Marché locatif : les loyers font profil bas

Par : edicom

Extraits de la dernière note de conjoncture du marché locatif privé, Clameur novembre 2015.

Pour la première fois depuis 1998, les loyers de marché reculent. Cette baisse entraîne une nouvelle dynamique des locataires, même si les propriétaires font plutôt grise mine. Le paysage locatif s’en trouve transformé.

Depuis le début de l’année 2015, la reprise d’activité du marché locatif privé s’est amplifiée. Habituellement, durant les mois d’été et au début de l’automne, la mobilité des locataires s’accroît. Mais cette année, elle s’est redressée bien plus fortement que durant les dernières années, retrouvant des niveaux élevés qui se constataient avant 2008. Mieux, elle s’inscrit dans la durée, tirée par la conjonction de trois grandes tendances : la vitalité de la démographie, les aspirations à une amélioration des conditions de logement liées au redressement du moral des ménages et les besoins de mobilité familiale ou professionnelle que la reprise économique renforce.

Une baisse quasi générale

Si on retient les vingt premières villes par le nombre des habitants, dans 70 % d’entre elles les loyers baissent et dans les autres villes, les loyers progressent très lentement. Dans aucune des grandes villes, les loyers de marché ne dérapent donc.

Au contraire depuis 2011, dans 80 % des villes de plus de 148 000 habitants, les loyers de marché ont augmenté moins vite que l’inflation (en moyenne chaque année, + 1,1 % d’après l’Insee, de 2011 à 2015). Ils ont même reculé à Angers, au Havre, à Lille, à Marseille, à Nîmes ou à Saint-Etienne. Et ils n’ont que très faiblement progressé à Grenoble, à Lyon, au Mans, à Montpellier, à Rennes, à Strasbourg et à Toulon.

Une tendance bien installée

Depuis le début de l’année 2015, et au-delà de leurs variations saisonnières, les loyers de marché sont orientés à la baisse. La tendance récessive des loyers s’est même renforcée durant l’été, et le sursaut automnal n’a été que très modeste : la diminution des loyers de marché mesurée à fin novembre est rapide, avec - 1,1 % à fin novembre, en glissement annuel.

Les petits logements, les premiers concernés

Si l’on se réfère à l’étude Clameur, les loyers des studios et une-pièce (22,2 % du marché) reculent deux fois plus rapidement que l’ensemble du marché, avec - 2,4 % en glissement annuel. Depuis le début des années 2010, c’est ce segment de marché qui a été le plus affecté par le mouvement de ralentissement puis de baisse générale des loyers de marché. Pour autant, le recul constaté en 2015 est inhabituel, sans précédent à cette période de l’année.

Les loyers des deux-pièces (33,2 % du marché) reculent, quant à eux, au même rythme que l’ensemble du marché, avec - 1 %. Alors que la baisse reste plus modérée pour les trois-pièces (26,5 % du marché), avec - 0,3 %.

Les loyers des quatre-pièces (12,1 % du marché) qui augmentent encore, le font à un rythme particulièrement faible : + 0,4 %, contre + 2,9 % en 2014 à la même époque. Dans le cas des cinq-pièces et plus (6 % du marché), les loyers restent pratiquement à niveau (+ 0,1 %), alors que l’année dernière à la même époque, ils progressaient de 3,3 %.

Ainsi, depuis 2011, les petits logements (deux-pièces et moins) ont connu une évolution des loyers de marché deux fois moins rapide que l’inflation : en moyenne chaque année, + 0,2 % pour les studios et une-pièce et + 0,5 % pour les deux-pièces, comparée à une hausse des prix à la consommation estimée à + 1,1 % par l’Insee. Dans le même temps, les loyers des trois-pièces ont crû au rythme de l’inflation. Seuls les loyers des grands logements (18,1 % du marché) ont, durant ces années, augmenté un peu plus rapidement que les prix à la consommation : + 1,4 % pour les quatre-pièces et + 1,5 % pour les cinq-pièces et plus, car ils restent très recherchés par les familles.

Un phénomène qui touche tout l’Hexagone

Toujours selon Clameur, les loyers de marché reculent dans une ville sur deux de plus de 10 000 habitants : en 2014, à la même époque, cette proportion était de 32,8 % ! Et ce pourcentage atteint 71,8 % pour les villes de plus de 100 000 habitants.

Les loyers baissent depuis le début de l’année 2015 à Caen, Le Havre, Lille, Marseille, Mulhouse, Nîmes, Perpignan, Rouen ou Saint-Etienne. Dans ces villes, le marché locatif privé est toujours en panne ou n’est pas encore suffisamment reparti et depuis 2011, les loyers de marché reculent, même si parfois des périodes de légère hausse viennent rompre la tendance. En outre, sur ces villes, l’évolution des loyers constatée depuis 2006 reste très en deçà de l’inflation, exception faite de Lille où le mouvement de ralentissement puis de baisse des loyers de marché ne s’est amorcé qu’au début des années 2010.

Les loyers baissent aussi sur Argenteuil, Besançon, Boulogne-Billancourt, Clermont-Ferrand, Grenoble, Lyon, Montpellier, Nancy, Nantes, Orléans, Rennes, Saint-Denis, Strasbourg, Toulon ou Villeurbanne. Et dans ces villes, les loyers ont augmenté moins vite que l’inflation depuis 2011. Dans la plupart de ces villes, la progression des loyers constatée depuis 2006 reste aussi en deçà de l’inflation, sauf sur Argenteuil, Boulogne-Billancourt, Lyon, Nancy, Nantes et Villeurbanne.

