Stratégies patrimoniales d’optimisation : attendre les présidentielles ou agir maintenant ?

Par : edicom

Par Jean-François Lucq et de Marie Guibert, ingénieurs patrimoniaux du groupe Banque Richelieu France

Le quinquennat présidentiel touche à sa fin et la France sera bientôt en campagne électorale. A l’issue de celle-ci, quelle que sera la couleur politique de cette nouvelle majorité, il est assez vraisemblable que la politique fiscale sera différente de celle que nous avons connue depuis 2017. 

C’est pourquoi un contribuable avisé doit se poser la question de l’utilité, pour lui et sa famille, de lancer dès maintenant une stratégie d’optimisation globale de sa situation, ou au contraire d’attendre la nouvelle donne fiscale pour procéder à des ajustements. 

Sans entrer dans des débats de politique-fiction, il nous semble important de mettre en évidence un certain nombre de points-clés, pour aider à prendre la ou les bonnes décisions.

Fiscalité courante : il semble judicieux d’agir maintenant. 

Aujourd’hui, le taux de taxation des dividendes et des plus-values est de 30%, prélèvements sociaux inclus, auquel on peut ajouter 3, voire 4% de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR).  Ce taux est même de 27,95% pour les plus-values des fondateurs d’entreprise. Si on revenait au régime fiscal précédent, les dividendes seraient taxés à 48%, et les plus-values rapides à 66% ! 

Une piste possible d’optimisation immédiate consiste à apporter ces valeurs mobilières à une société civile translucide, ou soumise à l’IS. En effet, cette opération fixerait définitivement le taux d’imposition des plus-values latentes à la flat tax de 30%. Attention toutefois, en cas de création d’une société civile non soumise à l’IS, à provisionner le montant de cet impôt, qui ne bénéficiera pas d’un régime de différé d’imposition. 

Concernant la trésorerie excédentaire et à défaut de résultat distribuable, il conviendra de garder à l’esprit la faculté de procéder à une réduction de capital lorsqu’on dispose d’une importante trésorerie, car cette opération est assimilée par la loi au régime des plus- values. 

En matière de plus-values sur actifs immobiliers, le régime actuel est moins favorable, car celles-ci donnent lieu à une imposition totale supérieure à 40%. Cette imposition est toutefois adoucie par un abattement progressif lié à la durée de détention du bien, toute taxation étant éludée au-delà de 30 ans de détention. 

C’est pourquoi, pour les biens détenus depuis une longue période, un apport à une SCI peut sembler judicieux, puisqu’il ne générera qu’un frottement fiscal léger. Il pourra permettre, de surcroît, de mettre en place une stratégie de transmission contrôlée aux descendants. 

Concernant les biens loués meublés, le statu quo devrait prévaloir. En effet, ces biens ne bénéficient pas d’une niche fiscale particulière, mais relèvent simplement du régime de droit commun des bénéfices industriels et commerciaux. 

Impôt sur la fortune : agir encore !

La réforme intervenue en 2017 a eu trois conséquences majeures. D’abord, en limitant la taxation aux seuls actifs immobiliers, le montant de cet impôt est devenu « supportable » pour de nombreux foyers fiscaux. Ensuite, par contrecoup, elle a rendu le plus souvent inopérantes les stratégies d’optimisation basées sur le plafonnement de l’impôt sur la Fortune. Enfin, et toujours par contrecoup, la nécessité d’une délocalisation des entrepreneurs après la vente de leur affaire a considérablement diminuée. 

Dans la perspective d’un retour à un Impôt sur la Fortune plus large, l’utilité de réactiver d’anciennes stratégies se révèlerait certainement judicieux. 

D’abord, les sociétés civiles immobilières sont un excellent moyen pour permettre de répartir la charge de l’impôt sur plusieurs foyers fiscaux distincts, à condition qu’on ne se limite pas à transférer seulement la nue-propriété aux descendants.

Par ailleurs, les nouvelles acquisitions devront faire la part belle aux dettes bancaires, tout en ayant conscience des dispositifs anti-abus mis en place par le législateur, notamment en matière d’emprunts in fine. 

Concernant les actifs financiers, des arbitrages d’actifs détenus en direct au profit d’actifs similaires détenus dans le cadre de l’assurance-vie se révèleront utiles pour activer à nouveau le plafonnement de l’impôt. 

Enfin, lorsque le foyer fiscal dispose d’importantes liquidités liées à un évènement patrimonial, la piste d’une société civile à capital faible et compte courant élevé devra être privilégiée, car les ressources qu’en tireront les constituants (remboursement progressif du compte courant) n’auront pas la nature de revenus fiscaux, et permettront de faire jouer à plein le plafonnement. 

Pour les dirigeants qui s’interrogent sur l’internationalisation de leur activité et de leur résidence, on conseillera d’anticiper sur 2021 leur départ de France, de manière à profiter de règles relatives à l’exit tax assez favorables, la plus-value latente lors du départ de France étant dégrevée au bout de cinq années passées à l’étranger. 

Transmission de patrimoine : agir toujours 

D’abord, la vérité oblige à constater que la forte hausse des actifs, tant immobiliers que financiers, augmente mécaniquement l’assiette taxable des héritiers et pousse les successions dans des tranches de droits plus élevées (30, puis 40, voire 45 % au-delà d’1,9 M€ de transmission). 

De plus, une diminution des abattements actuels (100 000 € sur les donations et successions, 75 % sur les transmissions d’entreprise bénéficiant de la loi Dutreil) n’est pas à écarter, en cas de disette budgétaire. 

Toutefois, une palette de solutions reste aujourd’hui disponible et utilisable. Ainsi, il est possible de mixer des donations immédiates (permettant d’utiliser les abattements actuels) avec une dette familiale, de manière à faire bénéficier les descendants des revalorisations à venir des actifs patrimoniaux. 

Le schéma idéal consiste alors à créer une société civile, dont le capital social sera essentiellement détenu par les descendants, et auquel les ascendants apporteront un complément de financement par un apport en compte courant d’associé. 

Il est également possible d’analyser l’intérêt d’acquisitions immobilières dans des zones bénéficiant d’un régime de transmission privilégié, comme celui de Monaco. 

Enfin, comme on l’a vu plus haut en matière d’impôt sur la Fortune, il est toujours possible aux parents de créer des structures patrimoniales à capital faible et compte courant élevé, dont le capital social sera détenu par les descendants, et qui utilisera les produits et plus-values générés par la structure pour rembourser progressivement le compte courant d’associé. 

On le constate clairement : agir est une nécessité. Et on ne saurait être trop prudent en entamant ces stratégies avant la fin de l’année, sans attendre le résultat des prochaines échéances électorales. 

  • Mise à jour le : 07/10/2021

Vos réactions