi de finances initiale pour 2018 : la poursuite du dégrèvement de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages (- 3,8 Md€) et la bascule cotisations/CSG (- 4,1 Md€) ne sont en effet que partiellement atténuées par la poursuite de la hausse des taxes à la pompe (+ 1,9 Md€).

Les grandes orientations du PLF 2019

Heures supplémentaires exonérées à compter du 1er septembre

Le PLF prévoit que toutes les heures supplémentaires travaillées à compter du 1er septembre 2019 seront exonérées de cotisations sociales. Cela se traduira par un gain de pouvoir d’achat moyen de 200 € par an et par salarié, assure-t-on du côté de Bercy.

Dans le cadre de sa politique en faveur des revenus des actifs, le gouvernement a supprimé les cotisations salariales à l’assurance-chômage et à l’assurance-maladie, prélevées sur les seuls salaires, et les a basculées sur la contribution sociale généralisée (CSG), afin de mettre à contribution l’ensemble des revenus. Cette mesure permet un gain net de pouvoir d’achat équivalent à 1,45 % de salaire brut pour l’ensemble des salariés du privé, soit environ 266 € pour un salaire de 1 500 € brut par mois.

Ces mesures en faveur de la rémunération du travail viennent compléter celles de la loi Pacte, en particulier, la suppression du forfait social sur l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés et sur la participation pour les entreprises de moins de 50 salariés permettra de mieux associer les salariés à la réussite de leur entreprise.

Poursuite de la suppression de la taxe d’habitation

La poursuite de la suppression de la taxe d’habitation contribue à rehausser le pouvoir d’achat de 80 % des ménages.

Exonération des cotisations d’assurance-vieillesse sur les heures supplémentaires au 1er septembre 2019

Plus tôt que prévu dans la loi de programmation qui avait positionné cette mesure en 2020, le gouvernement propose d’exonérer totalement la part salariale des cotisations d’assurance-vieillesse de base et complémentaire sur les heures supplémentaires et complémentaires à compter du 1er septembre 2019. Cette mesure s’inscrit dans la continuité de la suppression des cotisations salariales d’assurance-maladie et d’assurance-chômage en deux étapes au 1er janvier et au 1er octobre 2018 pour l’ensemble des salariés.

Bercy confirme que cette « mesure concerne l’ensemble des salariés du secteur privé, ainsi que les agents des trois versants de la fonction publique, qu’ils soient titulaires ou non. Pour un salarié du secteur privé, cette mesure permettra dans le cas général un gain de pouvoir d’achat équivalent à 11,3 % de la rémunération brute perçue au titre de chaque heure supplémentaire ».

Sur la base des dernières estimations disponibles, cette mesure pourrait concerner près de 8 millions de salariés, et engendrer un gain de pouvoir d’achat de 200 euros par an en moyenne (sur la base de 109 heures supplémentaires réalisées dans l’année et d’une rémunération horaire moyenne de 17,3 euros, données DARES 2015). Le gain annuel pour un salarié au SMIC serait de 155 € par an et de 279 € pour un salarié à 1,8 SMIC.

Le CICE transformé en un allègement de charges

En 2019, les entreprises bénéficieront de la transformation du CICE en un allègement de charges sociales, qui se veut « plus simple et plus lisible ». L’allègement de charges sera aussi renforcé : les cotisations patronales seront complètement supprimées au niveau du SMIC à partir d’octobre, ce qui favorisera les créations d’emploi pour les peu qualifiés.

Par ailleurs, les entreprises bénéficieront de la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, dont certaines caractéristiques clefs pour l’attractivité seront pérennisées grâce à la mise en conformité avec les règles de l’Union européenne (intégration fiscale, taux réduit pour les brevets, règles de déductibilité des intérêts d’emprunt).

Dans le détail, entré en vigueur en 2013, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) vise à favoriser la compétitivité et à soutenir les créations d’emploi par la baisse du coût du travail. Le crédit d’impôt de taxe sur les salaires (CITS) institué le 1er janvier 2017 a permis de réduire également le coût du travail pour les structures du secteur non lucratif. Pour mémoire, depuis le 1er janvier 2018, le CICE et CITS représentent respectivement une baisse du coût du travail équivalente à 6 et 4 points de la masse salariale pour les salaires inférieurs à 2,5 SMIC.