Toutes les régions ne sont pas égales face à la baisse

Depuis le début de l’année 2015, les loyers de marché baissent ou au mieux stagnent dans dix-sept régions : la baisse des loyers est plus rapide que la moyenne (de 1,3 % et plus) dans neuf régions : en Alsace (- 1,8 %), en Bretagne (- 1,7 %), en Haute-Normandie (- 2,4 %), en Languedoc-Roussillon (- 1,6 %), en Lorraine (- 1,3 %), dans les Pays de la Loire (- 2,5 %), en Poitou-Charentes (- 3,0 %), en Paca (- 1,8 %) et en Rhône-Alpes (- 2,8 %).

Elle est moins rapide que l’ensemble du marché (moins de 1,5 %) dans cinq régions : en Basse-Normandie (- 0,4 %), dans le Centre (- 0,4 %), en Ile-de-France (- 0,4 %), en Midi-Pyrénées (- 0,5 %) et dans le Nord-Pas de Calais (- 0,3 %), alors qu’ils réussissent juste à se stabiliser en Champagne-Ardenne, dans le Limousin et en Picardie.

A contrario, les loyers progressent encore un peu (moins de 1 %) dans deux régions : en Aquitaine (+ 0,1 %) et en Bourgogne (+ 0,9 %). La progression reste en revanche soutenue en Auvergne (+ 2,5 %) et en Franche-Comté.

Zoom sur Paris

Ça ne baisse pas, mais ça augmente moins

Selon les premières estimations issues de l’enquête annuelle (résultats définitifs en juin 2016) de l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (Olap), les loyers d’habitation du parc locatif privé ont augmenté en moyenne (tous locataires) de 0,8 % dans l’agglomération parisienne. Cette faible hausse traduit le triple effet d’une conjoncture économique morose, du décret annuel de limitation de la hausse et de l’encadrement des loyers de la loi Alur.

Les loyers du secteur libre ont progressé en moyenne de 1 % à Paris et en petite couronne – Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne –, alors qu'ils demeuraient quasi stables (+ 0,2 %) en grande couronne (Essonne, Seine-et-Marne, Val-d’Oise et Yvelines).

La colocation a le vent en poupe

Face à des loyers encore très élevés, les loyers en colocation ont significativement augmenté entre 2014 et 2015 : + 3 % sur l’ensemble du territoire. Ils atteignent désormais une moyenne de 459 € par mois, soit 14 € de plus que l’année dernière.

Si la moyenne des loyers français est incontestablement gonflée par les prix parisiens, son augmentation est surtout liée aux villes de province. Les colocataires à la recherche d’un remplaçant ont également demandé un loyer 1,6 % plus élevé par rapport à 2014.

Enfin, les propriétaires, dont les prix pratiqués sont pour l’instant les plus bas (443 € en moyenne), ont très fortement augmenté leurs prix : + 2 % en 2015. Car, au troisième trimestre 2015, en moyenne huit personnes étaient à la recherche d’une colocation pour une seule chambre disponible ! C’est 30 % de plus qu’en 2014 et 100 % de plus qu’en 2012 ! En haute saison, les plus fortes disparités entre l’offre et la demande se trouvent hors de la capitale. En effet, malgré ses neuf colocataires en recherche pour une chambre, Paris n’est qu’en huitième position des villes les plus demandées.

En tête du classement : Bordeaux, avec vingt colocataires pour une chambre disponible. Elle est suivie par Nantes et Rennes avec un ratio respectif de 14 et 13 colocataires pour une chambre. Par ailleurs, la totalité des principales villes de province ont noté une progression de la demande en 2014. On peut même parler d’une « explosion de la demande » pour les villes de Bordeaux (+ 81 % de demande) et Rennes (+ 86 % de demande).

Si les étudiants occupent également une part importante de la communauté des colocataires (44 %), ils sont dorénavant suivis de très près par les professionnels avec 40 % d’actifs.

Des bailleurs peu enclins à l’entretien et à l’amélioration

Point besoin d’être grand clerc pour constater que dans ce cadre, les bailleurs ne sont guère tentés d’investir pour améliorer ou tout simplement entretenir leurs logements. A quoi bon, puisque de toute façon…

Analyse largement partagée par Clameur, qui constate la baisse des loyers de marché s’accompagne d’un relâchement de l’effort d’amélioration et d’entretien des logements (les relocations après travaux) : 16,5 % des logements reloués ont bénéficié de gros travaux d’amélioration et d’entretien avant leur remise en location depuis le début de l’année 2015.

L’effort s’établit maintenant nettement sous sa moyenne de longue période : le constat est inquiétant pour l’avenir (dégradation de la qualité du parc, détérioration des conditions de logement, etc.).

Depuis deux années, en effet, l’effort d’amélioration et d’entretien s’est considérablement relâché. En outre, depuis le début de l’année 2015, le repli de l’effort d’amélioration et d’entretien des logements est particulièrement prononcé sur Paris.

Alors que de 1998 à 2014, ce sont 38,1 % des logements qui, chaque année, étaient remis sur le marché après réalisation de gros travaux (voire 44,2 % de 2009 à 2014), la proportion n’est plus que de 23,0 % sur un marché inquiet et hésitant : la mise en place de l’encadrement des loyers n’étant guère de nature à rassurer les bailleurs.

Laissons la conclusion au professeur Michel Mouillart, professeur d’économie à l’université Paris-Ouest, spécialiste de l’économie immobilière à l’initiative de l’observatoire Clameur : « Afin de faciliter les remises en location et de contenir les pertes de recettes dues à la vacance, le maintien d’un effort d’amélioration à haut niveau s’imposerait donc : mais sans garantie sur le “retour sur investissement”. Aussi, alors que l’environnement des marchés est dégradé et incertain, les propriétaires-bailleurs diffèrent ou abandonnent de plus en plus fréquemment leurs projets d’amélioration et d’entretien de leur patrimoine ».

  • Mise à jour le : 14/03/2016

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