Renforcer les compétences et la confiance pour libérer l’investissement productif

Par : Benoît Descamps

Dans la même rubrique, lire aussi Flécher l'épargne vers le financement des entreprises

Le 22 janvier, soit quelques jours avant le bouclage de ce numéro, est organisé le Grand rendez-vous de l’investissement productif (legrandrendezvousdelinvestissementproductif.fr). Nadia Hai, député LaREM de la 11e circonscription des Yvelines et membre de la commission des Finances, est la modératrice de la cinquième conférence portant sur les actions et engagements des conseillers en gestion de patrimoine et conseillers financiers. Cette dernière expose pourquoi les conseils des épargnants sont incontournables pour orienter davantage l’épargne des Français vers nos entreprises.

Profession CGP : Quels moyens comptez-vous mettre en œuvre pour orienter davantage l’épargne des Français vers les entreprises ?

Nadia Hai : C’est la notion de confiance qui doit être, plus que jamais, au cœur de la relation entre l’épargnant, l’entreprise et l’intermédiaire financier. Nous constatons, en effet, qu’il y a un manque de confiance envers l’économie, aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale, mais aussi à l’égard des intermédiaires financiers. Les deux crises majeures, de 2000 et de 2008, ont renforcé ce sentiment. Ce manque de confiance se traduit par une frilosité dans l’investissement financier. Il est temps de redonner confiance aux épargnants.

Les institutions financières, les conseils en gestion de patrimoine et les établissements bancaires se doivent d’orienter leurs clients vers des solutions selon leurs besoins, leurs objectifs, leur tolérance au risque et leurs projets de vie. Ces éléments doivent être au cœur de la relation client et il s’agit du rôle de ces professionnels, lesquels sont au plus près de l’évolution des marchés et des besoins clients. A eux de sélectionner et de créer les solutions selon le couple risque-performance souhaité par le client et son horizon d’investissement. Un des moyens phares serait, notamment, une meilleure formation initiale et continue des conseillers et leur information régulière en vue d’alimenter leur culture financière, et ainsi de mieux la diffuser auprès des épargnants. Il y a là, en effet, une piste très intéressante pour recentrer le cœur de métier du conseil financier vers son objectif premier, qui est de partir d’une approche solution et non pas d’une approche produit. Or une telle démarche requiert une bonne connaissance à la fois du client, des solutions d’investissement, du contexte réglementaire et des marchés financiers en vigueur.

Par ailleurs, la mise en place du PFU et la transformation de l’ISF en IFI visent à libérer des capitaux qui, nous l’espérons, s’orienteront vers les entreprises. Les clients ici concernés et potentiel intéressés de l’investissement en entreprise sont généralement rompus aux risques.

D’ailleurs, ceux soumis à l’ISF orientaient une partie de leur épargne vers les PME à travers des dispositifs fiscaux. Pourquoi ne continueraient-ils pas, avec cette fois des objectifs différents que ceux de la défiscalisation ?

Le Grand rendez-vous de l’investissement productif met à l’honneur les réflexions sur ces sujets en étroite collaboration avec les acteurs du secteur financier, avec qui nous comptons construire les solutions permettant d’améliorer l’investissement productif en France. Il s’agit d’un « partenariat moral » pour que chaque acteur du secteur financier et du monde de l’entreprise s’approprie à la fois l’ambition, les modalités et les nouvelles méthodes proposées, en vue de bien aiguiller les capitaux libérés.

PCGP : Justement, le dispositif ISF-PME supprimé, comptez-vous renforcer le dispositif à l’IR ?

N. H. : Tout à fait, et nous l’avons renforcé par une augmentation du taux de la réduction d'impôt sur le revenu prévue dans le cadre du dispositif Madelin-PME. Néanmoins, les flux drainés via l’IR ne seront pas suffisants, il me semble, pour permettre de compenser la disparition du régime de l’ISF-PME. Il s’agit là de réorienter les objectifs d’investissement en faveur du client et de ses appétences envers l’investissement en entreprise.

Avec le recul, on observe que ce n’est pas nécessairement ce type d’avantage fiscal incitatif qui participe de façon significative à l’investissement productif. Il existe d’autres leviers à actionner avec un potentiel plus probant pour l’investissement dans les entreprises.

Dans le même ordre d’idée, malgré un dispositif fiscal attrayant, le PEA-PME ou encore l’eurocroissance n’ont pas atteint les buts escomptés, ils méritent d’être repensés dans le but de l’optimisation de l’orientation de l’épargne vers l’investissement productif.

PCGP : Est-il nécessaire de créer de nouvelles enveloppes de détention ou de nouveaux produits ?

N. H. : La réflexion est ouverte, mais, effectivement, la solution passe peut-être par l’enrichissement d’une gamme de fonds innovante ou par la réactivation de certaines solutions d’épargne qui existent déjà, à l’instar du Perco, par exemple. Toujours est-il que ces solutions seront trouvées en concertation avec nos interlocuteurs, tout en veillant à ne pas construire des solutions contraignantes en termes de condition d’accès, de sous-jacents éligibles ou de sortie anticipée pour les épargnants. La flexibilité doit prévaloir.

PCGP : Restaurer la confiance des épargnants vis-à-vis des banques semble aujourd’hui difficile, tant leur image est écornée…

N. H. : En effet, l’actualité qui a marqué le monde de la finance a laissé des traces et a pu peser sur la confiance des épargnants pour ce qui touche à ce secteur. Ce manque de confiance se traduit soit à l’égard de l’institution bancaire, soit à l’égard du conseiller lui-même. Ma conviction est que l’information qualitative et personnalisée délivrée au client, et dans l’intérêt de celui-ci, est ce qui bâtit une relation de confiance. Plus le conseil sera adapté aux ambitions des clients, plus le client se sentira en confiance et acteur de sa démarche d’investissement. L’orientation de l’épargne vers nos entreprises ne pourra se faire sans entretenir cette relation. En parallèle, il y a matière également à développer une éducation et une culture financières auprès des épargnants pour une meilleure connaissance du fonctionnement des mécanismes financiers, tel que couple rendement-risque en matière d’investissement.

PCGP : De leur côté, les dirigeants d’entreprise financent généralement leur développement via l’emprunt bancaire. Comment les orienter davantage vers les marchés ?

N. H. : Les moyens de financement sont multiples : le Crowdfunding, le capital-investissement, tel que les Business Angels, les emprunts obligataires, par exemple.

Afin que les entreprises aient accès à des financements alternatifs, il est important que se développe une offre performante de conseil à destination des épargnants, dans une logique de diversification de l’allocation de leur épargne.

 

  • Mise à jour le : 24/01/2018

Vos réactions