Un vrai plan Marshall pour dynamiser le tourisme

Par : Benoît Descamps

Le marché français du tourisme semble s’être quelque peu reposé sur ses acquis. Face à une concurrence internationale toujours plus forte, le secteur se remobilise sous l’impulsion des pouvoirs publics. Un chantier lourd, mais nécessaire, et dont dépend grandement l’économie de notre pays.


La France, ses musées, ses plages, ses montagnes, sa gastronomie, sa culture, ses vins… et Paris ! Les raisons de venir ou de rester dans l’Hexagone pour ses vacances ne manquent pas. D’ailleurs, notre pays demeure la première destination du monde, avec 83 millions de visiteurs internationaux, soit 8 % du marché. Le tourisme représente un poids économique considérable (cf. tableau comparant le tourisme à d’autres secteurs). Un secteur sur lequel il convient de capitaliser pour permettre à notre économie de retrouver une bouffée d’oxygène. Car le secteur souffre de certaines carences bien identifiées.
D’ailleurs, le gouvernement Ayrault avait, en son temps, bien identifié la nécessité de redynamiser le tourisme en France et lancé les Assises du tourisme le 26 novembre dernier afin d’élaborer un programme d’actions pour faire de la France une destination d’avenir. Parallèlement, en matière d’emploi, François Nogue, président du conseil d’administration de Pôle emploi et directeur général délégué aux ressources humaines à la SNCF, avait remis le 7 novembre son rapport, intitulé Le tourisme, filière d’avenir - Développer l’emploi dans le tourisme, contenant pas moins de vingt-une propositions.
Autre action nationale plus ancienne, la mise en place par la loi du 22 juillet 2009 sur le développement et la modernisation des services touristiques d’une agence de développement dédiée, dénommée Atout France. Cette dernière est chargée de trois missions : promouvoir et développer la marque « Rendez-vous en France » à l’international, adapter l’offre à la demande nationale et internationale et améliorer la qualité, et enfin, accompagner l’ensemble des partenaires privés et publics afin de renforcer leur compétitivité économique.
Parmi les actions menées par ce GIE présent dans le monde entier, nous trouvons la stratégie marketing
« Destination France 2010-2020 ».

Un secteur fondamental de l’économie


Plusieurs chiffres permettent d’illustrer l’importance du tourisme dans l’économie française. Tout d’abord, la consommation touristique intérieure (CTI) s’élevait à près de 150 milliards d’euros en 2012 (149 milliards exactement), dont les deux tiers sont réalisés par les résidents, soit près de 99 milliards.
Et cette consommation est en augmentation régulière ces dernières années, en raison notamment de la hausse de la consommation des visiteurs étrangers, ce qui sera vraisemblablement encore le cas cette année. Ainsi, la CTI a progressé de 21 % entre 2005 et 2012, sous l’effet de l’augmentation des prix principalement (+ 17,7 %), les volumes ne progressant que de 2,8 %.
Le tourisme irrigue ainsi différents secteurs d’activité : hébergement, restaurants et cafés, activités culturelles, transports… (cf. graphique sur la dépense touristique en 2012). Il concerne pas moins de 275 000 entreprises, pour 1,1 million d’emplois directs et 1 million d’emplois induits, dont 700 000 emplois saisonniers.

 

Plus de 7 % du PIB !

Au final, le tourisme joue pour 7,3 % du produit intérieur brut en 2012, un chiffre en augmentation ces dernières années et qui n’inclut pas les retombées indirectes. Notons que les seuls visiteurs étrangers jouent pour 2,47 % de la création de richesse en France (cf. tableau poids dans PIB). 
Côté visiteurs français (nos compatriotes choisissent la France pour 90 % de leurs voyages), la consommation touristique intérieure joue pour 8,7 % de la consommation finale effective des ménages pour l’année 2012.
​Autres chiffres éloquents pour le tourisme français : le secteur générait un solde positif de la balance des paiements de plus de 7 milliards d’euros en 2011, et évalué à 11,3 milliards d’euros en 2012 (cf. tableau balance des paiments) ; et le montant des investissements touristiques a atteint 12,74 milliards d’euros en 2012, ce qui représente 3,2 % de l’investissement annuel en France.

