Conséquences de l’incapacité du dirigeant d’entreprise

Par : edicom

Question issue de Fidnet, la base documentaire du groupe Harvest

Le bon fonctionnement d’une société dépend souvent de son dirigeant. Ainsi, si celui-ci n’est plus apte (sous tutelle, curatelle, sauvegarde de justice, habilitation familiale ou mandat de protection future), la survie de la société peut être compromise. Quelles sont les conséquences de son incapacité ?

La mise sous protection d’un dirigeant n’entraîne pas automatiquement sa mise à l’écart de la gestion de la société : il ne perd pas son mandat social (C. civ. art. 1160 [société civile, SAS, SNC] ; C. com. art. L. 223-27 al. 8 [Sarl]). Même s’il ne perd pas automatiquement son mandat, pour des questions de bon fonctionnement, il est nécessaire de remplacer le dirigeant. Il faut donc provoquer sa révocation et nommer un nouveau dirigeant.

Remarque : le tuteur, le curateur, la personne habilitée (dans le cadre de l’habilitation famille) ou le mandant (dans le cadre d’un mandat de protection future) ne peuvent pas diriger la société à la place du dirigeant. Ils peuvent uniquement exercer ses prérogatives d’associé (notamment le vote en assemblée générale). Il est donc nécessaire de nommer un nouveau dirigeant.

 

Convocation en assemblée générale

Pour révoquer et nommer un nouveau dirigeant, il est nécessaire de convoquer l’assemblée générale des associés :

- en Sarl, tout associé peut convoquer l’AG lorsque le dirigeant est placé sous tutelle. Dans les autres cas, le commissaire aux comptes peut demander la convocation. A défaut un associé peut demander au président du tribunal de commerce de désigner un mandataire chargé de convoquer l’AG ;

- en société civile, tout associé peut convoquer l’AG lorsque le dirigeant est placé sous tutelle (cette possibilité s’applique en cas de « vacance du gérant » selon l’article 1846 du Code civil, mais étant une transposition des dispositions applicables aux Sarl, elle ne devrait s’appliquer, à notre sens, qu’en cas de tutelle). Dans les autres cas, un associé peut demander au président du tribunal judiciaire de désigner un mandataire chargé de convoquer l’AG (C. civ. art. 1846 ; décret du 3 juillet 1978, n° 78-704, art. 39 al. 3) ;

- en SNC et en SAS, les personnes autorisées à convoquer l’AG sont déterminées dans les statuts. Il sera donc utile d’indiquer que tout associé a le droit de convoquer l’assemblée générale en cas d’incapacité du dirigeant.

Remarque : il faut tenir compte du délai à respecter entre l’envoi de la convocation et la tenue de l’AG (huit à quinze jours), ce qui rallonge d’autant la période de vacance.

 

Les modalités de révocation du dirigeant incapable

Les modalités pour révoquer un dirigeant différent selon la forme de la société :

- en Sarl ou en société civile, le gérant est révocable par les associés représentant plus de la moitié des parts sociales, sauf si les statuts prévoient une majorité plus forte (C. com. art. L. 223-25 [Sarl] ; C. civ. art. 1851 [société civile]) ;

- en SAS, la révocation des dirigeants est réalisée selon les modalités prévues par les statuts (par les associés ou tout autre organe) ;

- en SNC, les gérants associés sont révocables par les associés, à l’unanimité. Les gérants non associés sont révocables par les associés à la majorité ou selon les modalités prévues par les statuts (C. com. art. L. 221-12).

Attention : la révocation du gérant associé de SNC entraîne, en principe, la dissolution de la société, sauf clause contraire dans les statuts ou si l’unanimité des associés décide de ne pas recourir à la dissolution.

 

Les modalités de nomination d’un nouveau dirigeant

Les modalités pour nommer un dirigeant différent selon la forme de la société :

- en Sarl et société civile, la nomination des dirigeants est réalisée par les associés représentant plus de la moitié des parts sociales, sauf disposition contraire des statuts (C. com. art. L. 223-18 [Sarl] ; C. civ. art. 1846 al. 3 [société civile]) ;

- en SAS, la nomination des dirigeants est réalisée selon les modalités prévues par les statuts (par les associés ou tout autre organe) ;

- en SNC, la nomination des dirigeants est réalisée à l’unanimité des associés, sauf disposition contraire des statuts.

 
Le vote en assemblée générale

Pour voter la révocation et la nomination du dirigeant, il faut, dans la plupart des cas, voter en assemblée générale des associés. Or, si le dirigeant est également associé, il doit intervenir lors de ces assemblées générales. Les modalités du vote dépendent de la mesure de protection mise en place et de la nomination, ou non, du gérant par les statuts (gérant statutaire ou non).

Dans tous les cas, pour pouvoir voter, encore faut-il que le tuteur, la personne habilitée, le mandataire et le curateur soient avertis de la tenue de l’AG et puissent y assister. Il est nécessaire d’indiquer à la société et/ou aux associés qui procèdent à la convocation les coordonnées de la personne qui doit représenter le dirigeant devenu incapable.

 

Avis Fidroit

Compte tenu de l’ensemble de ces difficultés pratiques et du délai que peuvent engendrer ces démarches, il est recommandé d’anticiper l’incapacité en prévoyant, dans les statuts, que les dirigeants placés sous mesure de protection sont réputés démissionnaires d’office ; et en nommant, dans les statuts, un gérant substitutif (cette intégration dans les statuts nécessite l’unanimité des associés).

 

Références

C. civ. art. 435 ; C. civ. art. 467 ; C. civ. art. 473 ; C. civ. art. 490 ; C. civ. art. 492 ; C. civ. art. 493 ; C. civ. art. 494-6 ; C. civ. art. 505 ; C. civ. art. 1160 ; C. civ. art. 1846 ; C. civ. art. 1851 ; C. com. art. L. 221-12 ; C. com. art. L. 223-18 ; C. com. art. L. 223-25 ; C. com. art. L. 223-27 ; décret 22 déc. 2008, n° 2008-1484, ann. 2, II.

  • Mise à jour le : 12/05/2023

Vos réactions