Epargne-retraite  : quelle stratégie adopter ?

Par : edicom

Par Delphine Pasquier, directrice du développement de Prépar Assurance

Alors que le projet de réforme des retraites se profile et que la hausse des taux d’intérêts engendrée par le retour de l’inflation semble devoir se poursuivre, quel pourrait être le rôle des placements retraite dans le patrimoine des Français ?

Le retour de l’inflation a récemment rebattu les cartes des stratégies patrimoniales d’investissement. Au cours de l’année 2022, les marchés financiers ont été particulièrement chahutés (près de - 20 % pour le Cac 40, à fin septembre, et - 32 % pour le Nasdaq, à mi-octobre), et la remontée des taux a fortement impacté le cours des placements obligataires, tandis que les placements monétaires peinent à redevenir positifs. Dans ce contexte économique complexe, l’épargne des Français reste un enjeu de taille à la sortie de la période Covid, et leurs préoccupations pour l’avenir, importantes.

Le constat est double. Malgré la remontée des taux, investir son capital ou son épargne sur un placement sécurisé ne permet plus de le préserver de l’inflation. La prochaine réforme des retraites permettra au mieux de limiter la baisse du taux de remplacement actuel de ses revenus, à condition d’accepter le report de la liquidation de ses droits à retraite !

Avec la réforme à venir, ceux qui envisagent d’arrêter leur activité professionnelle avant soixante-cinq ans auront intérêt à se constituer un capital par un effort d’épargne personnel, afin de compenser la perte de revenus liée à une diminution ou à un arrêt anticipé d’activité.

Se constituer un patrimoine pour anticiper sa cessation ou diminution d’activité devient donc incontournable. Diverses solutions existent, des investissements immobiliers aux placements financiers. Parmi elles, l’épargne financière dédiée à la retraite sort son épingle du jeu.

Les Français l’ont bien compris : le plan d’épargne pour la retraite n’a jamais autant collecté qu’en 2022 ; selon France assureurs, les cotisations versées sur un PER assurance s’élevaient à 583 millions d’euros en septembre 2022, soit une hausse de 27 % par rapport à septembre 2021.

 

Un engouement pour le PER pleinement justifié ?

Le PER et plus particulièrement le PERI assurance présente de nombreux atouts : souplesse des modalités d’investissement, gestion financière diversifiée, avantage fiscal à l’entrée, frais de gestion maîtrisés, mais aussi modalités financières de sortie et protection de ses proches en cas de décès. Contrairement à l’ancienne enveloppe retraite Madelin destinée aux indépendants, le PER s’adresse à tous : salariés, non-salariés, personnes en activités ou non, y compris les retraités poursuivant une activité dans le cadre du cumul emploi-retraite. Il remplace donc à la fois les contrats Madelin et Perp.

Les versements sur un PER ne sont pas soumis à un engagement minimum annuel de versement : ils peuvent être libres ou programmés et ajustés à tout moment à la hausse comme à la baisse, voire stoppés, à l’identique d’un placement en assurance-vie. Ils s’adaptent donc particulièrement bien aux évolutions des capacités d’épargne du souscripteur qui reste libre de déterminer son niveau d’effort et de réaliser, s’il le souhaite, des versements complémentaires. Il bénéficiera en plus de la possibilité de déduire les primes versées du revenu imposable de son foyer fiscal(1) dans certaines limites(2) et sauf renonciation de sa part. Ce gain fiscal permet ainsi d’adoucir l’effort financier réalisé et d’accentuer ainsi l’impact des intérêts capitalisés.

 

Une gestion financière à soigner

En sélectionnant le produit d’épargne-retraite sur lequel investir, il convient d’être particulièrement vigilant aux options de gestion financière proposées. Si les PER doivent obligatoirement proposer une gestion pilotée désensibilisée au regard de l’horizon de retraite déterminé lors de l’ouverture du contrat, ceux qui proposent à la fois plusieurs gestions déléguées mais aussi une offre riche en gestion libre sont naturellement à privilégier.

En effet, poursuivre un objectif de constitution d’un capital pour la retraite engage l’investisseur pour une durée longue. Durant cette période d’épargne, le contexte économique va subir de nombreuses évolutions, tout comme les attentes et la sensibilité de l’investisseur. Si le contrat PER est transférable d’un établissement à un autre, les contraintes dues aux frais de transferts applicables dans les cinq ans qui suivent l’ouverture du contrat et les délais – encore longs à ce jour – liés aux transferts de cette épargne d’un établissement à un autre, doivent inciter à privilégier le placement qui offre le plus de souplesse de gestion. Les points d’attention seront alors de disposer d’un contrat qui permette à la fois une gestion multi-compartiments, qui ouvre la faculté d’allouer une partie du capital sur une ou plusieurs une gestion ou plusieurs déléguées, et une autre en gestion libre, tout en bénéficiant d’un large choix de supports (fonds croissance, immobilier, ETF, produits structurés, etc.).

Certains contrats offrent également une garantie plancher(3), facilitant le positionnement sur une gestion diversifiée ou dynamique plus en phase avec un horizon long d’investissement, en protégeant ses proches sur le capital transmis en cas de décès prématuré. Cette souplesse de gestion permettra alors de sélectionner les supports d’investissement les plus protecteurs vis-à-vis de l’inflation.