Une concurrence mondiale accrue


A l’image d’autres secteurs d’activité, le tourisme fait l’objet d’une concurrence à l’échelle mondiale, même si de récents événements géopolitiques ont pu la ralentir. D’après les données de l’OMT (l’Organisation mondiale du tourisme), le tourisme international aurait rapporté, en 2009, quelque 852 milliards de dollars (soit 625 Md€), dont 94,2 Md$ (69 Md€) pour les Etats-Unis qui restent les leaders incontestés (cf. tableau).
Le secteur du tourisme reste particulièrement dynamique, avec un nombre de départ en constante augmentation. Ainsi, l’OMT a prévu une hausse de + 50 % pour la période 2010-2020. Entre 2011 et 2012, la croissance mondiale du secteur a été de plus de 4 % pour les déplacements internationaux de touristes. 
Néanmoins, premier pays d’accueil, la France a vu son volume d’arrivées de touristes étrangers progresser moins rapidement et voit donc sa position se fragiliser (cf. tableaux page suivante). De plus, la France ne se positionne qu’en troisième position en termes de recette, devancée par l’Espagne. Pour Atout France et son plan marketing « Destination France 2010-2020 », l’objectif est de positionner la France comme première destination européenne en recette, et ainsi dépasser l’Espagne.
En France, l’origine de ces derniers évolue fortement d’une année sur l’autre : « Ce sont les clientèles d’Europe et d’Asie qui assurent, en 2012, la croissance des arrivées de touristes étrangers en France, alors que les clientèles d’Amérique et d’Afrique sont en repli », souligne le rapport Le tourisme, filière d’avenir.
Par ailleurs, ce même rapport souligne que, « Selon le dernier rapport du Forum économique mondial, la France a reculé de la troisième à la septième place en termes de compétitivité dans le tourisme, devancée une fois encore par l’Allemagne et la Suisse. Sur la “priorité donnée au secteur du tourisme” par les pouvoirs publics, la France n’arrive qu’au 74e rang ! » 

Faire face à des mutations permanentes

La réservation par Internet


Internet contraint les professionnels du secteur à s’adapter. En effet, le recours au Web pour réserver une ou plusieurs composantes du voyage continue de s’amplifier.
Ainsi en 2012, 66 % des Français ont réservé leur voyage en ligne. « Ce taux est encore plus important pour les voyages à l’étranger. Le poids croissant des centrales de réservation dans la distribution, leurs marges souvent élevées, constituent un défi sérieux pour les professionnels indépendants », estiment les auteurs du rapport Le tourisme, filière d’avenir.


De nouveaux outils de gestion

Par ailleurs, le même rapport évoque diverses pistes permettant aux professionnels d’optimiser leur gestion. « Les nouvelles technologies facilitent l’introduction de méthodes de gestion plus fines : optimisation du chiffre d’affaires par la mise en place du Yield Management, segmentation de clientèles, offre dernière minute, réservations anticipées, cross-selling (vente d’un produit ou d’un service additionnel au moment de la réservation ou plus tard). »

 

S’adapter au consommateur

Le secteur doit aussi s’adapter à l’évolution des comportements des clients, des besoins et des formes de consommation (évolution de la pratique des sports d’hiver ou de plage, etc.), à la recherche d’offres associées (sportives, culturelles, etc.) à l’hébergement, mais aussi à la décorrélation croissante entre certains types de produits et leur clientèle traditionnelle.

 

La montée du haut de gamme et du confort

Côté hébergement, la tendance est clairement à une montée en gamme des demandes des consommateurs. Cela s’exprime dans les chiffres aussi bien dans l’hôtellerie, avec une hausse de fréquentation en 2011 pour les hôtels milieu ou haut de gamme (+ 27,3 % dans les quatre et cinq étoiles, + 7,2 % pour les trois étoiles), que dans les campings, avec un attrait des emplacements équipés, et des campings quatre et cinq étoiles. Cette demande de qualité se traduit également par le développement des chaînes hôtelières, aux normes standardisées, et dont le taux d’occupation est supérieur à celui des hôtels indépendants (65,1 %, contre 56,3 %). Ce goût pour le confort est encore davantage visible chez les touristes étrangers. 

