La promesse de l’immobilier coté est toujours tenue

Par : edicom

Par Laurent Saint-Aubin, gérant actions immobilier Europe, gérant du FCP Sofidy Sélection 1 chez Sofidy

Malgré la chute de certaines foncières, essentiellement françaises, l’immobilier coté européen garde tous ses atouts historiques : constitué de valeurs à forte visibilité, il profite de loyers réguliers, d’une rentabilité solide et affiche une faible volatilité. La crise sanitaire a érigé des gagnants et des perdants. Le logement et la logistique sont dans la première catégorie, le commerce et le bureau dans la seconde. De belles histoires d’entreprises décorrélées de la conjoncture existent plus que jamais.

La crise du Covid est passée par là : les foncières françaises ne sont pas à la fête en Bourse depuis le mois de mars. Depuis le début de l’année, elles affichent des chutes comprises entre 76 % (pour Unibail) et 30 % (pour Gecina). A l’échelle européenne, ce n’est guère mieux : l’indice EPRA Eurozone est en recul de 20 % depuis le 1er janvier quand l’Euro Stoxx cède 12 %. Il est clair que l’immobilier a payé un lourd tribut à la période d’incertitude que le monde entier subit depuis la mi-mars. Et pourtant. Cette nette sous-performance cache une réalité plus subtile, celle de la dispersion des performances, venant confirmer qu’il n’y a pas un secteur immobilier avec un grand « I », mais des immobiliers avec un grand « S ». Si l’on regarde au-delà des frontières françaises – ce que l’on fait chez Sofidy puisque notre fonds n’est constitué qu’à hauteur de 13 % de valeurs hexagonales, mais 40 % de sociétés allemandes, 8 % britanniques et le solde de foncières scandinaves, belges et américaines –, la tendance est tout autre. Un titre, comme celui de la firme allemande Vonovia spécialisée dans le résidentiel, gagne 27 % depuis début 2020. Le groupe belge WDP, spécialisé dans la logistique, s’adjuge pour sa part 35 %.

De quoi démontrer que tous les segments de l’immobilier ne sont pas logés à la même enseigne. Le logement comme la logistique sont les grands gagnants de cette récente période. Le logement, pour une raison évidente : le confinement est venu démontrer l’importance vitale d’avoir un toit pour pouvoir abriter sa famille et dorénavant pouvoir télétravailler.

Ce segment est sorti renforcé de la crise et ce, d’autant plus qu’il apporte la régularité des loyers, indexés sur l’inflation, à ses propriétaires. Idem pour la logistique qui profite du formidable essor de l’e-commerce, du mode du Click & Collect et de la livraison à domicile (permise grâce à la gestion du dernier kilomètre).

Des gagnants et des perdants

Les résultats semestriels sont venus conforter cette tendance : les foncières résidentielles affichent des croissances organiques respectables et des hausses de valeurs : Vonovia a ainsi annoncé une hausse des loyers de 3,9 % sur un an glissant et des valeurs de +5,6 % au premier semestre). De même, les foncières d’entrepôts ont réussi à limiter l’impact de l’environnement économique grâce à l’accélération de la part de marché du commerce électronique.

A l’inverse, la crise du Covid a largement malmené les foncières de commerce pénalisées par les fermetures et les mesures sanitaires qui ont suivi. Ce segment souffre d’une réelle remise en question de son business model, alors que nombre d’enseignes ont déjà mis la clef sous la porte ou sont sur le point de le faire, privant les bailleurs de précieux loyers. L’incontestable succès du e-commerce ne cesse, il est vrai, d’interroger sur l’avenir des formats en dur. Ce questionnement taraudait déjà les experts avant le confinement.

Il n’est que plus omniprésent aujourd’hui. La mécanique est certes implacable : alors que la part de marché du commerce électronique outre-Manche était en mai de 32,8 % (+14 points en trois mois), les enseignes physiques sont de plus en plus nombreuses à décider volontairement de fermer tout ou partie de leurs points de vente physiques tout en tentant de renégocier leurs loyers et/ou de passer en loyers variables purs.

