Libre installation : le Conseil d’Etat suspend le tirage au sort

Par : Paola Feray

Nouveau rebondissement dans le feuilleton de la libre installation des notaires : le tirage au sort vient d’être suspendu par le Conseil d’Etat suite à la décision du juge des référés estimant que les garanties prévues par l’arrêté ministériel du 14 novembre pour s’assurer de la régularité du tirage au sort sont insuffisantes.

Saisi le 22 novembre par un diplômé notaire parisien, le Conseil d’Etat vient de statuer sur référé en suspendant le tirage au sort tant décrié, que ce soit par les primo-installants suspectant leurs pairs installés de truster leurs places, que par le Conseil supérieur du notariat plus convaincus par la nécessité du concours. Un  tirage au sort décidé par la Chancellerie face à l’avalanche de demandes (30 000 pour 1 002 places d’ici un an, pour un total de 1 650 nouveaux offices en 2018 dans 247 zones partout en France), qui avait même saturé le 16 novembre dernier le serveur du site Internet dédié (opm.justice.gouv.fr). Face à la polémique, le ministre de la Justice avait précisé les modalités du tirage au sort en soulignant qu'il ne serait pas annulé.

L’arrêté du 14 novembre au centre des débats

La loi du 6 août 2015 dite loi Macron ou loi Croissance a libéralisé l’installation des notaires : elle a prévu la création d’un grand nombre de nouveaux offices notariaux. L’attribution de ces offices doit, en partie, se faire par un tirage au sort entre les candidats, dont les modalités sont prévues par arrêté ministériel en date du 14 novembre dernier (deux jours avant le début officiel des opérations d’horodatage). Le juge des référés du Conseil d’Etat a donc estimé aujourd’hui que « les garanties prévues par cet arrêté pour s’assurer de la régularité du tirage au sort sont insuffisantes et suspend donc son exécution. Le tirage au sort d’attribution des nouveaux offices doit donc être interrompu. »

Pour l’application de la nouvelle loi, un décret du 20 mai 2016 a prévu les modalités d’attribution de ces nouveaux offices : les demandes sont traitées dans l’ordre dans lequel elles ont été faites, et satisfaites s’il reste des offices vacants et si le demandeur remplit toutes les conditions (entre autres, celles d’être un primo-installant). Toutefois, si le nombre des demandes formées dans les 24 heures suivant l’ouverture du dépôt des demandes pour une zone est supérieur au nombre d’offices à attribuer, l’attribution se fait par tirage au sort entre ces demandes. Un arrêté du 14 novembre 2016 du garde des Sceaux a organisé les modalités de ce tirage au sort. C’est ce fameux dont le requérant, qui a souhaité demeurer anonyme demandait la suspension au juge des référés du Conseil d’Etat, par la procédure du référé-suspension. Une procédure qui permet en effet d’obtenir dans un bref délai la suspension d’un acte administratif en attendant que le juge se prononce définitivement sur sa légalité lorsque deux conditions sont simultanément réunies : comme le stipule cette procédure, « il faut qu’il y ait une situation d’urgence justifiant la suspension et qu’il y ait un doute sérieux sur la légalité de la décision administrative contestée ».

Urgence et « doute sérieux sur la légalité de la décision administrative contestée »

Le juge des référés a donc estimé que la condition d’urgence, nécessaire à son intervention, était remplie, puisque de nombreux offices allaient prochainement être attribués par ce tirage au sort.

L’arrêté prévoit que chaque candidature est retranscrite de manière anonyme sur un bulletin destiné au tirage au sort, que le tirage au sort a lieu dans les locaux du ministère de la Justice et est effectué manuellement  par un magistrat en présence d’un  représentant du Conseil supérieur du notariat. Il est précédé d’un décompte des bulletins effectué dans les mêmes conditions. L’arrêté prévoit également l’écriture d’un procès-verbal des opérations.

Cependant, le juge des référés a relevé que, « ni dans l’arrêté, ni dans les autres documents internes adoptés pour la préparation du tirage au sort, le ministre n’avait prévu des règles permettant de s’assurer de la régularité de la procédure tout au long du déroulement de celle-ci, depuis l’enregistrement de la candidature, jusqu’à la publication des noms des personnes devenues titulaire d’un office notarial. Il estime que cette insuffisance de garanties procédurales justifie la suspension de l’arrêté. Les opérations de tirage au sort doivent donc être interrompues ».  

Le juge des référés du Conseil d’Etat a donc statué en ce sens : « Article 1er : L’exécution de l’arrêté du 14 novembre 2016 fixant les modalités des opérations de tirages au sort prévues à l'article 53 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d'accès aux fonctions de notaire est suspendue jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur les conclusions formées par M. B. tendant à l’annulation de cet arrêté.Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A. B. et au garde des Sceaux, ministre de la Justice. »  

Dans un communiqué laconique, le Conseil supérieur du notariat « prend acte de la décision du Conseil d’Etat suspendant le tirage au sort pour l’attribution des nouveaux offices. Il rappelle qu’il a toujours contesté cette méthode et préconisé l’organisation d’un concours. »

Enfin, cette suspension restera en vigueur jusqu’à l’examen au fond du recours de ce diplômé notaire parisien demandant l’annulation d’un arrêté fixant les modalités du tirage au sort. Quid en attendant des primo-installants déjà tirés au sort ?

 

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  • Mise à jour le : 13/12/2021

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