 

Des segments d’activités fragiles


« L’économie touristique repose, en réalité, sur des modèles économiques divers, et parfois chahutés », estiment les auteurs du rapport.Plusieurs zones d’ombre ont ainsi été identifiées : des tensions croissantes dans le secteur de l’hôtellerie, et notamment de la petite hôtellerie (moins de 25 chambres) où un établissement sur deux est dans une situation précaire (50 % de taux d’occupation annuel pour 40 % des hôtels, saisonnalité trop prononcée, et absence de clientèle d’affaires susceptible de lisser l’activité, prix des chambres trop faible, difficulté de gestion des personnels, faiblesse des outils informatiques, des moyens promotionnels, travaux de modernisation insuffisants voire inaccessibles, affres de la mise aux normes) ; concentration des déplacements d’affaires dans les grands centres urbains et quelques spots touristiques ; disparition rapide d’entreprises dans certains secteurs (tourisme de montagne par exemple) ; tension entre la propriété des murs et l’activité d’exploitation, et disparition d’entreprises faute de repreneurs, chez les exploitants indépendants ; apparition de nouveaux modèles venant fragiliser les modèles commerciaux classiques (en partie lié au développement d’Internet, l’hébergement chez les particuliers).

 

Développer l’innovation et l’ingénierie touristique et fédérer les énergies


« Le développement de l’économie du tourisme dépend de la capacité des acteurs à comprendre les évolutions du marché, les attentes des clients, à proposer les services qui vont attirer de nouveaux flux de clientèles », préconise encore le rapport.
On parle ici non pas de territoire, mais de destination et de produit touristique, ou non pas de promotion d’offre touristique, mais d’ingénierie d’offres touristiques nouvelles.
« Le développement touristique passe par la mobilisation des acteurs de territoires, au premier rang desquels les intercommunalités, les départements et les régions. Il passe par la construction de véritables “stratégies de développement et d’invention touristique” », peut-on même y lire.
Ici, l’effort de tous est donc préconisé, aussi bien du côté du public que du privé avec : 
- les agences de développement touristique au niveau départemental qui construisent des outils de promotion des atouts touristiques du territoire, accompagnent les acteurs privés ou publics, apportent du conseil et de l’expertise en matière d’ingénierie touristique ;
- la mise en œuvre de schémas directeurs de développement touristique en région, construits autour de quelques axes clefs : l’analyse de l’état des lieux, des «  forces et faiblesses » de son territoire ; l’amélioration de la performance des entreprises de tourisme ; la construction d’une « marque » de destination ; l’accessibilité du territoire ; le développement de nouvelles offres. Ces schémas impliquent une coopération étroite entre la Région, les départements, les villes et les CCI.
- les apports d’Atout France, acteur majeur de l’ingénierie du tourisme français, qui œuvre autant sur le front international que national à la promotion du produit France. En effet, au-delà de sa mission première, la 
promotion de la destination France à l’étranger, Atout France vient également apporter son expertise au développement de l’offre en France.
D’ailleurs sur le plan national, la stratégie « Destination France 2010-2020 » souligne la nécessité de consolider les destinations existantes, et d’en faire émerger de nouvelles. Les contrats de destination répondent à la nécessité de fédérer les acteurs d’un territoire pour déployer une stratégie de développement, autour d’un plan d’action partagé.
Dans le cadre des Assises du tourisme, une consultation nationale qui était ouverte jusqu’au 10 février dernier (2 700 contributions) des enseignements, au nombre de neuf, ont pu être tirés pour développer ce secteur d’activité :
- proposer des circuits thématiques au sein des territoires (circuits d’œnotourisme, de gastronomie, de randonnée, de cyclotourisme, etc.) afin de promouvoir de nouvelles destinations ;
- créer des activités en dehors des saisons traditionnelles pour augmenter la fréquentation annuelle afin de diversifier l’offre ; 
- accroître les synergies entre les acteurs publics et privés (organisateurs d’événements, professionnels, etc.) pour développer le tourisme d’affaires et le tourisme événementiel ;
- améliorer la pratique des langues étrangères afin d’accueillir au mieux les touristes étrangers ;
- améliorer la qualité des formations pour dynamiser l’emploi dans le tourisme ;
- encourager la rénovation et la montée en gamme de l’hébergement existant pour favoriser l’investissement dans le tourisme ;
- renforcer l’efficacité de l’action des différents acteurs publics (Etat, régions, départements, offices du tourisme, etc.) autour d’une même destination pour en développer l’attractivité ;
- mieux valoriser l’offre touristique sur internet sous une bannière France ;
- et promouvoir un tourisme de proximité pour développer le tourisme des Français en France.
Autant de projets et d’initiatives ambitieuses qui sont à l’échelle des richesses de la France et de l’importance du tourisme pour son économie.   

  • Mise à jour le : 19/08/2014

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