L’Etat copropriétaire de tous les terrains construits : l’idée polémique de France Stratégie

Par : Paola Feray

C’est un rapport une nouvelle fois polémique que le Think-Tank France Stratégie, rattaché à Matignon, a produit mercredi. Sa solution : permettre à un Etat endetté de décréter qu’il devient copropriétaire de tous les terrains bâtis.

Décidemment, l’immobilier est dans la ligne de mire. Après la transformation de l’ISF en IFI, voilà que le laboratoire d’idées France Stratégie, rattaché au cabinet du Premier ministre, a publié un rapport dans lequel le Think-Tank suggérait de lever un nouvel impôt exceptionnel en surtaxant les propriétaires : l’Etat pourrait « décréter qu’il devient copropriétaire de tous les terrains construits résidentiels à hauteur d’une fraction limitée de leur valeur, et que ce nouveau droit de propriété est désormais incessible ». Pour en arriver là, France Stratégie s’appuyait sur un constat parlant : « Concomitamment à l’augmentation des dettes publiques, les vingt dernières années ont été marquées par une forte progression du patrimoine des ménages en Europe, en particulier immobilier, avec une distribution très inégale de cet enrichissement ».

Donc pour redorer son blason, toujours selon France Stratégie, «  La soutenabilité d’une dette publique excessive pourrait être crédibilisée en rééquilibrant comptablement le bilan patrimonial de l’Etat, par la voie d’un transfert d’actifs depuis le bilan des agents économiques privés résidents, ce transfert étant assimilable à un impôt exceptionnel sur le capital ».

Idée abracadabrantesque

Et voilà, la polémique est née. Et France Stratégie de poursuivre sur sa lancée : « En conséquence, l’Etat deviendrait créditeur d’une somme annuelle, correspondant à une part de la fraction de la rente immobilière associée à la copossession du terrain ». C’est-à-dire que l’Etat « deviendrait ainsi créditeur d’une somme annuelle, correspondant à la rémunération du droit d’occupation du sol ». Mais bien sûr, rassure le rapport, « tout propriétaire pourrait différer son paiement, dont le montant cumulé interviendrait alors au moment de la vente ou de la transmission du bien » (sic). Et ce n’est pas fini : « L’impact immédiat qu’aurait l’annonce de cette mesure serait double. D’une part, il crédibiliserait la capacité de l’Etat à rembourser sa dette, donc améliorerait la qualité de sa signature d’emprunteur sur les marchés financiers, diminuant d’un seul coup le taux porté par ses obligations publiques. D’autre part, il induirait une baisse instantanée de la valeur des biens immobiliers, puisque les transactions immobilières ne pourraient se faire désormais que sur un bien qui ne recouvrerait, en plus de la construction elle-même, qu’une partie seulement de la valeur du terrain, celle qui resterait possédée par le propriétaire cédant ».

Abracadabrantesque ! On marche sur la tête ! Même si le rapport souligne en bas de page que « les opinions exprimées dans cette note engagent leurs auteurs et n’ont pas vocation à refléter la position du gouvernement », on peut quand même s’interroger sur la pertinence de ce rapport dans une période de chamboule-tout fiscal. Un fiscaliste n’y retrouverait pas son Code, tandis que les propriétaires les plus aisés n’ont pas encore fini de digérer l’IFI.

Recadrage en vue

Face à l’ampleur de la polémique, un proche du Premier ministre a confié à l’AFP dès jeudi en début d’après-midi, que ce rapport était « irréaliste ». Edouard Philippe, toujours selon l’AFP, devrait annoncer vendredi un recadrage en règle de France Stratégie, qui pourrait même aller jusqu’à une « mise sous tutelle » de cette institution, émanation de l’ex-Commissariat au plan, habituée des vaines polémiques et des grenades dégoupillées.

  • Mise à jour le : 12/10/2017

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