Même si le CICE a contribué à soutenir les créations d’emploi (de l’ordre de 100 000 emplois créés ou sauvegardés sur la période 2013-2015), à compter du 1er janvier 2019, le CICE et CITS seront transformés en un nouvel allégement de cotisations d’assurance-maladie de 6 points pour les rémunérations allant jusqu’à 2,5 SMIC.

Ce dispositif sera renforcé dès le 1er octobre 2019 par une augmentation d’environ 4 points du barème des allégements généraux au niveau du SMIC, dégressive jusqu’à 1,6 SMIC.

Crédit d’impôt et prélèvement à la source

Le PLF 2019 confirme ce qui avait été annoncé il y a quelques semaines en matière de crédit d’impôt avec le prélèvement à la source. En effet, pour éviter que les bénéficiaires de crédits d’impôt et réductions d’impôt n’aient à supporter le coût en trésorerie pouvant résulter du décalage entre la date du prélèvement et celle du versement de l’avantage fiscal, un nombre élargi de ces dispositifs, caractérisés par leur récurrence, fera l’objet d’une avance de versement portée à 60 % du montant des avantages perçus en 2018 au titre de l’année 2017 le 15 janvier 2019.

Ainsi, un versement sur le compte bancaire sera effectué dès le 15 janvier pour les contribuables ayant bénéficié d’un crédit ou d’une réduction d’impôt au titre, non pas seulement de l’emploi d’un salarié à domicile ou des frais de garde des jeunes enfants, mais aussi des dons, des cotisations syndicales, des dépenses d’accueil en Ehpad ou des investissements locatifs (Scellier, Duflot, Pinel, Censi-Bouvard).

Suppression de niches fiscales inefficientes

Le rapport de l’Inspection générale des finances sur les dépenses fiscales avait procédé en 2011 à l’évaluation de 538 dépenses fiscales. Malgré l’amélioration des outils de suivi, « certaines de ces dépenses fiscales continuent de peser sur le budget de l’Etat sans atteindre leurs objectifs », assure Bercy. A titre d’exemple, l’avantage dont bénéficient les employeurs pour la remise à leurs salariés de matériels informatiques et de logiciels est supprimé car « cette mesure destinée à inciter au développement généralisé de l’outil informatique dans la population active est obsolète ». Quatre autres dépenses fiscales inefficientes sont resserrées ou supprimées :

- la provision pour aides à l’installation consenties par les entreprises à leurs salariés sous forme de prêt ou de souscription au capital de l’entreprise créée ;

- l’exonération des plus-values de cession de titres de sociétés financières d’innovation (SFI) et parts de sociétés de recherche agréées et l’amortissement exceptionnel en faveur des entreprises qui souscrivent au capital de SFI ;

- la déduction de la part des excédents mis en réserves impartageables par les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) ;

- les dispositifs relatifs à l’acquisition et à la construction de logements sociaux dans les départements d’outre-mer.

Pour les entreprises

Choix entre IS et IR

Pour faciliter la croissance des entreprises, qui suppose en général, au-delà d’un certain niveau d’activité, le passage de l’imposition à l’impôt sur le revenu (IR) à l’imposition à l’impôt sur les sociétés (IS), les entreprises pourront désormais opter pour l’IS « sans que ce choix ne soit irréversible ».

En effet, elles pourront dorénavant, durant cinq ans, revenir sur leur choix d’opter pour une imposition à l’IS. Ce droit à renonciation facilitera le passage à l’IS en le rendant réversible et en rassurant ainsi l’entreprise sur le fait qu’elle peut revenir à l’IR si elle se rend compte a posteriori que cela est plus adapté à sa situation.

