Donation d’un bien immobilier dont le financement n’est pas achevé
Extrait de Fidnet, la solution digitale de Fidroit
Question
Peut-on donner un bien immobilier lorsqu'un prêt est en cours ?
Réponse
Oui, il est possible de donner un immeuble alors même qu’un prêt est en cours sur le bien, et sans avoir à procéder à son remboursement.
Cependant, le donateur devra :
- vérifier si le transfert du bien n’entraine pas la déchéance du prêt et l’obligation pour le donateur de rembourser immédiatement et par anticipation le solde du prêt ;
- consulter les conditions générales du prêt pour vérifier les conditions de transmission du bien. Il est souvent prévu que la mutation du bien (vente, voire donation), nécessite l’accord préalable du prêteur (banque).
Ainsi, le prêteur pourrait :
- refuser la donation du bien ;
- accepter la donation avec une conservation du prêt par le donateur ;
- accepter la donation ainsi que le « transfert » du prêt au donataire.
Donation de l’immeuble et conservation du prêt par le donateur
Après autorisation du prêteur, le donateur peut procéder à la donation de son immeuble, tout en conservant, pour le donateur, la charge du crédit.
Les avantages de la donation avec réserve de l’emprunt
Elle permet au donateur d’anticiper sa transmission sans pénaliser le donataire en l’obligeant au remboursement de la dette. Ce dernier pourra bénéficier d’un immeuble libre de charge.
De plus, si aucune garantie ne repose sur l’immeuble ou le donataire, il devrait être possible de réaliser la donation au profit d’un enfant mineur ou d’un enfant majeur sous protection (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice ou habilitation familiale).
Remarque : Cette donation avec réserve de l’emprunt à la charge du donateur ne présente pas d’avantages fiscaux particuliers . Les droits de donation sont calculés sur la valeur vénale de l’immeuble.
Le sort des garanties
* Concernant les garanties réelles :
- En présence d’une hypothèque ou d’un privilège de deniers
Il s’agit de sûretés réelles portant sur l’immeuble, qui sont transmises avec le bien. BOI-REC-GAR-10-20-10-40 § 110 à 150
Remarque : Cette solution peut être pénalisante pour le donataire qui voit donc son bien grevé d’une garantie et qui pourra être saisi par le prêteur en cas de défaut de paiement des échéances par le donateur (en effet, le créancier dispose d’un droit de suite sur le bien, y compris s’il a changé de propriétaire).
Par ailleurs, il est probable que le prêteur demande au donateur, qui conserve le prêt à sa charge, de souscrire une nouvelle garantie et dans le même temps, lever la garantie prise sur le bien.
- En présence d’un nantissement
il s’agit d’une sûreté réelle où un autre bien est mis en gage (assurance-vie, actions). Le nantissement devrait se poursuivre dans la mesure où l’emprunt demeure garanti par un bien toujours présent dans le patrimoine du donateur.
* Concernant les sûretés personnelles :
- En présence d’un cautionnement :
il s’agit d’une sûreté personnelle qui engage une personne physique ou morale (cautionnement bancaire ou mutuelle) au paiement des échéances en cas défaillance du débiteur du prêt. La caution peut être l’emprunteur lui-même.
Remarque : En pratique, l’accord de la caution devrait être nécessaire pour la continuité du cautionnement car la situation du donateur est susceptible d’être modifiée (notamment si ,le bien était générateur de revenus). Malgré tout, il semble que le cautionnement reste en place jusqu’à son terme.
Cependant, il est possible que le prêteur ne soit plus satisfait de ce type de garantie (notamment dans l’hypothèse où le bien donné était générateur de revenus et assurait la solvabilité de la caution qui est également l’emprunteur) et demande au donateur une nouvelle garantie avant d’autoriser la donation.
Donation de l’immeuble à charge pour le donataire de rembourser l’emprunt
Après autorisation du prêteur, le donateur peut procéder à la donation de son immeuble à charge pour le donataire de rembourser le solde du crédit.