De son côté, le bureau n’est pas mieux loti. Les interrogations sont, là aussi, structurelles. Le télétravail va indéniablement réduire les besoins de mètres carrés et les locataires vont imposer des révisions à la baisse de leurs loyers pour rester. Lorsqu’ils ne vont pas associer les deux : réduire leurs surfaces et revoir les loyers. Largement cyclique, l’immobilier de bureau est, de toute façon, en mauvaise posture compte tenu des piètres perspectives de croissance économique nationales mais aussi mondiales.

Conséquence logique de ces évolutions récentes : le logement représente dorénavant 46 % de l’indice EPRA Eurozone quand le bureau n’entre plus que pour un tiers, le solde étant constitué de sous-segments, tels que ceux des résidences étudiantes et des établissements de santé.

L’investisseur est toujours gagnant

Est-il donc toujours légitime de s’intéresser à l’immobilier ? La promesse historique du secteur est-elle remise en cause ? Ce thème d’investissement est, à nos yeux, toujours aussi intéressant. D’abord, parce qu’en identifiant des valeurs à forte visibilité, profitant de loyers payés sur de longues périodes et bénéficiant ainsi de ressources suffisantes pour investir dans de nouveaux actifs, l’investisseur est toujours gagnant.

Les foncières de logement bénéficient actuellement de taux de collecte de loyers proches de 100 % alors que leur utilité sociale ne fait aucun doute. De quoi susciter un intérêt récurrent et propice à la détention de long terme. Les foncières de logistique profitent, de leur côté, de perspectives de hausse des loyers et d’une croissance concomitante de leur valeur, grâce à leur business model largement plébiscité.

Sachant que les actionnaires particuliers détestent la volatilité, l’investissement immobilier – plus particulièrement dans le logement et la logistique – offre, en outre, l’avantage de n’évoluer que dans d’étroites proportions. Quant aux épargnants séduits par les valeurs technos et souhaitant profiter de leur formidable parcours, ils peuvent tout autant jouer cette thématique avec l’immobilier. Il existe, en effet, des foncières spécialisées sur les datas centers, ces entrepôts qui abritent les millions voire les milliards de données des usagers d’Internet. Il n’y en a pas encore en France, mais il en existe plusieurs aux Etats-Unis, et notre fonds en possède l’une d’entre elles. D’autres foncières, à la limite de la thématique de l’infrastructure, ont également pour vocation de détenir des tours pour télécoms. Un actif très recherché, surtout dans la perspective de la généralisation de la 5G. Sur ce segment, plusieurs entreprises espagnoles et italiennes sont très intéressantes.

L’immobilier vit au même rythme que celui de notre société, de l’évolution de notre industrie et de l’économie mondiale. C’est pour cette raison que certains segments, hier plébiscités, le sont beaucoup moins aujourd’hui, alors que d’autres sortent la tête de l’eau et sont revisités à la >>>  lumière de nouvelles tendances et attentes sociologiques. D’où l’émergence des entrepôts de stockage pour les données (data centers) ou d’espaces de coworking pour coller aux nouvelles façons d’aborder le travail. Ces espaces s’adaptent à une demande urbaine de flexibilité et de mobilité de plus en plus manifeste, où la location à l’heure, à la journée, au mois prend le dessus sur la possession, où l’économie d’usage est devenue reine.

Des perspectives de croissance

C’est l’occasion de s’intéresser à des histoires décorrélées de la conjoncture et susceptibles d’offrir de belles perspectives de croissance. Comme celle de ces entreprises de stockage pour particuliers ou celle de ces sociétés louant des cabinets médicaux à des médecins, par exemple. Deux valeurs britanniques, Assura et PHP, sont dédiées à cette activité. Une autre, SBB, scandinave, est à la tête de casernes de pompiers, d’écoles ou de centres d’accueil pour organismes sociaux, et a donc pour locataires des acteurs publics. Elle peut ainsi compter sur des baux longs, payés rubis sur l’ongle, avec des taux de capitalisation impactés positivement par cette situation. Des valeurs idéales pour un portefeuille immobilier jouant le long terme et la régularité.