 

Plus de souplesse dans la récupération de son épargne à terme

La grande nouveauté apportée par le PER est la souplesse quant aux modalités de sortie : les contrats Perp et Madelin ne prévoyaient qu’une sortie en rente viagère(4), les PER offrent désormais la possibilité de choisir entre sortie en capital en une seule fois, sortie en capital fractionné sur plusieurs années (le nombre d’années de fractionnement constituera également un point d’attention dans la sélection de son contrat) ou en rente viagère. Il est aussi possible de combiner une sortie en capital et en rente.

Pour autant, le PER présente quelques inconvénients, dont le principal est l’impossibilité de récupérer son épargne avant la retraite, sauf acquisition de la résidence principale ou évènement subit (invalidité, décès, etc.).

En pratique, l’épargnant qui envisageait de partir à la retraite à soixante-deux ans et qui verrait sa date de départ reportée par l’application d’une nouvelle loi sera contraint de reporter également la récupération de son épargne s’il souhaite continuer à bénéficier d’une retraite à taux plein. En effet, le déblocage du PER est conditionné à la liquidation de sa pension dans un régime obligatoire d’assurance-vieillesse.

Autre inconvénient, l’épargne constituée sur un PER assurance et transmise en cas de décès aux bénéficiaires désignés sera soumise au régime fiscal déterminé selon l’âge au jour du décès (contrairement à l’assurance-vie pour laquelle la fiscalité est déterminée selon la date de versement des primes).

Ainsi, bien que les primes aient été versées avant le soixante-dixième anniversaire de l’assuré, s’il venait à décéder après son soixante-dixième anniversaire, c’est le régime fiscal de l’article 757 B du CGI qui s’appliquera : soit une exonération de 30 500 € tous contrats et bénéficiaires confondus – à l’exception du conjoint et du partenaire de Pacs, exonérés de droits –, puis l’application des droits de succession selon le barème déterminé en fonction du lien entre assuré et bénéficiaire. Contrainte complémentaire, cette fiscalité s’appliquera au capital constitué et non aux primes versées.

 

Verdict ?

Le PER peut être sans réserve qualifié de très bon placement retraite. Il reste toutefois judicieux d’y associer une assurance-vie qui, si elle ne permet pas de réaliser d’économie fiscale lors de la souscription, dispose d’une aussi grande souplesse de gestion financière que le PER et présente les avantages suivants :

- elle reste disponible à tout moment, y compris si l’on ralentit son activité professionnelle sans pour autant liquider ses droits à retraite, on peut alors mettre en place des rachats partiels programmés pour compenser une éventuelle baisse de revenus ;

- son régime fiscal applicable au capital transmis en cas de décès est plus favorable que celui applicable au PER assurance : le capital issu de versements réalisés avant soixante-dix ans reste soumis au régime fiscal de l’article 990 I du CGI, même en cas de décès après soixante-dix ans. Il permet une exonération des capitaux transmis à hauteur de 152 500 € par bénéficiaire puis application d’une taxation au taux de 20 % dans la limite de 700 000 € taxables et 31,25 % au-delà. Les primes issues de versements à compter du soixante-dixième anniversaire sont soumises à l’article 757 B du CGI (cf. ci-dessus), et les produits issus de ces primes sont totalement exonérés de droits ;

- le conjoint et/ou le partenaire de Pacs sont exonérés de droits.

 

1. Le texte prévoit la possibilité de faire bénéficier son conjoint de son plafond de déduction de primes, non utilisé.

2. Minimum annuel de déduction de 10 % du Pass N-1 et plafond de 10 % du revenu N-1 retenu dans la limite de huit Pass N-1. Les TNS bénéficient d’un plafond spécifique de 10 % du revenu professionnel de l’année en cours retenu dans la limite de huit Pass, majoré de 15 % du revenu professionnel de l’année en cours compris entre un et huit Pass, sans que ce plafond de déduction ne puisse être partagé avec le conjoint.

3. La garantie plancher vise à garantir la prise en charge de tout ou partie de la moins-value en cas de dénouement du contrat par décès. Elle est plafonnée à un montant et limitée dans le temps (décès avant un âge contractuellement déterminé).

4. Les contrats Perp offraient une sortie en capital limitée à 20 % de l’épargne constituée, aucune sortie en capital n’était possible pour les contrats dits Madelin.

 

La bonne stratégie

Ouvrir à la fois un PER et une assurance-vie et pondérer son épargne sur les deux enveloppes en fonction de son âge et de sa sensibilité. Par exemple, l’assurance-vie pourra être privilégiée dans la première moitié de vie professionnelle pour faire face à des besoins importants (aménagement de la résidence principale, études des enfants), puis la tendance pourra s’inverser en seconde partie de vie professionnelle, lorsque l’épargne disponible sera suffisante pour pallier d’éventuels besoins.

Exemple de répartition possible :

- de 25 à 35 ans : trois-quarts assurance-vie et un quart PER ;

- de 35 à 45 ans : deux-tiers assurance-vie et un tiers PER ;

- de 45 à 55 ans : 50 % assurance-vie et 50 % PER ;

- de 55 à 65 ans : un quart assurance-vie et trois-quarts PER (moins de besoins : études des enfants terminées, etc.).

  • Mise à jour le : 24/01/2023

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