Le pacte Dutreil simplifié

Pour favoriser la cession des entreprises, dans un contexte où beaucoup d’entrepreneurs partiront en retraite dans les prochaines années et doivent transmettre leur outil de travail, l’étalement de l’impôt sur la plus-value de cession, lors du recours à un crédit-vendeur sera étendu aux entreprises de moins de 50 salariés et ayant moins de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires pour faciliter le financement de la cession d’une entreprise. Par ailleurs, le crédit d’impôt pour le rachat d’une entreprise par leurs salariés sera étendu : la condition tenant à la reprise par un nombre minimum de 15 salariés sera supprimée.

Le pacte Dutreil sera considérablement simplifié et modernisé, tout en conservant l’objectif consistant à assurer la pérennité d’une activité opérationnelle sous le contrôle d’un noyau dur d’actionnaires. En particulier, l’exonération partielle des droits de mutation ne sera plus entièrement remise en cause en cas de cession entre héritiers ou donataires en cours de pacte ; les modalités d’apport des titres à une société holding en cours d’engagement de conservation seront assouplies ; et l’obligation de déclaration administrative annuelle sera supprimée.

L’Exit Tax remplacé par une imposition des plus-values sur titres et valeurs mobilières

Pour renforcer l’attractivité du territoire français pour les investisseurs, notamment ceux qui s’installent en France en provenance de l’étranger, le dispositif actuel d’Exit Tax sera remplacé  par un nouveau dispositif d’imposition des plus-values latentes sur les titres et valeurs mobilières recentré sur les résidents français qui, ayant quitté le territoire national, cèdent leurs titres moins de deux ans après leur départ.

Régime société-mère et distribution de dividendes

Le traitement fiscal de certaines distributions de dividendes versées à l’intérieur du groupe, notamment celles inéligibles au régime des sociétés mères, sera révisé à la marge afin de prendre en compte la jurisprudence européenne récente. Par ailleurs, les subventions et abandons de créances consentis entre sociétés membres du groupe et la quote-part de frais et charges imposable à raison des plus-values de cession de titres de participation réalisées au sein d’un groupe ne seront plus neutralisés. En contrepartie, le taux de cette quote-part sera réduit de 12 % à 5 % pour se rapprocher des standards européens.

Régime de déductibilité des charges financières simplifié

La directive européenne du 12 juillet 2016 établissant des règles de lutte contre les pratiques d’évasion fiscale (ATAD pour Anti-Tax Avoidance Directive) prévoit une nouvelle règle limitant la déductibilité des frais financiers à 30 % du bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement (EBITDA). L’objectif est de limiter les biais favorables à la dette dans le système fiscal afin de favoriser le financement en fonds propres.

Il est prévu de substituer cette nouvelle règle à la règle actuelle limitant à 75 % le montant des charges financières déductibles (rabot) et d’en profiter pour supprimer ou réformer d’autres dispositifs plus ciblés de limitation de la déductibilité des charges financières. Les règles applicables en France seront dorénavant alignées sur celles en vigueur en Allemagne.

Lutte contre l’évasion fiscale renforcée

La loi de finances transposera en droit français la clause dite anti-abus général de la directive ATAD. Cette clause renforcera les moyens de lutte contre l’évasion fiscale en permettant à l’administration, dans le cadre d’une procédure fiscale de droit commun, de contester des montages dont l’objectif principal est l’obtention d’un avantage fiscal.

L’outre-mer grande gagnante

Les travaux menés lors des Assises des outre-mer ont relevé le caractère inégalitaire du dispositif de réduction d’impôt sur le revenu, dite réfaction DOM, qui ne bénéficie pas aux contribuables les plus modestes. Le PLF 2019 prévoit d’abaisser les plafonds de la réduction d’impôt, ce qui permet de recentrer l’avantage fiscal en excluant les plus hauts revenus. Elle permet aussi de rationaliser la dépense publique en affectant les économies réalisées au fonds exceptionnel d’investissement pour soutenir le développement des infrastructures essentielles dans les DOM (eau, assainissement, infrastructures numériques…).

L’abaissement des limites de la réduction d’impôt concernera 4 % des foyers domiens, pour un rendement de 70 millions d’euros, entièrement recyclé en crédits budgétaires en faveur de l’outre-mer.