Autre avantage, et non des moindres, l’immobilier profite du contexte de taux d’intérêt toujours très bas, voire négatifs et bien parti pour le rester encore un bon moment. Cette situation est très avantageuse pour les groupes souhaitant profiter des aléas actuels pour acquérir de nouveaux actifs ou élargir leur spectre.

Au regard des taux allemands ou français, la prime de risque n’a jamais connu de tels écarts et le potentiel de hausse est très important. Si l’on regarde le niveau de LTV de la plupart des grands acteurs, celui-ci a toutefois beaucoup grimpé et ne milite pas pour des stratégies d’expansion non maîtrisées. En France, il n’est, par exemple, pas possible d’imaginer un mouvement de consolidation dans le résidentiel puisqu’il n’existe pas de pure players sur ce segment.

Si concentration il doit y avoir, elle se fera à coups d’acquisitions d’immeubles, y compris de bureaux en vue de les transformer en logements. Dans le commerce, même si le secteur est fragilisé, aucun rapprochement ne devrait voir le jour, personne n’osant mettre un prix sur des actifs difficilement évaluables. Depuis le mois de janvier 2020, on n’a d’ailleurs constaté que très peu de transactions. Certains, comme la foncière de commerce filiale de Casino, Mercialys, ont déjà commencé à réfléchir à s’adapter à la crise en recherchant des actifs dans la logistique, le coworking et en aménageant des logements au-dessus de leurs centres commerciaux.

En ces temps troublés, les pure players devraient toutefois mieux s’en sortir que ceux touchant un peu à tout. Une diversification à l’international n’est envisageable que pour les foncières de commerce compte tenu d’un modèle facilement reproductible, quel que soit le pays, et les foncières de logistique au regard de leur portefeuille de clients souvent globaux. Il n’en va pas de même pour les bureaux, chaque actif étant très particulier et inséré dans un environnement local bien spécifique. Cela a toujours été ainsi et la crise du Covid ne devrait rien modifier.

Possible regain d’intérêt

Dans ce contexte bien mouvementé et anxiogène, notre fonds Sofidy Sélection 1 a réussi à limiter la casse en ne cédant que 5 % par rapport au 1er janvier et en affichant même un gain de 3 % sur un an. Compte tenu des rebonds déjà opérés et de perspectives assez encourageantes pour plusieurs segments immobiliers en général et certaines valeurs en particulier, nous n’excluons pas de bonnes surprises d’ici à la fin de l’année, confirmant les deux grands atouts du secteur depuis longtemps : une promesse de loyers récurrents sur le moyen terme et une faible volatilité. Optimisme mesuré à relativiser toutefois au cas où l’on serait contraint de se confiner à nouveau. La nouvelle augurerait d’un nouveau coup dur pour l’économie mondiale. Et enverrait un signal particulièrement négatif aux secteurs ayant déjà lourdement pâti du premier confinement, à commencer par le commerce et l’hôtellerie.

Certains aspects conjoncturels militent pourtant en faveur d’un possible regain d’intérêt pour les valeurs immobilières. Le rebond des indicateurs économiques et boursiers (surtout de l’autre côté de l’Atlantique) depuis la fin mars sera, à nos yeux, difficilement soutenable dans le temps à ce rythme. Il a nourri un appétit pour le risque qui nous paraît exagéré. Ces éléments devraient conduire à une réappréciation des segments de croissance de l’immobilier en Bourse.

C’est la raison pour laquelle il nous semble toujours pertinent de rester confiant sur le potentiel de l’immobilier coté, avec une préférence forte pour les segments qui respectent « la promesse de l’immobilier » de loyers réguliers, stables sur longue période et indexés sur l’inflation. Promesse tenue par de larges pans de l’industrie : les bureaux prime, les logements, les entrepôts de logistique et les secteurs alternatifs.

  • Mise à jour le : 27/10/2020

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