PLF2020 : le PTZ prolongé en zone B2 et C jusqu’à fin 2021?

Par : Paola Feray

Crédit photo : Assemblée nationale

Alors que sa mort en zone rurale au 1er janvier 2020 était annoncée après un premier coup de rabot en 2018, un amendement adopté par les députés lors de l’examen du PLF2020 donne un sursis au PTZ dans le neuf en zones B2 et C jusqu’à fin 2021 contre l’avis du gouvernement… et de l’Inspection générale des finances.

Le prêt à taux zéro dans le neuf en zone rurale appelé à disparaître au 1er janvier est en mode réanimation. Vendredi 15 novembre, des députés ont approuvé une série d’amendements déposés par des parlementaires de droite comme de gauche et un élu de LaRem, dont celui de Sylvia Pinel, l’ancienne ministre du Logement.

En défendant son amendement (n° 2064) après l’article 50, Sylvia Pinel appelle de ses vœux le maintien du PTZ dans des communes détendues (zones B2 et C) pour « soutenir l’activité du bâtiment qui est indispensable. On estime que la suppression du PTZ pourrait menacer à peu près 19 000 emplois. Ce sont 12 000 ménages qui seraient privés de ce parcours résidentiel. Vous savez que dans la politique du logement, ce qui est essentiel est de fluidifier les parcours et donc de permettre à des ménages qui sont aujourd’hui dans un autre parcours résidentiel sont bien souvent locataires, locatif social bien souvent également, de devenir propriétaires ».

On se souvient en effet que l’APL-accession a été supprimé il y a trois ans, et Sylvia Pinel déjà vent debout « contre une politique [du logement] qui nous conduit dans le mur » de poursuivre : « pour cela il faut les solvabiliser, et le PTZ permet de le faire. Je rappelle que la suppression de l’APL-accession fait défaut. Ne supprimons pas un outil qui est indispensable pour nos concitoyens mais aussi pour l’aménagement des territoires, et en particulier des zones B2 et C qui ont besoin de renforcer leur attractivité ».

Un rabotage malvenu ?

Déposé par Sylvia Pinel, député PRG, l’amendement proposant de maintenir le PTZ neuf dans les zones B2 et C pour les années 2020 et suivantes, vise à maintenir le bénéfice du prêt à taux zéro (PTZ) pour l’acquisition d’un logement neuf dans les zones B2 et C à compter du 1er janvier 2020. 

Au 1er janvier 2018, la quotité de PTZ a été rabotée dans l’immobilier neuf en B2 et C ; étant précisé qu’à partir de 2020, le PTZ neuf disparaitrait sur ces territoires. Cette mesure était et reste justifiée par la volonté de lutter contre « l’artificialisation des sols » en favorisant les zones déjà urbanisées, notamment au travers du PTZ ancien avec travaux sur les territoires supposés non tendus  et du dispositif Denormandie  dans les villes moyennes. « Or, le coup de rabot de 2018 s’est traduit par une chute considérable de la distribution du PTZ sur ce segment, mais sans transfert vers le PTZ ancien (en baisse aussi) ou vers le PTZ neuf en A et B1 (en baisse encore). De plus, la reprise des ventes en neuf depuis le début 2019 – grâce à l’assouplissement des conditions de crédit – concerne l’individuel pur, mais pas l’individuel groupé, ni le collectif. Au global, ces éléments permettent de conclure que le rabotage du PTZ neuf en zones B2 et C a manqué ses objectifs en termes de lutte contre l’artificialisation. De fait, les ménages modestes ou sans apport ne se sont reportés ni sur l’existant, ni sur le neuf en zone plus tendue, ni sur l’individuel groupé ou le collectif neuf. Sans doute leurs capacités de financement ne le leur permettaient pas. Profitant néanmoins de l’amélioration des conditions de crédit, ces ménages sont revenus sur le marché en 2019, mais pour des opérations dans le diffus, sur des territoires encore plus éloignés des centres-villes ou des centres-bourgs, là où le foncier est moins cher. Par conséquent, le risque d’artificialisation se trouverait donc davantage renforcé en supprimant totalement le PTZ en zones B2 et C ! »