La validité de la donation avec charge de rembourser une dette
L’existence de la charge (le crédit restant à rembourser) ne fait pas obstacle à la donation sous réserve que le solde du prêt n’excède pas la valeur du bien. Ainsi , trois cas se distinguent :
- Lorsque le capital restant dû est inférieur à la valeur de l’immeuble : il y a bel et bien une donation ;
- Lorsque le capital restant dû est égal à la valeur de l’immeuble : la donation est requalifiée en vente (paiement d’une plus-value éventuelle) et taxée comme une mutation à titre onéreux (environ 5,80 %) au lieu des droits de donation après un abattement de 100 000 € en cas de donation à un enfant ;
- Lorsque le capital restant dû est supérieur à la valeur de l’immeuble : la donation est réputée avoir été faite dans le sens inverse (le donataire devient le donateur) et donc taxée aux droits de mutation à titre gratuit dans l’autre sens.
A cet effet, L'administration peut contester l'évaluation des biens donnés pour rétablir le véritable caractère du contrat. BOI-ENR-DMTG-20-10-10 , § 40
Les avantages de la donation avec transfert du prêt
Cette donation avec charge permet de réduire les droits de donation. En effet, la dette (le capital restant dû) est déductible pour le calcul des droits de donation, à condition que ce « transfert » soit prévu dans l’acte de donation, qu’il soit notifié au prêteur, et que le donataire rembourse effectivement l’emprunt. CGI art. art. 776 bis ; BOI-ENR-DMTG-20-30-10, § 130 et suiv.
En cas de donation de la nue-propriété de l’immeuble avec réserve d’usufruit au profit du donateur seule la fraction du prêt correspondant à la nue-propriété transmise (selon la répartition prévue à l’article 669 du CGI) est déductible pour le calcul des droits de donation. BOI-ENR-DMTG-20-30-10, § 200
Remarque : Cette charge ne permet pas de réduire la taxe de publicité foncière (qui a pour assiette la valeur vénale de l’immeuble, sans déduction du prêt) et la plus-value au moment de la revente de l’immeuble (le prix d’acquisition retenu est celui de la valeur vénale du bien au jour de la donation). BOI-ENR-DMTG-20-30-10, § 270 et 290
Le sort des garanties
* Concernant les sûretés réelles
- S’il s’agit d’une hypothèque ou d’un privilège de deniers
Il s’agit de sûretés réelles portant sur l’immeuble, qui sont transmises avec le bien (le créancier dispose d’un droit de suite sur le bien, y compris si le bien a changé de propriétaire). BOI-REC-GAR-10-20-10-40 § 110 à 150
Remarque : Puisque la garantie suit le bien, cela devrait faciliter l’obtention de l’accord du prêteur pour la donation ainsi que pour le transfert de la dette au donataire.
- S’il s’agit d’un nantissement
Il s’agit d’une sûreté réelle où un autre bien est mis en gage (assurance-vie, actions). Dès lors, en principe, le nantissement se poursuit dans la mesure où l’emprunt demeure garanti par un bien (toujours présent dans le patrimoine du donateur).
Avis Fidroit : La situation n’est pas optimale, car le donateur demeure tenu, sur son bien, du règlement de la dette en cas de défaillance du donataire. Il faudrait donc d’obtenir l’autorisation du prêteur afin qu’il procède à la mainlevée du nantissement (libérant le donateur) et prenne par ailleurs une nouvelle garantie (personnelle ou réelle) sur le donataire, nouveau débiteur.
* Concernant les sûretés personnelles
- S’il s’agit d’un cautionnement
Il s’agit d’une sûreté personnelle qui engage une personne physique ou morale (cautionnement bancaire ou mutuelle) au paiement des échéances en cas défaillance du débiteur du prêt. La caution peut être l’emprunteur lui-même.
Du fait du changement de débiteur, le cautionnement prend fin (la caution garantie un débiteur spécifiquement nommé et pour une dette spécialement identifiée).
Par conséquent, le prêteur peut demander une nouvelle garantie (cautionnement ou autre) sur le donataire (ou le bien) désormais redevable des échéances d’emprunt.
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