Atouts patrimoniaux et fiscaux des sociétés civiles de portefeuille

Par : edicom

Article extrait du mémento Sociétés civiles 2019, paru aux éditions Francis Lefebvre.

Une société est civile lorsqu’elle a une activité civile et qu’elle ne correspond pas à une société à laquelle la loi confère le caractère commercial en raison de sa forme ou de son objet (C. civ. art. 1845, al. 2). La société civile est susceptible de très nombreuses applications, puisque toutes les activités qui n’ont pas un caractère commercial peuvent être exercées sous cette forme : agriculture, professions libérales, construction immobilière en vue de la vente, etc. Intérêts patrimoniaux et fiscaux de la société civile de portefeuille.

Les sociétés civiles de portefeuille ont pour objet principal, sinon exclusif, la détention et la gestion d’un portefeuille de valeurs mobilières, le plus souvent préexistant et apporté au moment de la constitution de la société par les fondateurs. Cette composition de leur patrimoine leur confère une certaine originalité ; mais elles ne font l’objet d’aucune réglementation spécifique et elles sont soumises aux règles de droit commun posées par les articles 1845 et suivants du Code civil.

Elles doivent ainsi être distinguées des sociétés de gestion de portefeuille proprement dites, visées par l’article L 532-9 du Code monétaire et financier : ces dernières ne sont pas propriétaires d’un portefeuille ; elles sont des prestataires de services d’investissement (sociétés commerciales) agréés par l’AMF.

Intérêt patrimonial

Outil de gestion patrimoniale

Le recours à la société civile de portefeuille permet une dissociation entre la propriété du portefeuille et la gestion de celui-ci : la société est propriétaire du portefeuille apporté par les associés qui reçoivent en contrepartie de cet apport des parts de la société civile.

La gestion effective du portefeuille composant l’actif social est assurée par le gérant, voire par un tiers investi par les associés d’un mandat de gestion ; cette gestion s’exerce sous le contrôle des associés. En conséquence, les opérations sur titres relèvent de la compétence du gérant et n’ont pas à être autorisées par les associés, ces derniers n’exerçant leur droit de regard sur la gestion du portefeuille qu’au moment de la reddition des comptes annuels. L’exercice à cette occasion de leur droit de vote constitue un acte d’administration.

Valeurs mobilières en usufruit

Lorsqu’un portefeuille de valeurs mobilières est grevé d’usufruit, l’usufruitier dispose d’une grande liberté de gestion. Il peut céder des titres, mais à condition de les remplacer par d’autres titres car il est tenu de conserver la substance du portefeuille et de le rendre en fin d’usufruit. La constitution d’une société civile à laquelle sont apportés les droits en nue-propriété et en usufruit détenus sur le portefeuille permet de rassembler les prérogatives de l’usufruitier et du nu-propriétaire au niveau de la société et d’obtenir ainsi une plus grande autonomie de gestion du portefeuille. Le démembrement est alors reporté sur les parts de la société civile.

La société civile peut favoriser le maintien d’un démembrement de propriété en permettant l’accroissement des droits pécuniaires de l’usufruitier. En effet, en cas de détention directe du portefeuille, l’usufruitier n’a droit qu’aux revenus des titres et, en l’absence de convention particulière entre les parties, le produit de la cession des titres est partagé entre le nu-propriétaire et l’usufruitier au prorata de la valeur respective de leurs droits. Dans le cadre d’une société civile, l’usufruitier peut appréhender, outre les revenus des titres détenus par la société, les plus-values de cession de ces titres comprises dans les résultats distribués.

Valeurs mobilières en indivision

La société civile permet d’écarter l’indivision et d’inscrire la gestion du portefeuille commun dans la continuité en faisant échapper les associés aux aléas de l’action en partage qui appartient à chaque indivisaire, que l’indivision soit successorale ou conventionnelle.

Vecteur de transmission patrimoniale

Une société civile de portefeuille peut être créée pour transmettre une entreprise, la transmission de cette dernière s’effectuant par apport de ses titres à une société holding.

La création d’une société civile peut également permettre la transmission anticipée à des successibles d’un portefeuille de valeurs mobilières, en isolant celui-ci du reste du patrimoine du détenteur des titres.

Après avoir apporté son portefeuille à la société civile, l’intéressé peut procéder à une donation-partage entre ses héritiers des parts de la société civile ; il peut également consentir une donation avec réserve d’usufruit en sa faveur, étant précisé dans ce cas que la réunion de la nue-propriété et de l’usufruit à son décès n’entraînera pas de droits de succession si la donation à ses héritiers a été consentie plus de trois mois avant son décès (conditions de taxation prévues à l’article 751 du CGI).

Les parts sociales rémunérant l’apport sont moins liquides que les titres apportés ; l’apporteur peut ainsi éviter que ses successibles ne dilapident leur héritage. La société civile offre la faculté d’organiser la gestion des titres. La gérance de la société peut par exemple être confiée dans un premier temps aux parents, qui conservent la liberté de gérer leurs biens tout en les transmettant.