Les acteurs du bâtiment soulagés

La Fédération française du bâtiment (FFB) et son président Jacques Chanut ne cachent pas leur satisfaction. Le secteur de la construction se montraient particulièrement inquiets du PLF 2020 : « Outre les mauvaises nouvelles concernant la complexité et la baisse des aides lors de la transformation du CITE en prime, il confirme la suppression du PTZ neuf hors grandes agglomérations. La fracture territoriale s’en trouvera accentuée et le mitage du territoire, accéléré ». Jacques Chanut renchérissant même qu’« après la mise en place de l’IFI, la suppression de l’APL accession, le rabotage du PTZ neuf en zones B2 et C et l’élagage du Pinel en B2 intervenus en 2018, puis le tour de vis sur le CITE de 2019, ce troisième budget consécutif à la baisse pour la construction menace l’un des seuls secteurs qui tire la croissance en France. Veut-on casser l’outil ? En effet, ce PLF est néfaste à l’activité et à l’emploi dans le bâtiment mais rappelons que ce sont les députés et sénateurs qui ont la responsabilité du vote de la loi. Nous demandons à nos fédérations départementales, à nos artisans et entrepreneurs, d’aller au contact de leurs parlementaires pour leur proposer les indispensables mesures correctives pour sauvegarder l’emploi sur l’ensemble du territoire national. »

Les députés ont donc reconduit jusqu’à fin 2021 le PTZ en zones B2 et C contre l’avis d’un rapport d’évaluation du dispositif d’octobre 2019 de l’Inspection générale des finances au regard de son objectif de primo-accession à la propriété des publics modestes, afin d’apprécier notamment l’effet déclencheur du PTZ et son impact sur l’artificialisation des sols. La mission a pu en particulier examiner l’impact de la réforme de 2018, qui a réduit de moitié l’intensité du PTZ en zones détendues (B2 et C). La mission s’est attachée à différencier ses analyses en fonction des zones ainsi que de la nature des logements acquis.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un rapport de l’IGF dynamite le PTZ en zone rurale

Si le rapport souligne que « Le dispositif bénéficie d’un circuit de distribution efficace » et que « Le produit a une excellente notoriété auprès des bénéficiaires potentiels et une bonne image auprès d’eux », « Les collectivités territoriales ont par ailleurs déjà la possibilité de mettre en place des aides propres à l’accession sous conditions de ressources, y compris sous forme de prêt bonifié. D’après les investigations conduites par la mission, le PTZ ne parait pas avoir d’impact propre sur la nature ou la localisation des biens acquis. Par ailleurs, à partir des données très limitées dont elle a pu disposer, elle n’a pas mis en évidence d’effet spécifique sur l’artificialisation des sols. La construction de maisons individuelles a diminué en 2018, année de réforme du PTZ qui a réduit de moitié l’aide qu’il apportait en zones détendues (B2 et C). La mission a examiné si cette baisse était imputable à la réforme. La mission a construit un indicateur permettant de distinguer les cas où le PTZ est présumé avoir eu un impact décisif sur l’acquisition du ménage, qui met en évidence une perte d’efficacité résultant de la baisse des taux d’intérêt. En zone B2 et C, avant la réforme, le PTZ était décisif pour respectivement 13 % et 9 % de ses bénéficiaires. Sa réforme avait alors peu de raisons objectives d’exercer un effet significatif, ce que confirme l’analyse des chiffres de la construction : le nombre de permis de construire octroyés pour des maisons diminue de manière globalement uniforme et ne porte pas la trace d’un effet spécifique aux zones touchées par la réforme. La mission recommande donc de ne pas réintroduire de PTZ sur le neuf dans les zones B2 et C au 1er janvier 2020 ».

Ce sera ensuite aux sénateurs d'étudier cet amendement et d'y apposer ou non leur blanc-seing… Mais quid de la position du gouvernement opposé à cette prolongation du PTZ en zone rurale ?

 

  • Mise à jour le : 21/11/2019

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