La TVA-NPR supprimée

La taxe sur la valeur ajoutée dite  non perçue récupérable (ou TVA-NPR) est une subvention versée aux entreprises au moyen du mécanisme de la déduction de TVA. Les entreprises concernées sont en effet autorisées à exercer sur leur déclaration de chiffre d’affaires une déduction supplémentaire de TVA égale au montant de la taxe qui aurait été appliquée aux opérations d’importation ou d’achat qu’elles ont effectuées si ces opérations n’en étaient pas exonérées. Les Assises des outre-mer ont conclu que ce mécanisme était inefficace, cette dépense fiscale étant jugée « peu traçable, non pilotée et ses effets sur le développement économique apparaissant illisibles ».

Le PLF 2019 prévoit la suppression de ce dispositif au profit de l’allocation de crédits d’intervention, qui permettront « un financement plus efficace et mieux ciblé de l’économie et des entreprises dans les territoires concernés ».

La suppression de la TVA-NPR est compensée par la création d’un dispositif de crédits d’intervention mieux ciblés, pour un montant budgétaire équivalent, soit 100 millions d’euros par an.

Suppression des dispositifs ZRR et ZFU-TE et création de zones franches

Conformément aux conclusions du Livre bleu des outre-mer, le PLF 2019 réforme les dispositifs fiscaux zonés des départements et régions d’outre-mer en vue d’améliorer la compétitivité des entreprises ultra-marines. Cette réforme consiste en la suppression des dispositifs ZRR et ZFU-TE et en la création de zones franches d’activité nouvelle génération (ZFANG) mieux ciblées et renforcées en remplacement des actuelles ZFA.

Les dispositifs ZRR et ZFU-TE seront éteints progressivement et la situation des entreprises qui bénéficient déjà des exonérations ne sera pas remise en cause.

Une analyse menée en 2016 sur 606 entreprises bénéficiant de l’avantage fiscal ZFA par rapport à des entreprises qui ne l’ont pas demandé montre que l’emploi a progressé de 12,7% dans les entreprises en ZFA, contre 1,3% hors ZFA, soit 10 points de plus, et que le chiffre d’affaires a progressé de 20% pour les entreprises en ZFA contre 8,3% hors ZFA, soit 12 points de plus.

Les différents dispositifs fiscaux de soutien à l’investissement outre-mer prorogés jusqu’en 2025

Afin d’offrir la sécurité et la visibilité nécessaires aux investissements réalisés dans les territoires d’outre-mer, le PLF 2019 prévoit de proroger les différents dispositifs fiscaux de soutien à l’investissement outre-mer jusqu’en 2025.

Cette prorogation s’accompagne d’un meilleur encadrement de ces dispositifs afin de lutter contre des pratiques ou situations non conformes aux objectifs qu’ils poursuivent.

Ainsi, le PLF 2019 prévoit que :

- le délai minimal d’exploitation des hôtels, résidences de tourisme et villages de vacances bénéficiant de l’aide fiscale est porté à quinze ans ;

- le crédit d’impôt pour investissement productif est recentré pour que l’intégralité de l’avantage fiscal bénéficie effectivement aux seuls exploitants domiens ;

- les obligations d’inscription et de déclaration des intermédiaires en défiscalisation sont renforcées pour protéger les investisseurs et les exploitants.

Par ailleurs, il est proposé de supprimer la possibilité de recourir aux schémas historiques de réduction d’impôt ou de déduction fiscale pour l’acquisition et la construction de logements sociaux dans les départements d’outre-mer. Ces dispositifs, selon Bercy, « ne présentent en effet plus aujourd’hui d’utilité dans la mesure où les organismes de logements sociaux établis dans un département d’outre-mer bénéficient directement d’un crédit d’impôt pour la réalisation et la réhabilitation de leur parc locatif social ».

Investir dans une croissance durable

Le PLF2019 poursuit la hausse des fiscalités énergétiques, la prorogation du crédit d’impôt transition énergétique (CITE) et de l’éco-prêt à taux zéro, sous une forme simplifiée et renforcée, jusqu’à fin 2021.

  • Mise à jour le : 28/09/2018

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