Intérêt fiscal

La gestion d’un portefeuille de valeurs mobilières par l’intermédiaire d’une société civile peut présenter, pour les personnes qui souhaitent transmettre leur portefeuille ou qui souhaitent isoler la gestion de ce portefeuille dans une structure spécialement adaptée, un certain nombre d’avantages fiscaux, notamment en matière de droits de mutation et en matière d’impôt sur le revenu.

Quels que soient les objectifs recherchés, la constitution de la société de portefeuille doit éviter l’écueil de l’abus de droit.

La circonstance que l’interposition d’une société permet l’atténuation de la charge fiscale encourue à raison d’une opération ne suffit pas à caractériser un abus de droit dès lors que : premièrement, la société fonctionne normalement et ne peut être tenue pour fictive (tenue régulière des assemblées, activité réelle correspondant à l’objet défini par les statuts, etc.) ; deuxièmement, sa constitution répond à des motivations autres que fiscales (notamment juridiques, financières ou de gestion).

Il convient de veiller à ce que ces motivations autres que fiscales soient même principales afin que la constitution de la société de portefeuille ne soit pas susceptible d’être remise en cause par l’administration sur le terrain de la fraude à la loi au motif de son but principalement fiscal.

Plus-values de cession de titres démembrés

L’administration admet qu’en cas de cession de titres d’un portefeuille de valeurs mobilières démembrées, l’usufruitier soit conventionnellement désigné comme redevable de l’impôt sur les plus-values. Néanmoins, cette position manque de souplesse : l’option n’est pas ouverte aux démembrements résultant d’une donation.

L’interposition d’une société de portefeuille soumise au régime fiscal des sociétés de personnes est de nature à résoudre cette difficulté. En effet, dans le cadre d’une telle société, la répartition de la charge fiscale entre les parties peut être opérée sur le fondement d’une convention de répartition du résultat intégrée dans les statuts ou dans un acte séparé.

Paiement différé des droits de succession

Lorsqu’un bien a été transmis en nue-propriété par voie de succession, le nu-propriétaire peut différer le paiement des droits de mutation jusqu’à l’expiration d’un délai de six mois après la date de réunion de l’usufruit à la nue-propriété ou de la cession totale ou partielle de cette dernière. Lorsque la transmission porte sur un portefeuille de valeurs mobilières, l’administration admet que les cessions de titres opérées par l’usufruitier ne remettent pas en cause le différé de paiement obtenu par le nu-propriétaire, sous condition de réinvestissement dans de nouvelles valeurs.

Lorsque la transmission porte sur les parts de la société civile constituée pour gérer le portefeuille, la société peut, sans condition de réinvestissement, procéder aux cessions qu’elle estime utiles, sans que le différé de paiement obtenu par le nu-propriétaire des parts soit remis en cause.

Présomption de propriété de l’usufruitier

Une présomption de propriété de l’usufruitier est prévue, en matière de droits de succession, pour éviter certains abus liés aux démembrements de propriété, lorsque la nue-propriété d’un bien est transmise aux héritiers présomptifs de l’usufruitier (CGI, article 751).

La constitution d’une société civile pour détenir la nue-propriété du bien peut permettre d’éviter l’application de cette présomption.

Présomption de propriété des valeurs mobilières et parts sociales

Sont présumées, jusqu’à preuve contraire, faire partie de la succession les actions, obligations, parts de fondateur ou bénéficiaires, biens ou droits placés dans un trust, parts sociales et toutes autres créances dont le défunt a eu la propriété ou a perçu les revenus ou à raison desquelles il a effectué une opération quelconque moins d’un an avant son décès. La preuve contraire peut être apportée par les héritiers par tous modes de preuve compatibles avec la procédure écrite : tel sera le cas de l’acte constitutif de la société constatant l’apport en société, et enregistré avant le décès.

Régime fiscal de la société

En règle générale, la société civile relève du régime fiscal des sociétés de personnes. La société de portefeuille non soumise à l’IS est semi-transparente : pour le paiement des dividendes et autres revenus, elle joue le rôle d’établissement payeur. Les associés personnes physiques sont personnellement imposables sur leur quote-part des résultats, même s’ils ne sont pas distribués, dans la catégorie de revenus correspondant à l’activité de la société : s’agissant d’une société de portefeuille, imposition des associés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, comme s’ils avaient eux-mêmes directement perçu les revenus considérés ; si la société réalise des plus-values de cession de valeurs mobilières relevant du régime de l’article 150-0 A du Code général des impôts, la quote-part des plus-values revenant à chaque associé est ajoutée aux plus-values (relevant du même régime) qu’il a réalisées à titre personnel pour imposition en son nom. La société peut opter pour l’impôt sur les sociétés : les résultats seront alors imposés selon le régime de droit commun des sociétés soumises à l’IS.

  • Mise à jour le : 03/02/2020

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